Guyane Debout : un coup d’Etat citoyen

Depuis bientôt trois semaines, la Guyane est engagée dans un combat contre l’accaparement de ses richesses et l’appauvrissement généralisé qui n’épargne que les mieux lotis. Les représentants du collectif Pou Lagwiyann dékolé (« pour que la Guyane décolle », en créole) composé de forces syndicales et citoyennes, poursuivent leur bras de fer avec les autorités. Ce collectif a réussi à mobiliser des centaines de milliers de personnes pour bloquer le pays. « Dans un formidable tour de force, les Guyanais veulent reprendre le pouvoir sur l’Etat et sur les élus locaux afin que le pouvoir revienne au peuple dans une réelle expérience de démocratie directe », explique un Guyanais.

Cette manifestation est d’une ampleur inédite car elle réussit à regrouper l’ensemble de la population. « Tout le monde est impliqué dans le mouvement, même des avocats du barreau de Paris venus soutenir les 500 frères. Même les pompiers ont fait sonner leurs sirènes lors de la marche du 28 mars avant de défiler avec nous. Les Amérindiens étaient aussi présents avec leurs coiffes magnifiques. Mais aussi des Blancs, des Chinois, toute la Guyane est là », explique Shirley qui vit sur place.

Les organisations syndicales CGT, FSU et Solidaires soutiennent les luttes en cours. La lutte s’organise sur les réseaux sociaux, via la page Facebook du collectif Pou Lagwiyann dékolé et son compte Twitter.  Les participants écoutent également Radio Peyi qui diffuse des informations sur les négociations mais aussi sur les barrages et les bus qui sont mis en place pour participer aux manifestations. On peut également retrouver des détails sur sa page Facebook.

Un site internet www.nougonkesa.fr a été lancé pour rassembler toutes les revendications des habitants. Et elles sont nombreuses. (Voir cet article de Mediapart)

Depuis lundi 10 avril, l’alliance sacrée semble pourtant se fissurer et certains habitants commencent à s’impatienter. Mais le conflit est loin d’être réglé. Voici les principales raisons de la colère.

La santé 

La Guyane vit une situation sanitaire dramatique. Des photos circulent sur internet pour dénoncer l’état déplorable de l’hôpital de Cayenne.

La lutte contre la privatisation du centre médico-chirurgical de Kourou illustre également la crise sanitaire que traverse le pays.

L’Éducation

Tout récemment nommé à la tête de l’académie de Guyane, Youssoufi Touré vient de démissionner sous la menace de poursuites judiciaires. En arrivant en Guyane, le haut fonctionnaire de l’Éducation nationale pensait faire oublier le déficit qu’il avait creusé à la faculté d’Orléans : un trou de 12 à 15 millions d’euros. Sa nouvelle gestion guyanaise n’a pu que confirmer la politique de mutation organisée à Paris et dénoncée par l’UNSA-Éducation. L’affaire du recteur est symptomatique de la situation en Guyane, où la croissance démographique est importante (+2,4 % par an). Le manque de moyens laisse une grande partie des jeunes en dehors des bancs de l’école surtout dans l’ouest de la région. Les projets en cours ne répondent pas aux besoins actuels et encore moins à ceux du futur. Les promesses de l’État restent largement insuffisantes : seulement 60 millions d’euros pour construire un lycée et deux collèges dans le cadre du plan pour l’avenir de la Guyane.

La Sécurité

Qui sont les 500 Frères, ces hommes et ces femmes vêtus de noir, cagoulés, qui prennent la tête des manifestations ? Il ne s’agit pas d’une milice mais de groupes d’amis qui veulent lutter contre la violence, la criminalité et rétablir l’ordre dans une région ou l’insécurité fait rage. S’ils préfèrent avancer masqués, c’est pour se protéger mais aussi pour attirer l’attention des médias. (Ecouter ici l’analyse de France Inter). Deux porte-paroles, Mickaël Mancée et Olivier Goudé expliquent leur combat à visage découvert dans un reportage sur France Info. Ils tentent ainsi de calmer les esprits, de parler aux jeunes qui installent des barrages sauvages, mais surtout de ramener le calme. En 2016, 42 personnes ont été assassinées. Les chiffres du ministère de l’Intérieur en 2016 recensaient 3 vols pour 1000 habitants, soit 13 fois plus que dans l’Hexagone.

Le Social

Lorsque qu’en Métropole, la CMU bénéficie en moyenne à 7,2 % de la population, ce chiffre grimpe à 38,5 % en Guyane. Un taux similaire aux autres territoires d’Outre-Mer (36,9 % à la Réunion ou 24,1 % en Martinique). Le taux de chômage s’élève à 22 % en 2015, soit plus du double qu’en Métropole. Cette situation affecte davantage les 15-24 ans, qui représentent 46 % des personnes sans-emploi. Cette crise sociale se caractérise également par 32 % de la population qui n’a pas accès à l’eau potable, 34 % à l’énergie, explique Rodolphe Alexandre, le président de la Collectivité Territoriale de Guyane. Le taux de pauvreté est de 6 % en France contre 45 % en Guyane.

L’Écologie

L’orpaillage clandestin dans la forêt guyanaise a des conséquences désastreuses pour l’environnement et les populations autochtones. La hausse du cour de l’or n’arrange pas les choses et l’industrie aurifère se développe rapidement. Un nouveau projet de mine baptisé La Montagne d’or, porté par une société russe, est soutenue par les autorités françaises, notamment Emmanuel Macron.

 


Une réaction sur cet article

  • 14 avril 2017 at 11 h 20 min
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    Il faut tenir bon et jouer collectif. Vive la démocratie participative!

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