Témoignage de Savannah, au cœur de la manif sauvage à Belleville
TEMOIGNAGE – Pseudo-manifestation jeudi 23 juin à la Bastille. Notre groupe, parti de République à 13h, a dû se plier à six ou sept contrôles de police avant de parvenir place de la Bastille. Nous avons été fouillés, vêtements et sac à dos, avec déroulement des banderoles, vérification de la carte d’identité, etc.
Après la mascarade consistant à nous faire tourner en rond sur un kilomètre et demi, un certain nombre d’entre nous sommes retournés place de la République. La frustration s’est déversée dès les premières minutes de l’Assemblée. On n’avait pas pu exercer librement notre droit de manifester. On ne voulait pas en rester là. Nous voulions faire une manifestation sauvage.
Pour la première fois depuis que j’assiste aux Assemblées de Nuit Debout, les personnes présentes ont accepté à l’unanimité de modifier l’ordre du jour pour parler de l’organisation d’une manif sauvage. Mais pas folle la guêpe ! Partir où ? Dans quel but ? Pour faire quoi ? Pour être nassés à 20 mètres de la place ?
Un bruit parvient à mes oreilles. Ménilmontant 19h30.
Le mégaphone qui porte la voix de l’Assemblée m’appartient. L’heure approche. La discussion sur « comment dire à tout le monde où aller sans se faire griller » continue. Je prends la parole : « Ce mégaphone c’est le mien. Il faut que j’aille quelque part. Qui m’aime me suive. »
L’info a été communiquée à deux autres personnes. On s’est divisés en trois groupes pour prendre le métro, si possible via des itinéraires différents. Et ça a très bien réussi. Nous avons semé les flics sur le quai du métro en longeant les rames sans monter dans les wagons. C’était l’heure de pointe. Nous sommes arrivés à Ménilmontant par plusieurs lignes différentes, nous ne sommes pas tous descendus à la même station. Nous avons finalement réussi à tous gagner le point de rassemblement sans être escortés par la police. Sans même qu’elle parvienne à nous suivre, semble-t-il.
Puis, après presque une heure d’attente, sans trop savoir si c’était LE bon moment ou pas, nous nous sommes lancés. Nous nous sommes sans doute laissé porter par les plus motivés et leurs objectifs, et par les meilleurs connaisseurs du terrain.
Nous avons quitté Ménilmontant, rejoint le siège de la CFDT, couru les quartiers populaires de Paris jusqu’à être dispersés à proximité de Belleville. J’ai particulièrement apprécié la destruction des vitrines de la CFDT et celles d’un Pôle emploi. Sans oublier le concessionnaire automobile.
J’ai surtout été emplie d’extase lorsqu’à force d’insistance, les jeunes en bas de leur tour HLM ont répondu à nos appels : « Ne nous regardez pas, rejoignez nous ! ». Petit à petit, des groupes de riverains et autres passants nous ont rejoints, et le cortège a grossi, grossi, grossi. Les familles, à leur balcon, nous applaudissaient. Face à la destruction de la vitrine du Pôle emploi, les badauds, loin d’avoir l’air choqué, semblaient satisfaits.
Bien que cette récréation ait été enivrante, la police a fini par nous rattraper. Puis par nous barrer les rues. On approchait de Belleville. Elle nous courait après et, sur notre droite, les rues adjacentes étaient bouclées par des voitures banalisées. Les gyrophares tournaient au loin, en face de nous. Nous avons couru de toutes nos forces pour arriver au carrefour en bas de la rue avant que la police nous intercepte.
Je vois les flics sortir de leur voiture en face de moi, je tourne à gauche en suivant les autres. Je vois les policiers sortir leurs armes. Ils tirent.
Grenades de désencerclement, grenades assourdissantes, grenades lacrymogènes, LBD (nouveau flash-ball). Je cours de plus belle et prends un second virage à gauche. Juste devant moi, quelques personnes entrent dans un bâtiment privé. Un vieux monsieur nous tient la porte. J’entre. Une dame demande ce qui se passe. « On s’est fait poursuivre par la police, dis-je, Ils nous tiraient dessus avec des grenades. » Elle nous voit essoufflés, apeurés, en nage. Elle comprend. Elle acquiesce pour qu’on se mettre à l’abri. Le monsieur ferme son portail à clé. Il va voir de temps en temps ce que fait la police, nous dit de nous cacher quand elle regarde dans notre direction. Au bout d’un moment, il nous informe (nous étions une dizaine de jeunes) que nous pouvons sortir deux par deux, à condition de marcher tranquillement, pour ne pas être repérés.
Avec une autre fille, nous sortons les premières. Nous sommes encore tout près de l’endroit où ça a pété. De nombreux flics sont encore sur place, les pompiers sont là, ils emmènent quelqu’un sur un brancard. J’apprendrais plus tard qu’il s’agit d’un camarade de la commission Sans-logis.
Deux douzaines de badauds assistent à la scène, pour certains ce sont des camarades que je reconnais, pour d’autres, des riverains écœurés. Une femme me dit que les lacrymogènes sont entrés par sa fenêtre et ont incommodé ses enfants. Là-dessus, la police se jette sur un homme, puis sur un deuxième. Impuissants, nous assistons à deux nouvelles arrestations violentes. Un autre habitant du quartier me dit qu’il a vu la police en nasser quelques dizaines, pour ensuite pleuvoir sur eux avec les matraques. Aucune idée du nombre d’arrestations. La victime n’a rien de grave. D’autres blessés légers sont à déplorer. Moi ça va.
Je voudrais conclure en attirant votre attention sur la solidarité qui a régné entre les habitants des quartiers populaires et notre action. Un homme qu’on ne connaissait pas est allé jusqu’à s’interposer entre le fusil LBD (lanceur de balle de défense) et nous pour nous protéger (cf la vidéo de Taranis News). C’est la plus belle manifestation sauvage que j’ai jamais vue. Même si mon cœur est malade de la souffrance de mes camarades.
Pour vous replonger dans l’ambiance de cette manifestation, regardez la vidéo de Taranis News.
Savannah
Crédits photos:
- Manifestation sauvage du 23 juin: Nuit Debout / DR
- Manifestation sauvage du 23 juin: Nuit Debout / DR
- Manifestation sauvage du 23 juin: Nuit Debout / DR
- Manifestation sauvage du 23 juin: Nuit Debout / DR
Bonsoir les Irréductibles Debout, qui ont résisté et je n’en doute pas, qui résisteront de bout.. À La Bastille, c’était une kermesse, par un après-midi estival.. C’était convenu et convenable; ne manquaient que le patronage du François « Sans Dents », du Manuel Franco, et du Bernard porte-flingue.. « Sans armes, sans violence, sans haine, résistance et désobéissance, c’est l’évidence.. » Et devant nous, il y a encore un 49-3, une loi travail et tout son monde.. Le boulot ne manque pas, donc, on ne baisse pas la garde. « Et cependant, Elle tourne.. » Salutations..
Pourquoi avoir casse des vitrines?
Ça m’étonne de une manifestation sauvage non violente…