Nuit Debout, la démocratie rêvée ?

TRIBUNE – Cet essai tente de dresser un premier bilan du mouvement français Nuit Debout. Il s’agit d’analyser et de comprendre les liens qui unissent désormais les différents mouvements d’occupation de places qui agitent l’Europe depuis 2011. Peut-on voir dans l’émergence d’un nouvel idéal de démocratie, à la fois rêvé et vécu, une dynamique cohérente pour comprendre ces mouvements ?

Dès le début, le mouvement Nuit Debout déclare le « rêve général » et l’« état d’urgence poétique » comme pour exorciser cette époque cauchemardesque plombée par la violence, celle du terrorisme et des conflits internationaux avec leurs migrants, celle d’un état d’urgence permanent retourné contre les franges militantes de la population, mais aussi la violence sociale, celle du précariat généralisé et du chômage de masse.

C’est donc logiquement « La loi travail et son monde » qui sont unanimement conspués sur ces places de France qui se peuplent une fois la nuit tombée, une fois la manifestation dispersée ou le boulot terminé. Première victoire du mouvement, l’espace public est ainsi reconquis là où le droit même de manifester, ainsi que d’autres libertés fondamentales, étaient gravement menacés. En pleine grogne sociale contre la modification du droit du travail, Nuit Debout apparaît donc comme un espace libéré, bien plus qu’occupé, où viennent converger les luttes autant que viennent s’agréger les espoirs.

Inconséquence et absurdité d’un monde

Notre époque est, fondamentalement, celle de l’expérience quotidienne de l’absurdité du monde. Cette incohérence majeure de nos sociétés, brillamment exprimée par l’Homme révolté d’Albert Camus, est désormais révélée au plus grand nombre. Il faut saisir la profondeur abyssale de ce sentiment, et le courage requis, individuellement et collectivement, pour en sortir, afin d’appréhender pleinement les ressorts psychologiques communs qui permettent de joindre entre eux les différents mouvements d’occupation de places en France (Nuit Debout, 2016), en Espagne (Les Indignés, 2011) et la Grèce (Aganaktismeni, 2011). Dans ces pays méditerranéens, c’est la rétraction, voire la faillite, de l’État providence provoquées par les politiques d’austérité et imposées par la Troïka (BCE, FMI, Commission européenne) qui ont distillé parmi la population cette même stupeur paralysante ressentie par les Français après les attentats.

Quelle qu’ait été la différence de conditions initiales entre ces pays, partout les tenants du libéralisme sauvage ont tiré avantage de ces situations de faiblesse populaire pour appliquer leur « stratégie du choc ». Naomi Klein, dans son ouvrage éponyme, décriait précisément cet agenda politique ultra-libéral visant à accentuer encore le démantèlement des libertés et des mécanismes de solidarité collectifs au profit de l’ordre économique et sécuritaire renommé « Capitalisme du désastre »1.

Lire la suite de l’article de Benjamin Sourice dans le club de Mediapart.

Crédits photos:

  • Contre la privatisation de l’espace public: Stephane Burlot / DR

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