Comédie musicale : « Rêve Général » ou le chant de l’espoir

Gazette Debout lance une nouvelle rubrique, Culture Debout, afin de vous guider vers les oeuvres qui résonnent le plus avec Nuit Debout, pour y trouver de l’espoir, des idées ou des arguments et vous inciter à y emmener ceux qui doutent. Car la culture est politique, toute la culture. Nous ne recevons pas d’invitations, aussi nos choix seront-ils purement libres et subjectifs. Nous placerons chacune des oeuvres sur une « échelle Debout » qui compte 10 échelons : 1 correspondant à une oeuvre aux antipodes des idées de Nuit Debout et 10 correspondant à une oeuvre qui les épouse parfaitement. Aujourd’hui, Rêve Général de la Compagnie Pliez Bagage à la Belle Etoile à Saint-Denis.

Ce vendredi 21 octobre, n’écoutant que son courage sans limite, votre serviteur en charge de #CultureDebout a traversé le périphérique pour se rendre dans la tristement célèbre ville de Saint-Denis. Pour le journaliste lambda et le Français qui l’écoute, Saint-Denis n’est qu’un repère de putes à crack, de « jeunes de banlieues » assoiffés de sang et de djihadistes en puissance. Pour le militant impliqué et le citoyen averti, c’est une terre de luttes et de promesses, où les cultures se rencontrent. C’est la patrie de l’ouvrier engagé et du sans-papier désespéré. Et pour l’intermittent désargenté, c’est le siège des studios de télévision de la Plaine-Saint-Denis.

Et pourtant, en descendant du métro à la station Front Populaire, Saint-Denis ressemble à toutes ces villes nouvelles qui colonisent la banlieue parisienne. Les trottoirs sont larges et déserts, les bâtiments modernes et impersonnels. Mais quelques centaines de mètres plus loin, se dresse la Belle Etoile, salle de spectacles engagés tenue par la Compagnie Jolie Môme depuis 2004, ancienne salle des fêtes bâtie à la fin du XIXe siècle, dont les murs retracent plus d’un siècle de luttes sociales à travers affiches, graffitis et slogans directement taillés dans la pierre. C’est un sanctuaire de la culture militante où passé et présent dialoguent, illuminant un quartier sans âme.

Bref, tous les ingrédients étaient réunis pour donner une saveur particulière à la représentation exceptionnelle, offerte par la municipalité, de la comédie musicale Rêve Général, qui aborde l’aventure du Front Populaire à travers l’histoire d’une usine textile de Nogent, de ses ouvrier-e-s à ses patrons, au cours de l’été 1936.

Le cadre aidant, le spectateur est tout de suite plongé dans la vie de ces femmes et de ces hommes qui découvrent la possibilité de la grève, de la lutte et de l’espoir. Le contexte historique de la victoire du Front Populaire sera résumé tout au long du spectacle par un banquier suffisant, très fier de posséder avec ses amis pratiquement toute la presse (ça vous rappelle quelque chose ?) et par l’opposition radicale des unes de l’Humanité et du Figaro scandées par deux vendeurs de journaux à la criée. Mais toute la saveur de Rêve Général vient de l’évocation de la vie et des rêves de ces pionniers de la grève générale.

Par la danse et par le chant, d’époque uniquement, de Gershwin à Trénet en passant par l’Internationale (reprise en chœur par le public de la Belle Etoile), c’est avec douceur, subtilité et humour que sont suggérées les revendications des ouvrier-e-s, l’ambiance de fête des premières occupations d’usines, la découverte de la plage et de ses plaisirs grâce aux premières semaines de congés payés. Les patrons, un frère à l’âme d’artiste et une soeur frivole, sont moqués gentiment mais se révèlent n’être que d’autres victimes d’un système capitaliste qui, déjà, écrase tout sur son passage. Car la parenthèse de l’été 1936 passée, la gauche au pouvoir plie déjà (bis) face à la finance et l’usine sera fermée. Ne restent alors que l’espoir de produire autrement et déjà (ter) l’utopie de la coopérative, la SCOP en français administratif.

Echelle Debout 8/10 : Comme le laisse présager son titre – trouvé en novembre 2015, les grands esprits se rencontrent – la comédie musicale de Thomas Cannariato, à l’écriture, et Madlyn Farjot, à la mise en scène et la chorégraphie, possède une résonance particulière avec Nuit Debout. Elle est d’ailleurs émaillée de références à l’actualité sociale récente, de la chemise arrachée à la défense de la réduction du temps de travail (Blum propose la semaine de 40h, « et pourquoi pas 35 » se gausse le contre-maître de l’usine). On pourra peut-être lui reprocher de ne faire qu’effleurer le contexte historique du Front Populaire, mais le spectacle vivant n’a pas forcément vocation à être didactique et élitiste. En parlant à l’âme, plutôt qu’à l’esprit, aux sentiments plutôt qu’aux idées, il se fait plus universel, capable de toucher tous les spectateurs de l’érudit au béotien et il incite à penser, à apprendre et finalement à rêver.

Rêve Général de la Compagnie Pliez Bagage, prochaines représentations sur la page facebook de la compagnie ; durée : 1h30.

Ndlr : L’échelle debout ne constitue en rien une note donnée à l’oeuvre mais permet seulement de la situer par rapport au mouvement Nuit Debout.

Sébastien Novac. 

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Crédits photos:

  • gazette-debout-critique-reve-general: Karo Cottier

Une réaction sur cet article

  • 28 octobre 2016 at 19 h 43 min
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    Bonsoir les debout, toujours debout.. L’initiative est heureuse, de même que l’orchestre debout.. C’est par la Culture que le peuple des salarié-es-s s’émancipera et, ipso facto, enverra les tyrannies mordre la poussière.. Cela, les possédant-es-s le savent bien, c’est bien pourquoi ils font tout leur possible, pour que les salarié-es-s, les précarisé-es-s, les « gens d’en-bas » dénigrent la Culture; en échange, on leur sert de la daube sur les chaînes privatisées, et aussi les publiques; hélas.. Penser est une arme de combat.. « Et cependant, Elle tourne.. » Salutations..

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