Lycée Jean Jaurès : retour sur l’évacuation musclée des migrants
REPORTAGE – Il y a une semaine, près de 277 réfugiés étaient évacués sans ménagement du lycée Jean Jaurès à Paris. Des hommes et des femmes de 17 nationalités différentes, qui viennent principalement de pays en guerre : Soudan, Erythrée, Syrie… Ils avaient été conduits dans ce lycée le 21 avril par le collectif Chapelle Debout alors qu’ils campaient à Stalingrad. « Nous avons voulu les mener dans ce lieu public afin de leur offrir une plateforme, un lieu de lutte pour qu’ils puissent négocier leurs revendications administratives, s’exprimer et être entendus par les autorités », explique Luc, membre de ce collectif.
De quoi mettre en lumière les déplorables conditions d’accueil et de vie que l’État impose aux réfugiés, ainsi que les interminables délais concernant les demandes d’asile. Demandes déboutées dans 80% des cas…
Ce lycée professionnel a été choisi à cause de sa proximité avec Stalingrad. Il était inoccupé depuis 2011. Soit 7 000 m2 vides et inutiles en plein cœur de Paris. (Rappelons qu’il y a, il y a 10 millions de m2 vides en Île-de-France) Contrairement à certaines rumeurs, il n’y avait pas encore eu d’appel à projet pour lancer les travaux de réhabilitation en vue d’une hypothétique rentrée en septembre. Quand bien même les travaux auraient commencé en juillet, le collectif s’était engagé à quitter les lieux pour l’été. Mais le juge administratif en a décidé autrement avec une procédure d’expulsion en urgence. « Il savait pourtant qu’aucune solution de relogement n’était prévue pour les réfugiés », déplore Luc.
Le jour de l’évacuation, 200 sympathisants de Nuit Debout et d’autres associations sont venus à 5 h du matin soutenir les réfugiés. « Ça fait super plaisir de voir les gens se lever aussi tôt pour être solidaires », explique Molo, un militant de Nuit Debout engagé auprès des réfugiés. Il tient d’ailleurs à souligner que l’évacuation s’est déroulée sans jets de projectiles. « Deux journalistes d’iTélé ont raconté n’importe quoi. Ils sont d’ailleurs fait raccompagner assez vite hors de la manifestation, mais encore une fois sans violence ». (Voir l’analyse de Rue89 ). Il s’énerve d’ailleurs contre le traitement de l’affaire par certains journaux. « Le Figaro a écrit n’importe quoi tandis que Le Monde a plutôt bien retranscrit ».
Cyril, un autre militant de Nuit Debout, précise : « Les gendarmes se sont pris une seule poubelle, pas d’autres projectiles. Un imbécile de journaliste d’Itélé a commencé à enregistrer face caméra en disant que les manifestants avaient jeté plein de projectiles sur les flics. Après quoi le journaliste et le caméraman se sont fait virer sous la protection des gendarmes. »
Les manifestants ont été « nassés » pendant environ trois heures derrière l’établissement. « Ils ne voulaient pas qu’on s’interpose. Mais les gendarmes étaient pros et nous laissaient d’ailleurs entendre que lorsqu’ils tombaient le casque, ils n’était pas très fiers de ce qu’ils faisaient », assure Molo.
Cyril, lui, est beaucoup plus critique. « Les flics sont descendus de leurs camionnettes et une chaîne humaine s’est formée devant le lycée. Les forces de l’ordre nous ont attaqués directement, sans sommation : coups de bouclier et de matraque suivis de jets de spray au poivre (interdit par la convention de Genève, mais c’est un détail…). Ils se sont gazés eux-mêmes puisqu’ils ont avancé tout en le diffusant ». Il tient en revanche à souligner la solidarité des voisins. « Ils nous ont apporté des biscuits, du café, et nous ont permis d’aller aux toilettes chez eux. Belle solidarité, ça fait plaisir ! »
Un des riverains a d’ailleurs posté un témoignage à ce sujet sur Facebook. « J’habite en face du lycée Jean Jaurès. Depuis l’aube ce matin j’ai assisté à absolument tout ce qu’il s’est passé depuis mon balcon. La violence et le trouble à l’ordre public ont été provoqués par des policiers molosses, souriants et écumants. J’ai vu la joie dans leurs yeux. J’ai vu l’envie jouissive de faire mal. J’ai vu les manifestants pacifistes (…) se faire gazer sans sommation. Se faire matraquer. Je n’ai vu aucun projectile. J’ai vu la haine et la condescendance du bras armé de l’État. J’ai tout vu. Je suis terriblement choqué (…) »
Même Emmanuelle Cosse, la ministre du Logement, dit regretter « profondément » les conditions de l’évacuation musclée du lycée.
La plupart des réfugiés ont été relogés, mais ces solutions sont temporaires et plus que précaires. « Cette évacuation a été un vrai coup dur, et nous aimerions discuter avec la mairie et la Préfecture; mais toutes nos demandes ont été déboutées », poursuit Luc du collectif Chapelle Debout.
Pour éviter que les réfugiés ne reviennent à Stalingrad, des grillages ont été installés sous le métro aérien. Des protections bien dérisoires contre un flux migratoire qui ne risque pas de se tarir. « Tous ces gens viennent de pays en guerre, ils ont une bonne raison de demander l’asile », rappelle Luc.
Voir la vidéo de l’expulsion ici.
L-A
Crédits photos:
- Evacuation du lycée Jean Jaurès (2): Nuit Debout / DR
- Evacuation du lycée Jean Jaurès (3): Nuit Debout / DR
- Atelier Jaurès: Nuit Debout / DR
- Evacuation du lycée Jean Jaurès (1): Nuit Debout / DR
APPORTEZ VOS DONS PLACE DE LA REPUBLIQUE :
Bonjour un militant à NUIT DEBOUT stand des réfugiés m’a dit hier que LES REFUGIES ARRIVENT DE NOUVEAU A STALINGRAD. Il récolte des vivres, des vêtements chauds, des affaires de toilette, etc
et il fait la cuisine pour eux chez lui en prenant des fins de marchés.. Quelques assos essaient de réunir les forces et de se solidariser mais chacun s’y engage personnellement…Aucune aide financière, chacun doit donner à son prochain…. quel pays qui me dégoûte l’état français… Alors j’ai apporté un paquet tout à l’heure PLACE DE LA RÉPUBLIQUE. Ils y sont tous les ap.midis à droite de l’AG. Sinon passez par l’accueil
et insistez un peu pour laisser votre paquet..