Quand les violences de l’Etat révèlent l’absence de démocratie en France

TRIBUNE — La non-démocratie (démocrature ?) à l’œuvre et au grand jour. Après le texte Où est la violence, j’ai eu envie de poursuivre la réflexion. Je me dis qu’il serait bon d’arrêter à présent de parler de « violences policières », et de préférer plutôt « violences d’État » ou « violences du gouvernement ».

Portrait 06
Comme des lapins, Manifestation Denfert-Rochereau 78 Mars – Cyrille Choupas – DR

En effet, l’expression « violences policières » peut laisser croire que les policiers sont les responsables et qu’ils agissent de leur propre chef. Or, les violences de la police sont évidemment décidées – ou tolérées – et couvertes par les politiciens et la « justice » ; elles ne sont dues ni au hasard, ni à la fatigue, ni aux « difficiles conditions de travail des policiers » (comme le prétend le préfet de Rennes). Les préfets ultra-répressifs ne sont pas tombés du ciel non plus, ils ont été choisis sciemment. Le fait que certains policiers (CRS ou non) fassent du zèle et/ou dérapent de leur propre initiative, n’ôte rien au fait que la majorité obéit à des ordres, à une hiérarchie, qui elle obéit au gouvernement, et à Valls en tête.

Tout ceci conforte l’idée que l’on ne vit pas en démocratie. Dès qu’il l’estime nécessaire, le gouvernement n’hésite pas à autoriser la police à être violente envers toutes les catégories de la population, et pas seulement envers les cibles habituelles (jeunes ayant supposément des origines immigrées, anarchistes, étudiants trop agités).

Un gouvernement démocratique n’utiliserait pas de tels moyens de répression. Il n’aurait pas non plus lancé une loi comme la loi travail sans plus de discussions préalables, pas plus qu’il n’aurait utilisé le 49.3. D’ailleurs, dans une véritable démocratie, le gouvernement ne serait pas, comme le nôtre, centralisé et détenteur de tous les pouvoirs. Il se permet même de dire que ceux qui le critiquent radicalement ne sont pas des démocrates !

C’est le même principe qu’une dictature, où un gouvernement et une société non démocratique ne peuvent se maintenir en place que par la force et la terreur. Le niveau de violence de l’État français n’est heureusement pas équivalent (bientôt ?) à celui d’une dictature, mais… bienvenue dans l’État totalitaire et policier permanent !

Cessons pour de bon de prêter allégeance à ce système et donnons-nous les moyens de construire autre chose, debout ! Et pour longtemps !

David

Voir aussi :
Revue de presse de la nausée
Et la violence d’État, on en parle ?

Crédits photos:

  • Portrait 06: Cyrille Choupas /DR
  • Marianne devant la statue: Nuit Debout

4 réactions sur cet article

  • 6 juin 2016 at 11 h 03 min
    Permalink

    « Tous les Etats font tous les jours des choses qui, si c’était des actes d’individus, mèneraient ceux-ci tout droit en prison, et souvent à la potence. »
    Kenneth Rexroth

    Reply
  • 6 juin 2016 at 12 h 32 min
    Permalink

    Malheureusement la démocratie lorsqu’elle est représentatative c’est la loi de la majorité et lorsque la majorité s’installe au pouvoir elle fait avec ce qui est à sa disposition dans la constitution. Et notamment fais taire les minorités…. Notre constitution de la Vème république fondée en pleine fin de guerre d’Algérie avec l’oas en embuscade et les généraux dans les bagages du grand Charles est un modèle pur accomplir cela… de coup d’état permanent…. disait le François lorsqu’il en était un opposant… Quan d lui aussi fut au pouvoir il comprit que cette violence d’Etat permise par cette constitution était bien pratique pour garder le pouvoir ce qu’il fit pour ses copains du capitalisme européen pas pour ses contictoyens… et ainsi en suite!
    Conculsion: Sortrir du monde la loi el khomri c’est aussi sortir de ce coup d’etat ^permanent c’est changer la constitution par une assemblée constituante….

    Reply
  • 6 juin 2016 at 12 h 39 min
    Permalink

    C’est, peut-être, à force de se poser ce genre de questions en forme de sujets du baccalauréat (et l’auteur de l’article n’est pas un cas isolé) que le « mouvement » Nuit Debout sortira des sphères médiatiques pour retourner à l’atomisation des luttes, comme avant…
    Nuit Debout avait-il pour objectif de devenir un mouvement au sens force politique présent dans les assemblées qui nous dirigent ?
    Si oui, pour le moment, ça semble compromis.
    Si non, l’atomisation des luttes sera un échec retentissant pour des années.
    Les violences, elles, existaient avant Nuit Debout. Elles ont toujours existé et ce qui nous choque aujourd’hui, c’est le fait qu’elles se concentrent sur un court laps de temps.
    Tant que Nuit Debout ne se sera pas inscrit dans une ligne politique claire, avec une organisation visible, l’État continuera de taper car, ce faisant, il tape non sur des membres d’une organisation mais, sur des individus « isolés ».
    J’ai bien noté et je le penais aussi, que le terme « violence d’état » est un terme qui me paraît plus proche de la réalité.

    Fraternellement solidaire.
    J.

    Reply
  • 6 juin 2016 at 18 h 08 min
    Permalink

    Merci pour les commentaires (je suis David, l’auteur de ce petit article)

    Je précise que Gazette Debout avait modifié mon titre (« La violence d’État a-t-elle sa place dans une démocratie ? » au lieu de initialement « Violences de l’Etat et de son gouvernement »). Comme j’étais hors connexion un temps je n’avais pas pu répondre à leur sollicitation sur le choix du titre.

    à l’attention de José, qui semble avoir mal compris mon article (peut-être qu’il est un peu trop court) :
    Mon objectif était surtout de faire comprendre que la France n’est pas une démocratie.
    J’ajouterai aussi qu’un Etat pour moi est forcément violent par nature envers ses ouailles et ses concurrents, mais encore plus s’il n’y a pas de démocratie.
    Je dirais même que l’Etat (tout comme le capitalisme) n’est fondamentalement pas compatible avec la démocratie réelle.

    Ca me paraît important de bien mesurer ces choses là, pour sortir des illusions et pouvoir se rassembler sur des bases solides, et du coup avoir aussi possiblement des objectifs communs solides (notamment : sortir du capitalisme concrètement et collectivement, généraliser des espaces de démocratie « réelle » à tous les niveaux).
    Pour moi il s’agit plutôt d’une rassembler les luttes, et d’identifier des sources communes à nos combats et révoltes.
    Si on arrive pas à ce type de constats essentiels, c’est là qu’on risque de se diviser, de piétiner, et d’en rester à du réformisme plus ou moins catégoriel, des pansements provisoires et inefficaces.
    Au delà de la loi « Travaille ! », c’est bien « son monde » qu’il faut analyser, et surtout remplacer par autre chose. Car dans le modèle actuel (non démocratie, libéralisme, capitalisme, concurrence partout, croissance qui mène au mur, consommation, atomisation des individus, etc..) il n’y que la destruction, la précarité, la violence comme horizon, il n’y a aucune solution satisfaisante possible (à part, durant encore un certain temps, pour les plus riches bien sûr).
    Si on veut vraiment vivre mieux, on est « condamné » à construire vraiment autre chose au lieu de continuer à quémander des emplois et à se soumettre à la croissance et à la concurrence co-organisées par la non-démocratie à tous les niveaux.

    José semble vouloir nous ramener à des formes « classiques » de parti politique ?, alors que justement la plupart des participant.es aux Nuits Debouts n’en veulent pas, et que les faits montrent bien l’échec de ce système de la fausse démocratie dite représentative.

    Pour autant, je suis d’accord sur le fait qu’il faudrait arriver à une meilleure organisation, des organisations locales indépendantes mais reliées, et arriver aussi à se fixer des sortes d’objectifs politiques clairs et affirmés tels que ceux que j’indiquais plus haut.
    Et ensuite, avec ou sans cette foutue loi « Travaille ! », le plus dur resterait à faire : que divers groupes construisent des convergences, des initiatives concrètent résolument orientées vers la sortie du capitalisme et de tout ce qui va avec, et vers la démocratie réelle partout (donc, le plus possible directe, portée par les habitants et pas par des politiciens ou partis, etc.).

    Reply

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *