Revue de presse : Nuit Debout et après ?
Le 31 mars dernier, un nouveau mouvement citoyen voyait le jour place de la République. Dans les facs, certains étudiants s’insurgeaient face à la société et à un nouveau projet de loi qui allait changer le Code du Travail. À l’appel du journal Fakir et du collectif Convergence des Luttes, de nombreux Français se sont rassemblés le 31 mars autour d’une même contestation place de la République. En quelques jours seulement, des milliers de personnes se sont réunies dans ce lieu symbolique pour s’exprimer et partager leurs idées. Peu après, un militant expliquait déjà au Monde : « On continuera jusqu’à aboutir à quelque chose de concret ».
Dans la presse, personne ne comprenait ce qui se passait vraiment. Était-ce un coup de communication d’un groupe politique ? La révolte du peuple français ? Pendant des semaines, l’actualité ne parlait que de Nuit Debout, de ce rassemblement aussi soudain qu’inédit. Nuit Debout va à l’encontre des codes que nous connaissons. Sans leader, sans attache politique, sans projet à long terme. Les journalistes se perdaient parmi cette foule en colère. Tandis que Le Monde tentait de comprendre le mouvement et ses possibles évolutions, Le Figaro le qualifiait de « crépuscule des bobos ».
De nombreux hommes politiques et intellectuels sont passés sur la place. Des visites plus ou moins remarquée, à l’instar de celle d’Alain Finkielkraut, ce dernier était arrivé en tant que grand philosophe – une attitude qui avait fortement agacé les militants. Libération explique comment il a été chassé sous les insultes et les cris. Heureusement, tout le monde n’est pas accueilli de cette manière et l’ancien ministre des Finances grec, Yanis Varoufakis, a reçu une vive ovation. France tv info rapporte ses propos face à une place noire de monde le 16 avril : « Ne laissez pas cette énergie promouvoir des carrières, faites la différence, ensemble, pour l’Europe ».
Même si certains s’émerveillent face à un tel rassemblement, d’autres estiment qu’il ne s’agit que de petits rigolos qui ne comprennent rien à la vie. Pourtant, le mouvement attire la presse du monde entier, qui compare Nuit Debout à la contestation espagnole. RFI se demande ainsi si « Nuit Debout ne serait pas les nouveaux Indignés », tandis que Le Dauphiné est plus direct en titrant un de ses articles : « Nuit Debout : Quand les indignés font des petits ». Les Nuit Deboutistes et leurs frères espagnols ont pourtat autant de points communs que de différences.
L’objectif premier est la convergence des luttes qui passe par une réappropriation de la place publique. Une occupation qui n’a pas été du goût de tout le monde. Les riverains ont été lassés des nuisances sonores et des dégradations. France Bleu a ainsi voulu rendre compte de leur ras-de-bol dans une tribune. Quant aux commerçants, ils assurent que les clients ont déserté leur magasin engendrant une perte de chiffre d’affaires.
Le mouvement a connu un pic de fréquentation au mois d’avril et en mai, mais les conditions climatiques n’ont pas facilité les choses. Les Nuit Deboutistes étaient nombreux à se réfugier sous des bâches et des parapluies, et les assemblées générales de plus en plus désertées. Les militants ne sont pas dupes : c’est vrai, la place s’est peu à peu vidée, mais cela veut-il vraiment dire que Nuit Debout est terminée ? Dans la presse, les journaux ne cessent de multiplier les unes déprimantes. « Mais où est donc passé Nuit Debout ? », s’exclame Le Parisien dès le 29 juin.
Sur France info, les journalistes se sont interrogés sur l’évolution du mouvement et Eddy Fougier, chercheur associé à l’Iris croyait peu en un avenir de à la Podémos. « Quand on regarde les Indignés en Espagne, ils étaient plusieurs centaines de milliers; à Nuit Debout, on était à plusieurs centaines de personnes ».
Le Figaro est beaucoup plus sarcastique : « Nuit Debout s’est recouché ». Depuis le début du mouvement, le site Convergence des luttes retranscrit les propos tenus lors des assemblées générales. Le journaliste a constaté qu’aucun résumé n’avait été rajouté depuis le 31 mai [en réalité : 3 juin], ce qui lui permet de valider sa théorie.
Interrogé sur LCI, Patrick Farbiaz, l’ancien conseiller de Cécile Duflot et auteur de Nuit Debout, les textes choisis croit savoir de quelle manière le mouvement va évoluer. « Je pense qu’au-delà du mouvement contre la loi El Khomri, qui a été le déclencheur et le catalyseur […] ce mouvement va irriguer pendant plusieurs années, maturer, et moi, je parie sur quelque chose. Dans les prochaines années, notamment au moment des élections municipales, comme en Espagne avec Barcelone et Madrid, il va y avoir un investissement des militants qui ont vécu Nuit Debout dans des listes citoyennes et des combats locaux ».
Sur la place, les militants continuent de faire vivre le mouvement. Certes, certaines commissions ont disparu (Féministes, LGBT+), mais de nombreuses personnes sont encore présentes et toujours aussi actives. Du 8 au 10 juillet derniers a été célébré le centième jour d’occupation de République – l’occasioni d’évoquer l’avenir. Car depuis cette date, il n’y a plus de déclaration officielle d’occupation de la place, sauf exception comme le 26 juillet, à l’occasion de la prolongation de l’état d’urgence.
Mais que les militants se rassurent, le mouvement n’est pas pour autant laissé à l’abandon. Nuit Debout se poursuit tout d’abord sur les réseaux sociaux. Sur Facebook, ils sont plus de 170 000 personnes à suivre activement les publications de la page Nuit debout, 35 000 sur celle de Convergence des Luttes #jouretnuitdebout, et près de 48 000 sur le Twitter Nuit Debout. Les militants actifs continuent à communiquer via Telegram, une application cryptée de messagerie instantanée. Enfin, n’oublions pas le site nuitdebout.fr, qui rassemble de nombreuses les informations (dont un wiki) et publie l’agenda du mouvement. Enfin, Gazette Debout est toujours bien active, avec près de 700 articles publiés.
Les Nuitdeboutistes préparent la rentrée, dite « saison 2 » de Nuit Debout. Car même si la loi El Khomri a été adoptée sans vote à l’Assemblée nationale, les débats ne s’arrêtent pas là. Il s’agit d’un combat plus large contre un monde dont nous ne voulons plus. En attendant le rendez-vous du 31 août, nous vous souhaitons un bel été debout !
Emilie pour GAZETTE DEBOUT.
Crédits photos:
- Contre la privatisation de l’espace public: Stephane Burlot / DR