NDDL : « La ZAD deviendra plus qu’un symbole »

Alors que les rumeurs concernant l’évacuation de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes se précisent, ses habitants appellent à un rassemblement le 8 octobre prochain. En attendant, Gazette Debout republie ici une tribune parue sur le site Un Scribe à Nantes, qui rappelle les enjeux de cette lutte. 

La carte pour s'orienter dans la ZAD de Notre-Dame-des-Landes.
La carte pour s’orienter dans la ZAD de Notre-Dame-des-Landes.

Nous y sommes presque. Alors que l’état se prépare à venger l’affront de l’opération César en 2012, les zadistes contre le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes érigent les défenses pour repousser l’attaque imminente. C’est presque western, un OK corral des temps modernes où s’affrontent deux forces : la première, celle d’une République à bout de souffle en mal d’autorité, contrainte de faire le sale boulot d’une entreprise de BTP avide de bilan positif en déterrant des projets vieux de 40 ans, plus vieux que la plupart des zadistes et des CRS. En face, la jeunesse contemporaine, débrouillarde, inventive, créative, passionnée et surtout de plus en plus injuriée par l’élite méprisante à qui elle entend barrer le passage. Une jeunesse qui parfois meurt au combat quand bien même elle ne se bat point physiquement. Le drame de Sivens en est une preuve incontestable.

« C’est un fait que les vitres brisées en manifs, les places occupées et les slogans n’ont finalement que peu d’efficacité »

On a souvent reproché à la mouvance contestataire – quelques soient les combats qu’elle mène, des « antifas » aux écologistes – de s’acharner à vouloir faire de la symbolique futile. C’est un fait que les vitres brisées en manifs, les places occupées et les slogans n’ont finalement que peu d’efficacité. Ils ont même un impact négatif et contradictoire car c’est une nourriture à laquelle les médias et les politiques sont devenus accros. A la manif interdite contre Climate Chance, j’ai constaté avec un mélange de dégoût et d’amusement que les JRI des grands médias se sont très vite désintéressés de l’épisode quand ils virent qu’aucune violence n’était à déplorer. Les arguments médiatiques sont parfois vrais : le petit commerçant de proximité n’est en rien un suppôt du capitalisme sauvage. Quant aux abribus, inutile de nier que c’est bel et bien le contribuable qui les paie. Les vitres de banque ? Comme si la Caisse d’Epargne ou le Crédit Agricole allaient faire faillite en les remplaçant ! Les slogans ? Les politiciens n’écoutent même pas les doléances de leurs électeurs, alors les mantras de ceux qui se représentent en « marginaux enivrés »….

«Si dire que Nuit Debout fut un échec est peut-être trop hâtif, on peut en revanche souligner que déclarer le mouvement en préfecture annule d’un coup toute la portée du principe».

Le « zadisme », si on peut l’appeler ainsi, constitue la fraîcheur qui manquait à la révolte des années 2010. A Notre-Dame-des-Landes ou ailleurs, on ne se contente plus des défilés masochistes que les syndicats imposent à chaque mobilisation. On conquiert, on occupe, on construit, on s’organise. Une méthodologie qui n’est pas sans rappeler l’âge d’or de la piraterie des Caraïbes lorsque les réprouvés de l’océan, outrés par le traité d’Utrecht en 1713, cessèrent de fuir et de se cacher pour vivre au grand jour aux Bahamas selon un modèle démocratique égalitaire, au nez et à la barbe des grands empires esclavagistes qui entendaient se partager le monde. S’y mélangeaient les goûts et les couleurs, les passions et les opinions en marge d’un impérialisme naissant obsédé par l’ordre et l’uniformité.

« La lutte n’est plus symbolique, elle est devenue tactique, pragmatique »

Pour le dire brièvement, grâce aux ZAD, la lutte n’est plus symbolique, elle est devenue tactique, pragmatique, pas toujours parfaite certes, mais elle vise l’efficacité et la pérennité. Les idées ont désormais un point sur la carte et elles se relient entre elles, morcelant peu à peu peu le quadrillage étatique obsolète. Elles prennent forme et s’ancrent géographiquement. Les idées d’Hakim Bey développées dans son ouvrage sur les Zones d’autonomie temporaire ont trouvé ici une concrétisation. Mettons au défi les commentateurs aigris du Figaro de traiter ces « sauvages de zadistes», comme ils disent si souvent, d’utopistes.

La zad de NDDL, en qualité de pionnière, est devenue bien plus qu’un squat d’anarchistes. C’est un village, une commune et en cela, elle constitue une vérité dure à entendre pour les aficionados du sacro-saint immobilisme : le rêve devient réalité. Il se prolonge dans le monde brut, la matérialité froide des grenades dedésencerclement et des bâtons qui s’entrechoquent, mais aussi la joie des festivités et du vivre-ensemble, le confort rassurant des maisons de bois et le plaisir des nuits fraîches.

«Le pouvoir veut empêcher les gens de se dire, en constatant l’échec de leur joug : Un autre monde est possible, l’éternité de la loi n’est qu’une chimère».

C’est cela que le gouvernement veut combattre et éradiquer. Ce qui va se jouer en octobre n’est pas seulement le dénouement d’une polémique, c’est aussi l’avenir de la définition même des luttes révolutionnaires, de leur méthodologie et par corollaire, de notre société et des politiques qui la gouvernent. Le pouvoir veut empêcher les gens de se dire, en constatant l’échec de leur joug : «Un autre monde est possible, l’éternité de la loi n’est qu’une chimère ». Un danger redoutable alors qu’approche le grand cirque présidentiel dans lequel les gens ne placent plus guère d’espoir.

Cet article a été publié sur le site Un Scribe à Nantes. Nous le reproduisons ici avec leur autorisation.

Crédits photos:

  • Lanternes NDDL: Nuit Debout / DR

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