Chroniques de Stalingrad : tout perdre en quelques secondes.

Depuis trois semaines, Mickaël, un Nuitdeboutiste engagé auprès des réfugiés, campe avec eux à Stalingrad, le « Calais » parisien. Il est au premier plan pour rendre compte des arrestations arbitraires, des violences et des humiliations quotidiennes subies par ces hommes et ces femmes qui fuient leur pays. Il nous livre ici ses chroniques quotidiennes.

Jeudi matin, 6h. Les premiers véhicules des services du nettoyage de la voirie sont arrivés autour du campement. Ils sont rejoints quelques minutes plus tard par deux gros camions-bennes. C’est à ce moment que j’ai lancé l’alerte. Je savais qu’une « rafle » se préparait. Certains exilés en profitent pour s’échapper, surtout ceux qui n’ont pas de papiers. Ils peuvent ainsi anticiper, rassembler les maigres affaires qu’ils possèdent pour les mettre à l’abri.

Les affaires des exilés mises à la poubelle.
Les affaires des exilés mises à la poubelle.

L’attente a durée deux heures. Vers 8h40, une vingtaine de cars de CRS sont arrivés et ont contrôlé tous les gens autour du rond-point et sous le métro Stalingrad. Ils ont trié les exilés. Ceux qui étaient sans papiers ont été embarqués. Les autres ont été laissés libres. Une heure plus tard, ils ont encerclé l’avenue de Flandre afin d’opérer le même tri. Les sans-papiers sont embarqués et les autres laissés libres.

C’est alors que le grand nettoyage commence. Comme on peut le voir sur la vidéo, les camions-bennes roulent sur les cartons et les sacs de couchages, frêles remparts contre le froid de la nuit. Ceux qui n’ont pas le temps de mettre leurs affaires à l’abri peuvent tout perdre.

Une jeune femme est venue nous voir en pleurs. Les CRS ne lui ont pas laissé le temps de récupérer ses papiers et son argent dans la tente. Ils auraient tout jeté en lui disant qu’ils s’en foutaient. Avec d’autres bénévoles, nous sommes allés voir l’officier pour tenter de parlementer. Il a été clair : les ordres sont les ordres, il faut tout jeter.

 

Le nettoyage de l'avenue de Flandre par les services de la voirie.
Le nettoyage de l’avenue de Flandre par les services de la voirie

 

Les affaires des exilés jetées par les services de nettoyage.
Les affaires des exilés jetées par les services de nettoyage

Au final, près de 25 réfugiés ont été emmenés au commissariat, 20 rue Aubrac (XXIIe arrondissement parisien).

Une fois la pagaille terminée, la plupart des gens sont venus réinstaller leurs affaires, comme si de rien n’était. On commence à comprendre que ces « rafles » sont inutiles, sauf à semer la pagaille et le désarroi auprès d’une population qui n’a plus rien à perdre.

Mickaël. 

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Crédits photos:

  • Les affaires des exilés mises à la poubelle.: Mickaël- DR
  • Le nettoyage de l’avenue de Flandre par les services de la voirie: Mickael - DR
  • Les affaires des exilés jetées: Mickaël DR
  • Le camion benne à Stalingrad: Mickael - DR

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