À Strasbourg, des Policiers debout ?

Notre correspondant à Nuit Debout Strasbourg est parti à la rencontre des policiers qui manifestent dans la ville alsacienne. Un échange qui lui a permis de briser tous les préjugés sur ces mouvements spontanés des forces de l’ordre. 

Manifestation du 28 juin
Manifestation du 28 juin. Place de la République- Raphaël Depret – DR

Vendredi 28 octobre 2016, 22 h, place Kléber, Strasbourg. Nous arrivons en retard pour l’assemblée générale Nuit Debout Strasbourg. Celle-ci avait déjà commencé depuis deux heures au moins… Belle surprise ce soir-là puisqu’à notre arrivée nous voyons au moins trente citoyens déjà présents. Les débats sont silencieux, nous nous informons des sujets.

« Quel est le sujet de ce soir ?
– On veut parler de notre ras-le-bol, du manque de considération qui nous accable et du soutien matériel qui nous fait défaut !
– Mais pourquoi venir ici, la nuit, sans rien dire ?
– Parce que notre silence est une façon de faire comprendre que nous ne sommes pas entendus. Nos représentants ne nous représentent plus. Ici vous avez tous les types, des syndiqués, des non syndiqués, des libres.
– Pourquoi êtes-vous  seuls ? Où sont ceux qui vous soutiennent, ceux qui pensent aussi que le ras-le-bol est à son comble ?
– C’était un rassemblement spontané au départ, sans représentants, juste nous. C’est vrai que dans d’autres groupes ce ras-le-bol est présent, on ne sait pas pourquoi ils ne nous rejoignent pas !
– Vous les avez appelés à vous rejoindre ?
– Non, c’est vrai, nous ne les avons pas appelés.
– Mais alors, qu’attendez-vous d’un mouvement où il n’y a qu’un groupe qui fait de l’entre-soi ?
– Nous devons nous manifester, et puis il y a quand même 85 % de la population qui nous soutient ! Ce n’est pas rien ! »

En réalité, nous n’étions pas à notre Nuit Debout… Nous allions simplement dans un bar pour profiter de notre soirée, et en passant près de la place Kléber, nous avons vu la manifestation des policiers. Avec tout ce qu’on entend des voisins et des médias, nous devions aller les voir. On y est allés et franchement, une tonne de préjugés sont tombés en 30 minutes de discussion. Tout d’abord, les policiers n’étaient pas armés pour manifester, ils restaient calmes et silencieux. Ils étaient effectivement seuls, juste entre eux, sans autres citoyens, pas d’infirmiers ou de pompiers par exemple. Le peu de passants dehors à cette heure les contournaient, les évitaient.

Un groupe de quatre policiers a accepté très facilement et rapidement de nous parler après nous avoir demandé qui nous étions. Nous ne leur avons pas dit que nous étions Nuit Debout pour ne pas fausser leurs avis et paroles. Pas d’extrémisme, ni de haine ou de violence gratuite : ils nous ont dépeint la situation qui les amène à manifester.

L’attaque des policiers à Viry-Châtillon le 8 octobre 2016 a mis le feu aux poudres, une étincelle dans un océan de ras-le-bol. Marre de ne plus être considérés par leur hiérarchie et les citoyens « difficiles ». Marre d’une justice qui nargue leur travail en étant laxiste. En nous montrant une vidéo privée, où ils poussent eux-mêmes un fourgon parce que trop vieux et tombé en panne, ils mettent en images leur ras-le-bol de devoir faire régner l’ordre avec des bouts de ficelles. Ils se revendiquent clairement d’un mouvement spontané qui va bien au-delà des syndicats qui, eux, renient ces actions. Ils précisent bien que les drapeaux et banderoles récupératrices ne sont pas les bienvenues. Ils ne reconnaissent pas non plus une fin de crise avec les propositions du gouvernement, qui pensait réellement mettre un terme à cette mutinerie à grands coups d’euros sortis par magie d’un budget de l’État déjà très malade.

À une question simple, nous avons obtenu une réponse surprenante et pourtant pleine de bon sens.
« Alors finalement, vous faites Nuit Debout ?
– Oui, on veut la même chose, un nouveau système », répond un policier spontanément, sans filtre.
À ses côtés, un de ses collègue fait une grimace, gêné par cette réponse. Il devait sûrement se battre avec lui-même, réalisant que lui et ses collègues faisaient la même chose qu’à Nuit Debout, un mouvement qu’il avait certainement dû combattre sur ordre de sa hiérarchie.

Et l’extrémisme dans tout ça ? Ce soir-là nous n’en avons pas vu la couleur. Peut-être avons-nous débattu avec les quatre seuls policiers qui n’étaient pas FN. Mais en toute franchise, à aucun moment nous n’avons décelé parmi eux des propos, des actes ou des comportements extrémistes. Un de nos interlocuteurs nous a même expliqué avoir été choqué quand, lors de leur manifestation la veille, un élu FN s’était greffé au cortège. Il le déplore et ne le cautionne pas.

Et l’unité du peuple ? Ils paraissaient bien seuls ces policiers ; ils se rassurent en disant que 85 % de la population les soutient, mais il est clair que ce soutien est soit chimérique, soit purement télématique, car sur la place ce soir, à part trois zouaves de Nuit Debout Strasbourg qui étaient là pour engager un dialogue, il n’y avait pas de citoyens lambda.

Finalement, cette rencontre nous oblige à revoir notre vision des choses. À aucun moment nous ne cautionnons toutes les violences policières « hors-la-loi », mais il apparait bien évidemment que ces hommes et femmes sont aussi et avant tout des citoyens. Leur ras-le-bol n’est pas entendu puisqu’il est uniquement porté par les médias et débattu sans eux. Nous avons fait l’effort d’aller à leur rencontre, nous le referons, pour dialoguer, et, dans un camp comme dans l’autre, tenter de comprendre que nous sommes tous humains.

La Hulotte
Correspondant à Strasbourg pour Gazette Debout

Crédits photos:

  • Manifestation du 28 juin: Raphaël Depret - DR
  • Convergence des luttes Nuit Debout: maxppp

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