L’hypocrisie de nos Députés : histoire de la motion de censure citoyenne

Pendant plusieurs mois, les membres de la commission Economie Politique de Nuit Debout ont essayé de faire signer une motion de censure citoyenne aux Députés. En vain. Voici le récit détaillé de leur travail, qui prouve une fois de plus l’hypocrisie de nos Députés et le mépris de certains envers la démocratie qu’ils sont censés défendre. 

Après le deuxième recours au 49.3 et l’échec (à deux voix près) d’une deuxième motion de censure « de gauche », après le désintérêt politique et médiatique concomitant pour notre première motion citoyenne, se dégageait déjà l’impression qu’il serait difficile de faire bouger l’Assemblée nationale. Mais nous nous sommes remis au travail avec en ligne de mire le troisième et dernier passage en force de la loi travail à l’Assemblée, ouvrant une nouvelle occasion de censurer le gouvernement. L’objectif pour nous restait identique : faire tomber la loi « Travaille ! ».
Nous n’étions cependant pas naïfs sur les chances de succès de cette motion : réunir 58 signatures, alors que les « frondeurs » n’y étaient pas parvenus et que la droite avait tout intérêt à laisser s’enliser ce gouvernement jusqu’aux prochaines élections, était un défi très compliqué. D’autant que lors de notre précédente tentative, la « gauchisation » de la motion avait désamorcé toute menace réelle de censurer le gouvernement (voir MCC2). Nous restait la possibilité d’atteindre un objectif annexe : mettre en lumière les contradictions et l’inefficacité du système politique dans lequel évoluent nos élus.

Rappel du pourquoi de cette motion

Les élus des groupes Les Républicains et UDI, en déposant une motion de censure lors du premier 49.3, affichaient la volonté de faire tomber le gouvernement Valls. Les élus de « gauche », en déposant la leur à deux reprises, affichaient la même ambition. Constatant à la fois que ces motions « de gauche » et « de droite » ne parvenaient pas à rassembler le nombre de signataires ou de votants requis, et que de part et d’autre de l’échiquier politique l’argument du déni de démocratie était mobilisé pour les justifier, nous avons proposé une motion basée uniquement sur celui-ci plutôt que sur des revendications partisanes.

Le déroulement des faits

André Chassaigne (Front de Gauche/GDR)
André Chassaigne (Front de Gauche/GDR)

Nous avons relancé les élus en leur proposant de soutenir à nouveau cette initiative. Les députés André Chassaigne (et plus largement du Front de gauche), Jean Lassalle et Isabelle Attard nous ont rapidement confirmé leur soutien et leur volonté de porter collectivement cette motion transpartisane. Nous nous sommes donc remis à la tâche, armés de nos messageries et téléphones.

Le tour des groupes de l’Assemblée

Groupes Les Républicains et UDI

Près de 500 e-mails et des dizaines d’appels plus tard, nous n’avons obtenu des Républicains et de l’UDI que des silences entrecoupés de refus ou de mépris. Le seul député UDI que nous avons réussi à contacter par téléphone, Philippe Vigier, nous a opposé qu’il ne souhaitait pas signer une  « motion citoyenne » car là n’était pas sa place. Il semble qu’il ait dans un premier temps pensé que nous lancions une pétition dans le but d’organiser un référendum d’initiative populaire – et nous renvoyait à l’obtention des conditions requises à cette démarche. Une fois clarifié le fait que cette motion était portée par M. Chassaigne, Mme Attard et M. Lassalle, son refus de signer s’est fait plus tranché (voir l’échange dans la vidéo en fin d’article).

(Ex-)Groupe Écologiste

Contactés par nos soins, les représentants de ce groupe nous ont orienté, avec un enthousiasme non dissimulé et de nombreux encouragements, vers la députée Eva Sas, dans le but de relancer la coordination des députés sur ce projet de motion citoyenne. À titre individuel, les assistants parlementaires des députés Cécile Duflot et Eva Sas nous assuraient de l’intérêt de leur députée envers notre démarche et parlaient de probable signature.

Groupe Gauche démocrate et républicaine

I. Attard (Indépendante/Non-inscrit)
I. Attard (Indépendante/Non-inscrite)

Le 19 juillet, deux membres de Nuit Debout ont rencontré M. Chassaigne, qui nous a renouvelé son appui et confirmé la signature de 9 des 10 membres Front de gauche de son groupe.
Il nous confirme aussi les soutiens des députés non-inscrits Mme Attard et M. Lassalle (avec qui nous étions en contact dans le but de porter la motion), nous assurant avoir également contacté d’autres députés (UDI) dans le but d’obtenir une réponse de leur part puisque nous n’arrivions pas à les joindre nous-mêmes.

Groupe Socialiste, écologiste et républicain

Nous avons pris contact avec les députés « frondeurs », et obtenu deux rendez-vous.

Le premier, le 12 juillet, avec le député Jean-Pierre Blazy, s’est avéré peu fructueux. S’il s’est déclaré intéressé par notre projet « à titre personnel », comme le député Alexis Bachelay avant lui (voir MCC2), il ne pouvait se prononcer au nom de son groupe. « C’est bien que des jeunes (sic) s’impliquent dans la politique […] Mais vous comprenez, comme à Nuit Debout, nous travaillons en collectif et pas individuellement », nous répondit-il, proposant d’en parler avec d’autres députés.

Le second rendez-vous se déroule le 19 juillet, il est décisif car à la veille de l’annonce du dernier 49.3 et en présence de cinq députés dont Christian Paul, chef de file des « frondeurs ». Lors de ce rendez-vous figuraient également autour de la table : Fanélie Carrey-Conte, Denys Robiliard (non frondeur), Jean-Luc Laurent et Christophe Léonard. Benoît Hamon et Aurélie Filippetti, qui avaient également annoncé leur présence, ne seront pas là.

L’échange dure une petite heure et commence par les politesses habituelles sur les bienfaits de notre démarche, de notre rencontre avec eux, et le souhait de ces derniers de pérenniser nos échanges sur le long terme.

C. Paul (PS/SER)
C. Paul (PS/SER)

M. Paul commence par nous dire que la loi travail ne règle aucun des problèmes qui se posent à notre société à l’heure de l’uberisation, du travail indépendant et de l’ère du numérique (pensant peut-être que ces références aux nouvelles technologies nous parleraient en tant que « jeunes »). Il continue en nous disant que cette loi tomberait dans les poubelles de l’Histoire et que tout se jouerait aux prochaines élections présidentielles (traduction : « votez pour nous » ?).

M. Laurent nous parle du problème européen, que cette Europe libérale est le problème central et que c’est elle qu’il faut remettre en question. Traduction : « Rien n’est possible à l’échelle nationale, ce n’est pas de notre faute ». Donc on ne réagit pas à la démarche antidémocratique du gouvernement ? On laisse tout faire ? Drôle d’argument.

M. Robiliard est présent lui pour témoigner des pressions subies par les députés qui hésitent, il nous dit que sa fidélité au parti l’empêche de signer une motion de censure qui pourrait lui valoir l’exclusion du PS. Ce qu’il ne souhaite pas car « il n’y a pas l’offre politique adéquate en dehors ». Trop attaché à son investiture PS peut-être ?

La question de la motion citoyenne et transpartisane passe presque au second plan, leurs arguments sont assez confus. Certains voulaient savoir avec qui ils allaient signer et d’autres ne voulaient pas se mélanger aux votes de la droite. M. Léonard souligne qu’ils avaient déjà « raclé les fonds de tiroir » avec les signatures de Lassalle et Thévenoud sur la précédente motion. Autre argument, selon eux : se présenter à moins de 56 signataires (nombre de députés ayant signé la motion du 5 juillet), représenterait « un coût politique » en exposant au grand jour leur faiblesse. Ces deux arguments sont irrecevables puisque ce sont les citoyens que nous sommes qui porteraient l’échec d’une telle motion, pas les députés ayant tenté de défendre l’idéal démocratique. Et le mélange des signatures avec la droite ne posait aucun problème éthique puisque le texte portait un argumentaire neutre idéologiquement.

À la fin de l’entrevue, nous leur demandons une réponse franche et directe. Nous comprenons qu’ils refusent de signer le seul texte permettant d’empêcher la loi travail. Cyniques que nous sommes, nous leur demandons si politiquement cela ne les dérangerait pas que seule la droite apparaisse comme défendant la démocratie en portant une parole citoyenne à l’Assemblée nationale. Cet argument de chantage politicien est le seul qui les affecte vraiment. Suite à cette phrase, M. Paul sortant la tête de ses mains nous lâche un « mais vous aussi ça vous dérangerait, non ? ». Sauf que nous, nous n’avons rien peur de perdre.
Mme Carrey-Conte et M. Paul nous disent qu’ils envisagent de saisir le Conseil constitutionnel plutôt que de signer notre motion transpartisane. Ils vont même jusqu’à affirmer par pure flatterie que c’est notre initiative qui leur a donné l’idée. Après leur avoir répété que ces deux projets (saisine et motion) n’étaient pas contradictoires, nous leur demandons ce que nous devons tirer concrètement de cette réunion. Conclusion : « Nous ne signerons pas la motion citoyenne. »

NB : lors d’un échange téléphonique avec M. Hamon avant ce rendez-vous, il nous avait assuré être prêt à signer des « deux mains » la motion.
L’assistant parlementaire de Mme Filippetti, après avoir déclaré devoir en parler à sa députée, nous a clairement raccroché au nez (voir vidéo en fin d’article) lorsque nous l’avons recontacté pour nous renseigner sur les conclusions de cet échange. Nous avons envoyé une vidéo de cet échange par e-mail au mouvement de soutien de la candidature pour la présidentielle de Arnaud Montebourg (conjoint d’Aurélie Filippetti) en exprimant notre incompréhension face à cette réponse (oui c’est moche mais apparemment c’est comme ça qu’il faut faire). Résultat, l’assistant parlementaire nous a finalement promis dans des termes étonnamment plus cordiaux qu’il serait là au rendez-vous avec les autres frondeurs… Mais n’a pas honoré cet engagement…

Bilan d’étape : le seum

J. Lassalle (Modem/Non-inscrit)
J. Lassalle (Modem/Non-inscrit)

En sortant de ce dernier rendez-vous nous comptions sur le soutien de 9 députés Front de gauche, de Mme Attard, de M. Lassalle, et potentiellement de M. Hamon et des écologistes dont nous attendions une réponse imminente. Elle ne tarda pas à venir.

Le SMS de refus de Benoît Hamon
SMS de refus de Benoît Hamon

M. Hamon, contacté par SMS, nous dit qu’il préfère suivre la décision de son groupe. Nous comprenons alors que, le matin même, à la réunion des groupes, les députés socialistes que nous venions de quitter avaient convaincu leurs collègues socialistes et écologistes de ne pas signer la motion que l’on porte. Coup dur.

Malgré leur « enthousiasme », les écologistes n’ont pas « réussi » à coordonner leurs députés pour signer cette motion. Mme Sas nous incitera donc à les appeler individuellement pour avoir une réponse, la sienne étant finalement… négative. Noël Mamère (absent pour des problèmes de santé) ne signera pas non plus. Cécile Duflot… non plus.

À ce stade, le bilan était clair : nous n’obtiendrions pas les signatures requises pour le dépôt de notre motion.
Nous en tirions cependant d’autres enseignements, en affichant au grand jour les contradictions de nombreux députés s’affirmant démocrates. Ils se révèlent soumis aux agendas politiciens plutôt qu’à la défense des idées qu’ils revendiquent porter.

Un retournement inattendu…

Le 20 juillet (rappelons que la motion devait être soumise avant le 21 juillet 16 h), alors que nous ne comptions que 11 députés engagés pour signer et soutenir notre motion de censure, 58 députés « majoritairement de gauche » s’engagent publiquement à poursuivre par tous les moyens le combat contre les agissements du gouvernement, via une tribune publiée par le JDD.fr. 58 députés : soit exactement le nombre de signatures nécessaires… au dépôt d’une motion de censure.

Avertis de cette tribune tard dans la nuit par une camarade, notre première réaction n’est pas très pondérée, et nous commençons par nous demander sur combien de sites… les incendier. Se retrouver à 58 – cinquante-huit ! – pour signer ce texte, quelques jours à peine après avoir (pour beaucoup) refusé de signer notre motion au nom de leur incapacité à réunir… 58 signatures, voilà qui ressemble fort à de la provocation.

Mediapart accepte alors de publier une contre-tribune de notre part dans « le Club ». Nous entamons un travail collaboratif (et nocturne) qui débouchera sur ce texte. Avec un argumentaire relativement simple : « si vous êtes 58, vous savez quoi faire bande de malins ? ». Il faut dire qu’ils nous tendaient un peu la perche.

Cécile Duflot n'avait pas les mêmes préoccupations que nous
Cécile Duflot n’avait pas les mêmes préoccupations que nous

Nous préparons alors une campagne de déferlement sur Twitter par laquelle nous interpellons les députés récalcitrants. Nous sommes alors bien aidés par les retweets nombreux, dont certains de personnalités comme Edwy Plenel, Caroline De Haas ou Yanis Varoufakis.

Effets immédiats de la tribune et de Twitter : nos téléphones, jusqu’ici muets, ne cessent de sonner. Il semblerait que le fait de mettre en exergue la contradiction entre les discours et les actes de certains élus fasse réagir dès lors que l’on a une visibilité médiatique qui pourrait mettre en danger leur réélection.

Les députés écologistes signent les uns après les autres devant la médiatisation de leur refus.

Dans le même temps, deux députés ayant quitté le PS, Pouria Amirshahi et Patrice Prat, se joignent à notre motion.

À 15 h 30, une petite demi-heure avant la deadline, nous recevons un coup de téléphone de l’assistante parlementaire de M. Paul, la personne chargée de la coordination des députés « frondeurs ». Elle nous dit que finalement certains députés sont prêts à signer, qu’elle est actuellement en train de récolter des signataires et qu’elle nous communiquera une liste :

« Vous en avez mis du temps ! fut notre principale réaction.
– [Hésitation] Nous travaillons dessus depuis ce matin. »
Mensonge éhonté.

Après un coup de projecteur médiatique, Cécile Duflot annonce qu'elle signe
Après un coup de projecteur médiatique, Cécile Duflot annonce qu’elle signe

Nous obtiendrons, in fine, 28 signatures sur les 58 nécessaires au dépôt d’une motion de censure.

À notre grand regret, aucun des députés du groupe s’appelant « Union des Démocrates et Indépendants » n’a souhaité défendre la démocratie à travers notre démarche. Curiosité du hasard, il y a 30 députés dans ce groupe : 28 + 30 = 58…
Aucun des députés du groupe Les Républicains n’a souhaité non plus défendre l’idéal républicain de débats contradictoires que la démarche gouvernementale a bafoué. Ils sont 199, 15 % des députés du groupe aurait suffi.
M. Hamon – qui nous avait annoncé  « signer des deux mains » – n’aura donc pas retrouvé dans les temps l’usage de ses mains (nous nous serions contentés d’une seule). Mme Filippetti ne nous aura pas davantage donné signe de vie après le rendez-vous manqué avec les « frondeurs ». Si vous la croisez, n’intervenez pas vous-même et alertez les secours.

Instant Lol

L’histoire pourrait s’arrêter là, mais c’est sans compter sur la créativité politicienne de certains de nos élus.

M. Léonard, qui nous avait reçus et avait refusé de signer, a souhaité ajouter sa signature… après l’heure limite. Il s’en est même félicité publiquement sur Twitter.

E-mail assistante parlementaire M. Léonard / tweets M. Léonard
À gauche, e-mail de l’assistante parlementaire annonçant à 16h49 le souhait de M. Léonard de signer (19 minutes après l’heure limite) ; à droite, deux t weets mensongers

Rappelez-vous, c’est ce même député qui parlait de « fonds de tiroirs ».

Le 22 juillet (plus de 24 heures après la date limite de dépôt de la motion), nous recevons un SMS de l’assistant de M. Blazy, nous informant qu’il souhaite rajouter sa signature à la  « la motion symbolique » que nous avons portée. Touchés par ce geste, nous ne saurions trop recommander aux électeurs de M. Blazy de lui accorder leur vote « symbolique » lors des prochaines législatives, si possible 24 heures après la clôture des suffrages.

SMS de l'assistant parlementaire du député Blazy, le 22 Juillet à 19h19, 26 heures 49 minutes après la deadline
SMS de l’assistant parlementaire du député Blazy, le 22 Juillet à 19h19, 26 heures 49 minutes après la deadline

Épilogue

L’argument principal avancé par les frondeurs pour ne pas signer la motion était, rappelons-le, leur préférence pour une saisine du Conseil constitutionnel, au nom de l’efficacité de cette démarche. Sans trop croire à l’indépendance politique du Conseil constitutionnel, nous attendions donc le résultat de cette saisine, déposée par 68 (à confirmer) députés. Le verdict tombera : la loi travail passe sans trop de dommage le contrôle technique.

Tableau d’honneur des députés en exercice, suite à ce glorieux épisode de notre vie démocratique

Députés nous ayant soutenus dès le départ : Isabelle Attard, François Asensi, Alain Bocquet, Marie-George Buffet, Jean-Jacques Candelier, Patrice Carvalho, Gaby Charroux, André Chassaigne, Jacqueline Fraysse, Jean Lassalle, Nicolas Sansu.

Députés ayant marqué un long silence avant de signer : Pouria Amirshahi, Patrice Prat, Philippe Noguès.

Députés ayant refusé plus ou moins explicitement de signer à la suite de la médiatisation : Laurence Abeille, Danielle Auroi, Fanélie Carrey-Conte, Sergio Coronado, Cécile Duflot, Édith Gueugneau, Christian Hutin, Jean-Luc Laurent, Noël Mamère, Christian Paul, Barbara Romagnan, Jean-Louis Roumegas, Eva Sas, Paola Zanetti.

Députés ayant signé après la deadline : Jean-Pierre Blazy, Christophe Léonard.

Députés « frondeurs » qui n’ont pas signé : Brigitte Allain, Philippe Baumel, Laurent Baumel, Huguette Bello, Michèle Bonneton, Kheira Bouziane-Laroussi, Isabelle Bruneau, Nathalie Chabanne, Dominique Chauvel, Pascal Cherki, Marc Dolez, Hervé Féron, Aurélie Filippetti, Geneviève Gaillard, Yann Galut, Linda Gourjade, Édith Gueugneau, Benoît Hamon, Mathieu Hanotin, Romain Joron, Jérôme Lambert, Alfred Marie-Jeanne, Jean-Philippe Nilor, Michel Pouzol, Gérard Sebaoun, Suzanne Tallard, Thomas Thévenoud, Michel Vergnier.

Députés qui avaient d’autres choses à faire que de discuter avec nous : tous les autres ! et ils sont 519 (oui… 519 !).

Notre analyse

Rapidement convaincus (mais qui ne tente rien n’a rien) du caractère utopique d’une motion de censure couronnée de succès, notre démarche s’avère pourtant riche d’enseignements sur nos représentants, nos institutions et le système dans lequel ils évoluent.

Nous ne souhaitons pas accabler les personnes (même si la responsabilité individuelle reste un fondement de toute démocratie digne de ce nom), mais plutôt questionner les structures politiques dans lesquelles ces élu.e.s interviennent. Cette expérience politicienne légitime, à notre sens, les efforts entrepris par Nuit Debout sur la place de la République et ailleurs, pour repenser le système démocratique dans sa forme (jury citoyen, tirage au sort, etc.) et ses valeurs. Si les « frondeurs » ont subi des pressions du gouvernement pour ne signer ni motions de gauche ni motion citoyenne, pour ne pas voter la motion de droite ni même signer la saisine au Conseil constitutionnel (il semblerait que chacun des signataires de ces démarches ait eu droit à un appel privé du Premier ministre leur promettant la porte du PS et l’oubli de leur investiture en cas de succès de l’une de ces « offensives »), il est regrettable que seule une infime minorité ait eu le courage de privilégier à toute visée carriériste la défense d’un fonctionnement démocratique normal, et accessoirement le combat contre un projet de loi qui revient (nous ne nous lasserons jamais de le rappeler) à démolir des droits conquis au cours de luttes qui, elles, ne se basaient pas sur des tribunes et déclarations d’intentions.

Nous insistons sur la mise en cause de la structure du système politique actuel avec un exemple : même les députés nous ayant soutenu depuis le début avaient intérêt à ce que d’autres députés ne signent pas. Ce qui leur permettait de se démarquer de leurs collègues, d’être les seuls à défendre la démocratie, dans un temps marqué par le rejet des personnalités politiques. Tout en laissant le bénéfice du doute à ces députés qui nous ont soutenu, nous avons conscience que ce phénomène n’a pu que réduire d’avantage les chances de réussite de cette motion.

Au désintérêt (plus ou moins subi) des députés pour notre démarche, s’ajoute celui, notable, des médias. Aucun d’entre eux, sinon Mediapart et le JDD.fr qui y a accordé un paragraphe dans un article, n’aura ne serait-ce que mentionné l’existence de cette motion transpartisane. Aucun d’entre eux n’aura eu le désir de retranscrire nos échanges avec les députés comme nous le faisons ici – pourtant éloquents sur le fonctionnement de notre « démocratie » représentative.

À l’heure où la séparation des pouvoirs législatif, judiciaire et exécutif (et économique) tend à être compromise par les dynamiques internes du système politique, nous devons collectivement nous inquiéter de la faiblesse que représentent les contre-pouvoirs médiatiques et législatifs face aux quelques mains qui concentrent pouvoirs symbolique, politique et économique.

De manière plus anecdotique, cette démarche nous aura également permis de rendre compte de ce paradoxe : si l’accès aux représentants politiques s’est avéré plus facile que nous ne le pensions, nous avons pu mesurer l’immense difficulté à peser dans le jeu politique dès lors que l’on ne possède ni les contacts, ni les réseaux, ni les financements, dès lors que nous ne sommes que simples citoyens – ceux, pourtant, que ces représentants sont censés… représenter. Aidés, pourtant, par l’existence de Nuit Debout et par son poids symbolique, nous nous sommes heurtés aux stratégies politiques et à la force des ambitions personnelles de beaucoup d’élus.
Nous retenons la leçon : nous ne quitterons pas les places – et vos standards téléphoniques – de si tôt.

En fut-il différemment à une autre époque ? Nous ne fétichisons pas le passé ; il semblerait que ces combats sociaux que nous menons soient aussi difficiles à mener qu’autrefois, et nous butons encore sur les dynamiques de pouvoir et d’intérêt d’une classe politique et économique dominante que le sommeil et l’hégémonie du discours néolibéral ne nous ont fait qu’oublier.

Peut-il en être autrement ? Nous sommes convaincus que oui, et nous vous invitons à travailler ensemble à construire un système politique réellement démocratique.

Toujours debout.

Commission économie politique NuitDebout.

Retrouvez les autres épisodes de la motion de censure dans Gazette Debout : ici et .
[Article publié le 1/10/2016 sur Facebook]

Crédits photos:

  • André Chassaigne (Front de Gauche/GDR): ND
  • I. Attard (Indépendante/Non-inscrit): ND
  • C. Paul (PS/SER): ND
  • J. Lassalle (Modem/Non-inscrit): ND
  • SMS refus Benoît Hamon: ND
  • SMS assistant parlementaire J.-P. Blazy: ND
  • Ceci n’est pas une démocratie: Nuit Debout Caen / DR

Une réaction sur cet article

  • 15 novembre 2016 at 16 h 57 min
    Permalink

    Bon, bon,bon, je ne sais pas qui, ni combien de personnes suivent ce type débat, ne serait-ce que par sa visibilité, vrai problème! Bref, grosso modo, les gens qui s’intéressent à la politique connaissent cette réalité, même en l’absence d’un flot d’exemples concrets. La vraie question, c’est comment changer les choses. Certains, certains seulement dans ND, ont posé la question, d’autres devisaient, poétisaient, divaguaient, prenaient du temps, à les entendre, ils en avaient, où comptaient sur la providence etc, etc.
    Certains, à la limite, alors qu’ils y sont plongés dedans par la démarche même, racontent qu’ils ne veulent pas entendre parler de politique, ou quelque chose de ce genre. Sans jamais pouvoir ou vouloir dire, en vicieux, comment on arrive ou tente de changer tout cela, ici et maintenant. Alors, qu’il avait, hasard ou pas, quelques députés avec eux, qu’il fallait soutenir, ne serait-ce que pour leur réélection et faire battre les autres. Rien de tout cela, mais allant de délitement en délitement, fatiguant ceux de bonne volonté à la longue, jusqu’à ce qu’il y ait pratiquement plus rien. Le ras-bol doit trouver un chemin. La lamentation n’est pas un projet politique, ni même un programme. On peut ne pas aimer les gens en place, mais comment on change le truc, c’est la question. Parmi les rares mesures évoquées, une nouvelle constitution ! Mais pratiquement, comment on y arrive, si personne ne représente ce courant, ou mieux en absence d’organisation sérieuse, qui appuyé sur cette mesure.
    Une mesure en réalité qui change la donne radicalement, même à l’exception de toutes les autres.
    Il faut à un moment mettre un pied devant l’autre au lieu de se lamenter, que diable !

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