Poésie Debout « À l’emporté »

À l’emporté
(fils de médecin, impossible à ranimer)

Abandonné à d’autres…
Abandonner les siens,
Enseveli bientôt d’étoiles avant les fleurs,
Après les yeux ouverts, portés à le sauver,
À ranimer son cœur
Pendant l’hémorragie.
Tarir le flux de sang
Et se voir conscient
À seul quitter la terre
Tandis que nous restons sous la voûte céleste
Pour affronter demain.
Trop de gens, trop de mains
Et d’appels au secours.
L’éclat, le feu, le beau et puis la souricière,
Le fracas, le choc brut contre l’esprit léger,
Animé de beauté par les artificiers, depuis la mer.
Mort hier, avant-hier, avant-avant-hier maintenant,
Le compte à rebours des prières puis de l’oubli
S’est enclenché comme si tout était vain, privé de sens.
La supériorité de l’asphalte, du bitume,
De la gomme pneumatique
Quand le soir bleu d’été inspirait l’amitié,
La rencontre, le baume au cœur.
Non ! Il faut que la vie, que des vies soient fauchées.
L’inhumaine soirée
S’achève dans le bruit d’un champ de bataille.
L’humanité faite de plus de victimes que d’assassins,
Fugitivement perdu, pour toujours
Sauf l’image des derniers instants
Après le fracas, le passage éclair d’un camion dans la foule,
Telle la houle de mer qui emporte, enlève, ensevelit,
Rend de vie à trépas
Si ce n’est en amas de corps, d’existences, de rêves.

La mort
Plus forte
Que les vies
Des vies.
Rendre l’âme
Rendre les armes
Dans un dernier combat
Contre soi
Et voir cette impuissance à aider,
À relever, à se lever,
À garder de la lumière,
De la présence.


Roland

(témoin de la tragédie du 14 juillet, participant modestement aux secours)

Cet article a initialement été publié dans le journal de Nuit Debout Nice, le GaRRi. Nous le reproduisons avec leur aimable autorisation.

Crédits photos:

  • Nuit Debout dans les fleurs: Nuit Debout - DR

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