Ma soirée au Louvre avec Macron

Dimanche soir, Gazette Debout s’est dévouée pour couvrir la soirée électorale d’Emmanuel Macron au Carrousel du Louvre. Un reportage publié en partenariat avec Radio Parleur. 

C’est dans la cour du plus grand musée du monde, ancienne résidence des rois de France, qu’Emmanuel Macron a choisi de réunir ses partisans dimanche 8 mai. Entre la place de la Concorde occupée par Sarkozy 2007 et celle de la Bastille par Hollande en 2012, le Louvre se trouve en plein centre de Paris. Ni à droite, ni à gauche, comme se plaisent à rappeler les partisans de l’ancien banquier.

Pour pénétrer dans l’enceinte, il faut montrer patte blanche. Les militants patientent sagement sur plusieurs centaines de mètres tandis que dans la file réservée à la presse, la tension est tangible : fouille intégrale avec palpation, bouteilles d’eau jetées dans poubelle, sacs reniflés par des chiens. « Merci pour votre patience. Ce n’est pas de notre faute, c’est la police qui contrôle. Nous avons du évacuer les lieux trois fois à cause des alertes », explique une bénévole d’En Marche à la foule de journalistes impatients. Ecrasée contre les grilles du musée, entourée de policiers en armes, j’ai l’impression d’être dans une nasse. Il ne manque que les effluves des gaz lacrymogènes pour me plonger dans l’ambiance du printemps dernier. Mais contrairement aux manifestations contre la loi travail, cette nasse est volontaire, voire même présidentielle.

En dépit de l’important dispositif de sécurité (12 000 policiers rien qu’à Paris) une femme présente à l’intérieur de l’esplanade du Louvre m’avoue être peu rassurée. « Je suis inquiète d’être ici. Les vigiles n’ont même pas ouvert mon manteau pour vérifier que je ne cachais rien ». De passage à Paris avec son ami, ils sont venus humer l’ambiance, ravis du résultat qui devrait, selon eux, augurer un renouvellement de la classe politique. Mais son compagnon avoue qu’il n’a vraiment lu le programme d’Emmanuel Macron faute de l’avoir reçu dans sa boîte aux lettres. Il n’a pas non plus cherché à s’informer sur internet. « Je n’ai pas le temps de faire tout cela, je travaille beaucoup ». Il souligne au passage les propositions sur la réforme du chômage, qui va « remettre les gens au boulot ». 

Un peu plus loin, Chantal, petite quarantaine, exulte à l’annonce des résultats. Cette femme souriante, explique qu’elle a voté pour « que la France reste le pays de la liberté, de l’égalité et des Lumières ». Elle n’attend « rien de spécial » du nouveau président, simplement qu’il réunisse les politiques ensemble, de gauche comme de droite, pour résoudre les problèmes. « J’ai voté pour un homme qui représente des valeurs et je ne suis pas la seule. Je veux qu’il se mette au travail avec ses valeurs pour trouver des solutions « .

Macron pendant la soirée électorale au Louvre.

« Ni de droite, ni de gauche »

Deux jeunes étudiants de Sciences Po me parlent également de la défense des valeurs de rassemblement et de fraternité et surtout d’Europe. « Je ne suis ni de droite, ni de gauche, je suis pour des idées. Ce qui m’a plu, c’est son pragmatisme. Il a essayé d’avoir les meilleurs points de vue dans les différents partis pour obtenir ce résultat « , explique Cassandra, qui a voté pour la première fois. Son ami à ses cotés espère que Macron tiendra ses engagements, notamment pour lutter contre le chômage et le Front National. « J’ai beaucoup d’amis qui ont voté Mélenchon au premier tour et ont donné leur voix à regret pour Macron au second. J’ai envie qu’il prouve à toutes ces personnes qu’elles ont bien fait de leur offrir leur voix ».

Face à la foule, deux écrans géants encadrent la pyramide du musée et retransmettent en direct l’émission diffusée sur France 2. Durant les échanges, Alexis Corbière, le porte-parole de Jean-Luc Mélenchon houspille François Bayrou, qui se réjouit du résultat. « J’affirme aujourd’hui, sans vouloir manquer de respect à Monsieur Macron, qu’il est minoritaire dans ce pays. (…) La majorité qui s’est levée, elle a dit non au Front National, elle n’a pas dit oui à Monsieur Macron (…) Des gens ont voté contre le FN et vous les embarquez avec vous, ce n’est pas respectueux, ce n’est pas la France ça, je vous le dis. Je vous mets en garde, cela va mal finir ». Une intervention qui a été copieusement huée par la foule sur la place. Et pourtant, tous ne sont pas totalement acquis au nouveau président, comme ce groupe de jeunes, qui semblent tout droit sortis d’une publicité « The Kooples ». Ils ont planché sur le programme et ont même lu son livre « Révolution« . « C’est la première fois que je vote, j’ai pris le temps de lire le programme. J’ai d’ailleurs participé au meeting du 6 décembre. L’élection de Donald Trump aux Etats-Unis a été un véritable détonateur. Je me suis dit qu’il était temps que je m’intéresse à la politique « , explique Marie, 25 ans. « Je trouve que ses propositions pour adapter le temps de travail sont intéressantes, car lorsqu’on est jeune, on peut avoir envie de travailler plus ». Son ami Alban espère qu’Emmanuel Macron arrivera à concilier le coté libéral et social, mais peine à citer de mémoire une mesure phare des propositions du candidat. « C’est un vote pour l’homme, pas pour son programme ». Lorsqu’on leur demande leur avis sur le gouvernement par ordonnances, ils avouent un peu à contre cœur ne pas avoir une totale confiance envers le nouveau président tout en espérant « qu’il ne fera pas n’importe quoi. » « Il a quand même une façon très nouvelle de voir les choses. Ca vaut le coup de tenter » lance Marie.

« Quand est-ce qu’il arrive Emmanuel Macron ? »

Si le public est dans sa grande majorité composé de moins de 40 ans, il y aussi quelques familles. Saïd, la quarantaine, est venu avec ses deux fils avec Isaak, Elias et sa fille Hannah. Il approuve le projet fédérateur d’Emmanuel Macron qui va redonner une nouvelle perspective à la France, avec une réelle prise en compte de la mondialisation ainsi que le maintien dans l’Europe. « Le programme est secondaire, ce qui importe, c’est la dynamique, les idées ». Il espère qu’il n’arrivera pas trop tard au Louvre pour le voir et écouter son discours. Mais le temps se fait long. A coté, un petit garçon trépigne d’impatience : « quand est-ce qu’il arrive Emmanuel Macron ? ». L’homme se fait attendre et les DJ qui se succèdent aux platines pour meubler, transformant l’esplanade en boîte de nuit, ne sont pas du goût de tous. Les caissons de basses ont une telle résonnance qu’ils doivent heurter jusqu’aux oreilles de la Joconde et font fuir certains participants, comme Jacques, un jeune homme de 17 ans accompagné d’Aïcha, une dame d’une soixantaine d’années. Il est venu pour « voir l’ambiance », mais certainement pas parce qu’il soutient Emmanuel Macron. En effet, malgré son jeune âge, il aurait sans ambages voté pour François Fillon et son programme de redressement économique qu’il juge beaucoup plus ambitieux. « Bien sûr, cela aurait mis la moitié de la France dans la rue, mais le pays aurait été redressé ». Et les nombreuses affaires de corruption qui ont entaché la réputation du candidat des Républicain ne semble pas le déranger : « ils sont tous comme cela de toute façon. Fillon au moins incarnait le juste milieu entre conservatisme et libéralisme ». La dame à coté de lui en revanche penche plutôt du coté de Mélenchon. Mais parlant très mal Français, elle n’en dira pas plus.

Il est 22h30, Emmanuel Macron arrive enfin au Louvre. Il chemine seul, hiératique, presque robotique, dans la cour du musée. L’Ode à la joie, l’hymne de l’Europe, rythme ses pas. Une mise en scène un peu mégalo, pensée pour être un hommage à François Mitterrand. Au pupitre, le nouveau président de la République apparaît plus détendu que lors de son premier discours dans son quartier de campagne du XVe arrondissement. Il dit avoir conscience que cette élection ne constitue pas un blanc-seing pour son programme. « Je veux avoir un mot pour les Français qui ont voté simplement pour défendre la République. Face à l’extrémiste, je sais nos désaccords et je les respecterai, je serai fidèle à cet engagement pris. Je protégerai la république ». Un engagement que nous serons très nombreux.ses à lui rappeler durant ces cinq prochaines années.

L.A


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