Chroniques de Stalingrad : Qui a peur des migrants ?

Depuis trois semaines, Mickaël, Nuitdeboutiste engagé auprès des réfugiés, campe avec eux à Stalingrad, le « Calais » parisien. Il est au premier plan pour rendre compte des arrestations arbitraires, des violences et des humiliations quotidiennes subies par ces hommes et ces femmes qui fuient la guerre. Il nous livre ici ses chroniques quotidiennes.

Mardi 6 septembre. Il est 6 h du matin. Huit voitures de policiers stationnent devant le siège de France Terre d’Asile, au 127 boulevard de la Villette. Une bagarre vient d’éclater entre des personnes d’origine africaine et des Afghans. Les premiers faisaient la queue devant l’association depuis la veille et auraient été chassés violemment par les seconds. Les policiers ne font rien; ils regardent la scène en souriant. Je m’approche de l’un d’entre eux pour lui demander ce qu’il compte faire afin d’arrêter la bagarre.

« Vous attendez qu’ils s’entre-tuent ? »

« Bah pour l’instant ça va. On attend les blessés. Que voulez-vous qu’on fasse ? » répond le policier.

Je reste estomaqué par sa réaction et son mépris. La bagarre se termine sans leur aide. Aucune interpellation mais deux blessés légers.

A Stalingrad, les gens dorment à même le sol. Septembre 2016
A Stalingrad, les gens dorment à même le sol. Septembre 2016

Un peu plus loin, il est environ 7 h lorsque j’échange avec des employés municipaux chargés du nettoyage des rues, notamment l’avenue de Flandre, où campent de nombreuses personnes. Ils ont l’air épuisé. « C’est difficile de maintenir un truc propre avec des migrants », explique l’un d’entre eux. Il envisage même d’utiliser son droit de retrait car on ne peut pas « obliger les ouvriers à travailler près des migrants. Il y a des risques de maladies, d’agressions ».

J’essaie de les raisonner en leur expliquant ne jamais avoir eu aucun problème ni d’agression ni de maladie, alors que je campe avec eux depuis bientôt un mois. « Oui, c’est vrai », concède l’employé. « On a eu des problèmes d’agressions, mais pas avec les migrants… »

La police garée avenue de Flandres - Septembre 2016
La police garée avenue de Flandre – Septembre 2016

Brutalement, aux alentours de 9 h, des cars de CRS viennent embarquer une trentaine de personnes. C’était prévisible car, dès hier, les policiers tournaient comme des vautours autour des tentes. Des rondes qui ont recommencé dès ce matin aux environ de 4 h. Selon plusieurs personnes sur place, les forces de l’ordre seraient intervenues à la demande des mairies des XVIIIè et XIXè arrondissements. Le préfet n’aurait d’ailleurs pas été informé…

Plusieurs personnes de la mairie sont venues à Stalingrad dans la matinée, dont le maire du XIXè, François Dagnaud (PS). Je me suis approché du petit groupe pour poser des questions, mais personne n’a voulu me parler…

visite de la mairie
Le maire du XIXe arrondissement, François Dagnaud, en visite à Stalingrad le 6 septembre.

Pendant ce temps, la maire de Paris, Anne Hidalgo, annonçait la création deux centres d’accueil humanitaire pour migrants. Le premier ouvrira autour de la mi-octobre près de la porte de La Chapelle, le second à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne) d’ici la fin de l’année. Elle veut « construire un camp humanitaire dont Paris serait fier… » Une déclaration qui se passe de commentaires.

Mickaël. 

Crédits photos:

  • Greece migrants: Nuit Debout - DR

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