La logistique de Nuit Debout : l’allégorie de la tribu

Depuis le 31 mars 2016, Nuit Debout Paris occupe la place de la République. Dans les premiers temps, ce fut une occupation permanente, jours et nuits. Puis, par la force des choses, nous avons dû nous adapter, adoptant une forme d’occupation semi-permanente, tous les jours encore mais de 16h à minuit.

En ce temps-là, nous avions un camion pour transporter notre matériel. Plusieurs camions en fait, à tour de rôle selon les disponibilités de leur propriétaire.

Par la suite et par souci d’économies – les amendes et l’essence finissent par coûter cher – nous avons tenté l’expérience des vélos charrettes. C’était une démarche écologique également : pourquoi ne pas essayer de réduire nos émissions de polluants ? L’idée était belle mais n’a eu qu’une courte vie active. Le problème de stationnement de ces vélos charrettes n’y est pas étranger.

Finalement la pratique nous a amenés à adopter un portage à bras, un petit groupe d’entre nous allant chercher le matériel, un autre le ramenant jusqu’à la cave, notre lieu de stockage.

La fatigue se faisant sentir, nous avons été contraints de choisir un rythme d’occupation plus raisonnable. Mais Nuit Debout Paris ne s’interrompt pas pour autant : tous les jours, les gens et les commissions peuvent se retrouver sur la place, les week-end restant l’occasion de nos grands rassemblements.

La tribu en marche

Cette façon de faire est somme toute une réinvention du semi-nomadisme des tribus primitives. C’est un mode de vie impliquant plusieurs lieux de résidence, la cave et la place, généralement en petit nombre, et occupés de façon saisonnière. Une partie de l’année les membres de la tribu pouvant se séparer et mener une vie plus ou moins indépendante.

Suivant un rythme hebdomadaire plutôt qu’annuel, nous avons retrouvé ces gestes.

Équipés de trois « charrettes », les travois des nomades, selon les besoins et suite à un appel aux volontaires, nos porteurs se retrouvent à la cave et organisent une caravane, véritable transhumanse urbaine en miniature. J’ai appelé ça « la tribu en marche ». Il faut nous voir à travers les rues de Paris, cette tribu migrante organisée et déterminée.

Somme toute, c’est une façon d’intégrer l’esprit de la Nuit Debout. Participative, elle permet à plus de personnes de s’impliquer physiquement dans la vie de notre mouvement, plus qu’au temps du camion logistique.

Recréer du lien social

Par une suite de petites actions, nous avons retrouvé les gestes des semi-nomades d’autrefois. L’appel aux volontaires répond au rassemblement des éclaireurs. Échelon précurseur, ils arrivent les premiers afin d’apprêter le lieu choisi pour recevoir les autres membres de la tribu. Alors se bâtit le village, tentes et huttes pour nos prédécesseurs, bâches et barnums pour nous. C’est ainsi que peuvent commencer les activités. C’est une manière active de réapprendre à mieux vivre ensemble. De partager savoirs, expériences et émotions. Cela fait toujours plaisir de voir la bâche que l’on a montée ensemble prendre une belle forme : on a bien travaillé, les copains pourront s’installer confortablement et on en tire une certaine satisfaction.

En plus, il y a un côté sympathique à partager l’effort et l’organisation de ces activités. Cela crée des liens comme toutes nos autres activités. Tirer ou pousser à deux une charrette, porter un sac côte à côte avec un ou une camarade est l’occasion d’entamer des discussions, de partager des réflexions dans un cadre très particulier, la fraternité de l’effort, qui laisse une place plus grande à l’empathie et réduit la distance d’un individu à l’autre.

Travail participatif, décroissance, écologie

Quand je parle d’effort, il n’y a rien d’insurmontable, rien à voir avec une séance de musculation ou un cross country. C’est au contraire joindre l’utile à l’utile. Ne nous assomme-t-on pas avec le slogan « bougez plus, faites du sport ? ».

À tout cela s’ajoute un autre bienfait  : huit ou dix personnes en deux voyages bien chargés sont en mesure de transporter l’équivalent d’un des camions des premiers jours de Nuit Debout. On mettra certes plus de temps mais c’est une formule beaucoup plus économique tant d’un point de vue financier qu’écologique. De toute façon, la plupart du temps, on n’emporte pas tout, seulement ce qui est nécessaire. Avec le camion on avait forcément tout le fourniment et le reste, ce qui n’était pas très rationnel ni si pratique.

C’est ainsi que Nuit Debout a développé une activité qui reprend plusieurs de ses objectifs : travail participatif, décroissance, refus du gaspillage, écologie, dans un cadre non lucratif et non concurrentiel. Cela peut paraître modeste, mais c’est déjà quelque chose. Je ne sais plus qui a dit : « toutes les grandes rivières commencent par de petits ruisseaux ».

Bruno de la Logistique

Crédits photos:

  • Rentrée : accueil: Nuit Debout DR

2 réactions sur cet article

  • 31 octobre 2016 at 19 h 13 min
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    Magnifique ! Un grand merci à toi,
    Et l’on se retrouve le week-end prochain pour de nouveaux exploits !

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  • 31 octobre 2016 at 19 h 53 min
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    Merci à tous, courageuses et courageux Debouts.

    Reply

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