A quoi peut bien servir une manifestation ?

Qu’y a-t-il au bout de ce boulevard ?

Pourquoi tout le monde s’y presse ? On peut se demander vers quoi va une manifestation quand elle marche sur un boulevard, encadrée par des centaines ou des milliers de policiers ? Certain-e-s vont jusqu’au bout du boulevard et se dispersent. D’autres vont se battre avec la police. Mais où va cette manif ? Au bout du boulevard ? Et pour quoi faire ?

En l’espèce, ce n’est qu’une bataille entre flics et personnes prêtes à les affronter. Qu’en résulte-t-il concrètement ? On y va, on se bagarre et à terme, on rentre chez soi. La prochaine manif arrive, on fait la même chose, mais cette fois, on se fait gazer tirer dessus, nasser ou arroser. Non que ce soit une critique des luttes des manifestants. Au contraire, ces actions nécessaires et impérieuses sont la démonstration de l’opposition radicale au pouvoir, pour tenir en respect ses forces armées. Il s’agit là de questionner l’impasse de la manifestation, le bout du boulevard. Celle qui marche, qui avance inexorablement vers son terme, vers la dispersion, dans un scénario connu d’avance, toujours le même, où au bout du boulevard, pour certains, c’est la dispersion immédiate, et pour d’autres, le début de l’affrontement.

Manifestation du 28 juin
Manifestation du 28 juin. Devant la République. Raphaël Depret – DR

Comment comprendre ? 

C’est peut-être une lutte de longue haleine, d’endurance, où l’on se dit qu’on va réussir à les fatiguer, à les épuiser et qu’à terme, on aura l’ascendant, on pourra renverser la vapeur. Mais jusqu’à quoi ? Que les policiers battent en retraite et se dispersent ? Qu’on prenne le bout du boulevard ? Et qu’en ferait-on ? Ou alors, ces manifestations permettent d’évaluer et d’affirmer nos forces, pour être prêts le jour où il faudra mener à bien des objectifs réfléchis, précis, stratégiques. Ou encore c’est à un niveau plus symbolique : on montre au pouvoir comment on peut résister, quelle est notre détermination, notre niveau de violence. On leur envoie un message et on voit ce qu’ils font après.

Vers où aller ? 

En manif, en champ ras, les flics armés nous tirent dessus comme des lapins. Dans cette situation, on les agresse, les harcèle tant qu’on peut. Eux, en retour, font la même chose, mais mieux armés et mieux protégés. En somme, ce que l’on défend, c’est nous mêmes, contre les balles, le gaz, les grenades et leurs éclats. Plutôt que ces manifs que l’on sait stériles, tendues, sous surveillance, avec des blessures, visons plutôt des objectifs précis sur le parcours, en plus des classiques (flics, banques, assurances). Modifions le flux de la manif au niveau d’un lieu en particulier, ou d’un lieu symbolique. Barricadons nous dans un immeuble pour créer un point fixe. Prenons des objectifs précis à proximité du parcours, en manifs sauvages par exemple, où le choix est plus large (apéro chez Valls). Modifions le chemin du cortège pour l’amener à un endroit précis, repéré, pour y redéfinir le contexte et y être en force, chez nous.

Arrestation équipe cinéastes
Manifestation sur le pont de la Concorde le 5 juillet – DR – Jérôme Chobeaux

Chez eux et chez nous 

Lors des défilés, nous sommes chez eux dans un parcours autorisé, sécurisé, cerné. Chez nous, barricadés, sur une place, dans une rue, dans un bâtiment, il en est autrement : c’est pour ça qu’ils envoient le raid quand un toit ou un lieu est pris (cf Maison du Peuple à Rennes), car ça peut devenir un point gardé, une commune, un fort insurgé plus difficile à reprendre. Pour que ça devienne chez nous partout, on doit occuper, ZADer le territoire. Quitte à en partir rapidement, ou y rester un peu (ZAT), ou en faire un lieu de lutte centrale (ZAD), mais occuper tous azimuts, et reprendre parcelles après parcelles, dans les champs comme dans les villes. Autour de la Place de la République, il doit bien y avoir tout un paquet de bâtiments à squatter. Et des terres, y’en a partout !

Créer des lieux de pouvoir : ZAD partout.

Prendre un lieu, c’est créer un lieu de pouvoir. Si nous manifestons dans une rue de 14h à 17h ça passe. Une place le soir ça passe. Mais les lieux de pouvoir sont tellement protégés qu’en cas de débordements, l’armée pourrait y intervenir. Créer un lieu de pouvoir, c’est inverser les rôles : au lieu de les attaquer, on en crée des nouveaux. En manif, on est offensifs mais ce que l’on défend, c’est nous-mêmes, nos corps. On les protège contre les balles, les gaz, les grenades. Occuper un lieu, c’est le défendre, le tenir, le renforcer. Ce lieu pris, les autorités voudront à tout prix le reconquérir et nous aurons alors gagné un endroit autour duquel peut se cristalliser des luttes. Si nous le perdons, nous n’aurons rien perdu car ce lieu créé à partir de rien, sera une victoire. Cette lutte est à l’image de la lutte face au système global : il nous faut d’un côté le battre par l’affrontement direct, et aussi, l’affronter par l’alternative, en créant notre monde, indépendant.

NoBiribi

 

Crédits photos:

  • Manifestation du 28 juin: Raphaël Depret - DR
  • Arrestation équipe cinéastes: Jérôme Chobeaux / DR
  • Manifestation du 28 juin: Raphaël Depret - DR

2 réactions sur cet article

  • 17 septembre 2016 at 18 h 18 min
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    Il ya une petite erreur dans la légende ce n’est pas la Bastille mais la place de la république.

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    • 17 septembre 2016 at 20 h 27 min
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      Merci ! C’est modifié !

      Reply

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