Food Coop, le supermarché aux 17 000 propriétaires
Un autre monde est-il possible ? Oui, car il existe déjà ! Pour ce qui est de faire ses courses alimentaires en tout cas. Il n’est pas question ici d’une alternative balbutiante et anonyme, non, il s’agit d’une idée qui fonctionne depuis plus de 40 ans, impliquant près de 17 000 personnes à Brooklyn (New York). Bienvenue à la Park Slope Food Coop, la Coopérative alimentaire du quartier de Park Slope.
Ce supermarché d’un autre genre fait l’objet d’un documentaire intitulé Food Coop, sorti mercredi 2 novembre. Le réalisateur, Thomas Boothe, qui n’a pas réalisé d’autres films auparavant, est l’une des personnes à l’origine d’un projet de coopérative similaire à Paris, La Louve. Le but de ce documentaire est à la fois de présenter la coop new-yorkaise – fondée en 1973, elle n’a pas d’actualité particulière –, et de promouvoir La Louve dont le lancement est prévu dans les prochains jours.
Le fonctionnement de la coopérative de Park Slope est basé sur un principe simple : pour être client, il faut être membre, moyennant un droit d’entrée d’environ 23 €, et une « cotisation » d’environ 90 €, remboursable si vous quittez la coop. Dès lors que vous devenez membre, vous devenez « copropriétaire » du supermarché ; et en tant que tel, votre voix compte autant que les autres lors des assemblées générales. Ainsi, vous participez à toutes les décisions importantes, comme le choix des produits. Et le résultat est intéressant : après 43 ans d’existence, de démocratie horizontale, beaucoup des produits proposés aujourd’hui sont bios et locaux, plus goûteux et moins coûteux pour l’environnement. Précisons que des produits industriels de consommation courante sont également disponibles.
Voix au chapitre, bons produits… reste la question du prix. La Food Coop annonce des tarifs inférieurs de 20 à 40 % à ceux pratiqués dans les supermarchés traditionnels. Il n’y a pas de magie. Les prix sont moindres car, en tant que membre, vous donnez de votre temps à la coop (2 h 45 min par mois) réduisant ainsi le coût total de la main d’œuvre nécessaire au fonctionnement du supermarché (il y a parallèlement des salariés, pour des questions de compétence notamment). Pas de magie non plus si l’on considère qu’il n’y a ni PDG ni actionnaires pour faire leur beurre sur la margarine que vous achetez. D’ailleurs, le film insiste moins sur ce dernier point que sur l’économie réalisée grâce à la main d’œuvre gratuite. Tant pis.
Retenons simplement que la coop marge moins que les autres supermarchés et peut par conséquent proposer des prix inférieurs. Elle doit évidemment marger un minimum pour assurer son fonctionnement matériel, sur décision des membres bien sûr. L’économie réalisée en tant qu’acheteur reste à relativiser. Si vous économisez 20 € sur 100 € de courses alimentaires chaque mois, vous donnez aussi 2 h 45 de votre temps, et si ces heures étaient rémunérées à 10 €/heure, cela équivaudrait à 27,50 €.
Le documentaire révèle par ailleurs le caractère unique de ce contexte social. Chaque membre est client et propriétaire, impliquant une responsabilisation importante. Chaque membre est également employé et employeur, gommant ainsi certains rapports de domination.
Par ailleurs, le temps de contribution obligatoire vous amène à réaliser des tâches que vous auriez pu juger ingrates, à en découvrir d’autres qui vous plaisent, – même si, dans la mesure du possible, vous choisissez votre mission. Pour la plupart des tâches, vous bénéficiez d’ailleurs d’une petite formation en interne.
Si Food Coop est un film assez simple en termes de scénarisation et de réalisation, il a le mérite de présenter une alternative qui n’est pas un concept d’avenir demandant de l’espoir, mais, au contraire, une idée qui fonctionne depuis quatre décennies et qui donne de l’espoir.
U. M. pour Gazette Debout
Crédits photos:
- Documentaire Food Coop, Enseigne: Documentaire Food Coop
- Affiche documentaire Food Coop: Documentaire Food Coop
- Documentaire Food Coop: Documentaire Food Coop
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