Militer dans un parti ?

L’indignation devant l’imposture de la démocratie dite représentative est un sentiment aujourd’hui assez largement partagé, et beaucoup pensent que l’on pourrait y remédier davantage en intervenant plus activement dans la vie publique qu’en déposant un bulletin dans l’urne une fois tous les cinq ans – en militant dans un parti par exemple, ou, pourquoi pas, en participant à la création d’un nouveau parti.

C’est là, à notre avis, une illusion : l’institution du parti politique est un rouage essentiel du mécanisme de la démocratie représentative. Il est une machine à transformer les aspirations et les revendications de la population en « programmes » parfaitement compatibles avec le système de domination et d’exploitation de la société capitaliste, il est aussi un organe de sélection et de formation – et formatage – du personnel de gouvernement.
De plus, il fonctionne exactement selon les mêmes mécanismes que la démocratie représentative : élection par la base, sur une plateforme programmatique très générale, de représentants, qui éliront eux-mêmes d’autres représentants, et ainsi de suite jusqu’à la sélection de candidats aux postes de « responsabilité », tandis qu’au fil de ce processus, le programme se fera de plus en plus « réaliste », c’est-à-dire compatible avec la société de classes.

Historiquement, au cours de la seconde moitié du XIXème siècle, le parti, le parti moderne, « de masse », a joué un double rôle.
D’une part, il a été le canal au travers duquel s’est exprimée, au nom des masses populaires et particulièrement de la classe ouvrière en pleine expansion, la revendication du suffrage universel, ce puissant levier qui permettrait, croyait-on, la réforme de la société, voire, selon certains, la révolution.
D’autre part, ce même parti de masse s’est révélé être l’instrument qui a désamorcé la menace que représentait, du moins aux yeux des classes dirigeantes, ce même suffrage universel, qui n’avait jusque-là été instauré que par des pouvoirs révolutionnaires. Menace supposée qui explique que dans de nombreux pays il n’a été octroyé que par étapes, et le plus souvent aux seuls électeurs mâles.
En effet, la structure et le fonctionnement du parti – tels que décrits succinctement plus haut – permettaient à la fois de donner une expression, un exutoire aux aspirations les plus subversives des masses populaires, en particulier ouvrières, et, par une espèce d’alchimie interne, de les transformer en revendications compatibles avec l’essence de la société capitaliste – même si elles se traduisaient par des améliorations réelles des conditions d’existence du peuple.
Tel aura été le rôle, c’est bien connu, de la social-démocratie durant la seconde moitié du XIXème et la première moitié du XXème siècle.

People have the power
People have the power

Aujourd’hui, ce n’est même plus le cas. Aucun des partis en mesure d’exercer un jour le pouvoir n’a le moindre programme sérieux – et encore moins crédible – de réformes « progressistes ». Le désamorçage revient aux petits partis « contestataires » qui brandissent un catalogue de doléances populaires et de projets de réformes qu’ils ne réaliseront jamais. Mais le fait même de courir après des voix les voue à la démagogie, aux pitreries médiatiques qui sont la négation du principe de la décision prise après débat raisonné. Ils ne peuvent obtenir que des électeurs passifs, et non des gens prêts à prendre leur sort en main. Du reste, de par leur structure et leur fonctionnement calqués sur ceux du système dit représentatif et fait pour maintenir la société telle qu’elle est, ils ne pourraient mettre en œuvre leur programme qu’en le vidant de tout potentiel subversif, ou même réellement réformateur.

Quant aux prétendues solutions miracles que seraient une VIème République, une réforme de la Constitution, une Assemblée constituante, etc., elles ne remettent nullement en cause l’escroquerie de la « représentation », c’est-à-dire le soubassement politique, en Occident du moins, du système capitaliste.

Si l’on veut aujourd’hui être politiquement actif, il est clair qu’il ne faut ni voter ni simplement s’abstenir, mais s’unir et s’organiser. Et depuis un siècle et demi et plus, le mouvement ouvrier révolutionnaire s’est donné d’autre formes d’expression et d’organisation que ceux du parti parlementariste. Il a certes accouché du parti totalitaire, dictatorial et militarisé stalinien. Mais il a aussi inventé, ou réinventé, la démocratie véritable, où ce sont les assemblées de base qui formulent la critique de la société du point de vue des exploités et des opprimés, qui élaborent un programme, qui élisent des délégués – et non des « représentants » – c’est-à-dire des individus chargés de transmettre fidèlement le message de la base et de lui rendre compte des débats qu’ils ont eus avec d’autres délégués et éventuellement des décisions prises – et s’ils ont outrepassé leur mission ou pris des décisions que la base ne ratifie pas, elle peut les révoquer.

Dans tout mouvement social profond, ces modes d’organisation et de fonctionnement resurgissent, au moins de façon embryonnaire. Aujourd’hui, surtout si le mouvement social se réveille, c’est dans cette voie qu’il faudra s’engager pour donner un prolongement « actif » au boycott des élections. Mais, évidemment, comme disait le camarade Thucydide : « Il faut choisir : se reposer ou être libre. »

Les déserteurs actifs

Crédits photos:

  • People have the power: Daphné Borenstein
  • Rose PS: Commission Ecologie

Une réaction sur cet article

  • 29 octobre 2016 at 17 h 45 min
    Permalink

    Avec de tels raccourcis et de telles assertions la seule voie à suivre serait donc celle que vous indiquez , ayant le mérite d’être des plus confuses .
    A quoi bon avoir invité lors des Nuit Debout des mises en réflexions autour des principes revisités par chaque Assemblée de Citoyen-e-s lors d’Ateliers Constituants…..Votre posture ici s’identifie à celle « sectaire » de l’évolution des organisations politiques , évolution qui a plus a voir avec les principes de institutionnalisation des pouvoirs et des contre pouvoirs sur lesquels une réflexion critique croisée permettrait de cerner les voies de possibles soties de crise dite de la représentation….

    Reply

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *