Théâtre : « La Visite » ou le thriller d’une époque
Gazette Debout lance une nouvelle rubrique, Culture Debout, afin de vous guider vers les oeuvres qui résonnent le plus avec Nuit Debout, pour y trouver de l’espoir, des idées ou des arguments et vous inciter à y emmener ceux qui doutent. Car la culture est politique, toute la culture. Nous ne recevons pas d’invitations, aussi nos choix seront-ils purement libres et subjectifs. Nous placerons chacune des oeuvres sur une « échelle Debout » qui compte 10 échelons : 1 correspondant à une oeuvre aux antipodes des idées de Nuit Debout et 10 correspondant à une oeuvre qui les épouse parfaitement. Aujourd’hui La Visite d’Anthony Déchaux, mise en scène de Jonathan Dos Santos au Théâtre Montmartre-Galabru.
En prenant pour cadre une banale visite d’appartement entre particuliers, Anthony Déchaux, auteur et comédien, et Jonathan Dos Santos, metteur en scène, créent un thriller psychologique nerveux, qui illustre parfaitement la cruauté de notre époque.
Depuis Hitchcock, on sait que le thriller se joue des peurs et des horreurs de nos sociétés contemporaines et qu’il n’y a nul besoin d’invoquer monstre mythologique ou théorie du complot pour provoquer le suspense et l’angoisse. Le pauvre craint le riche qui se comporte comme un carnassier, tous les moyens sont bons, la volonté est désinhibée, le meurtre n’est jamais très loin.
Ici, Gilles (Anthony Déchaux) cadre dynamique d’une boîte de communication attend un visiteur médical (David Palatino), acheteur potentiel de son loft qu’on imagine aisément indécent de luxe. Dès le début de la visite, l’antagonisme entre le propriétaire arrogant et l’employé timoré crée une bizarrerie qui tourne vite au malaise. La discussion passe rapidement de l’appartement aux conquêtes féminines de Gilles, son visiteur n’est clairement pas là par hasard. Contaminé par le libéralisme triomphant du premier, notre esprit classe rapidement le second, trop étrange, trop curieux et trop mal à l’aise, dans la catégorie des menaces. Et pourtant, il n’est que la victime de l’appétit dévorant de Gilles pour les femmes mariées. La pièce révèle alors son axe central : un jeu d’échec psychologique entre deux hommes pour l’amour ou la possession d’une femme.
A travers ce schéma classique, Jonathan Dos Santos monte une pièce efficace et nerveuse, servie par deux comédiens en totale adéquation avec leurs personnages. Le thriller au théâtre n’est pas un exercice aisé mais La Visite démontre qu’intelligemment mis en scène et adroitement interprété, il peut se révéler passionnant.
Echelle Debout : 4/10 – Même s’il n’a pas vocation à être engagé, ce thriller met parfaitement en lumière les effets délétères du monde que combat Nuit Debout : la lutte des classes qui place immédiatement l’employé sous la domination du cadre, l’obsession pour la réussite matérielle, l’attitude de prédateur de l’homme envers la femme, envers les faibles etc. La Visite ne décidera pas le libéraliste convaincu à abandonner ses idées malsaines, mais elle permettra au citoyen Debout de voir que sa lutte n’est pas que politique ou économique, elle est aussi sociétale car l’idéologie qu’il combat s’infiltre partout et détruit ce qui fait de nous des hommes de bien : l’honnêteté, le respect et la bienveillance.
La Visite au Théâtre Montmartre-Galabru, tous les vendredi à 21h30, jusqu’au 16 Décembre, durée : 1h05
Ndlr : L’échelle debout ne constitue en rien une note donnée à l’oeuvre mais permet seulement de la situer par rapport au mouvement Nuit Debout.
Retrouvez toutes les chroniques de Culture Debout.
Crédits photos:
- la-visite: Alexandra Macedo