Bilan des commissions de Nuit Debout #6 : la com consommation

Près d’une centaine de commissions ont vu le jour à Nuit Debout. Certaines plus éphémères que d’autres. Après quatre mois de luttes et d’occupation de la place de la République, Gazette Debout a demandé aux plus actives de dresser un premier bilan de leur action et d’envisager leur avenir. Aujourd’hui : la commission consommation.

– Nom de votre commission : Commission Consommation

– Nombre de participants :  De 2 à 10

– Fréquence de rassemblement sur la place : 1 fois par semaine au début, puis 1 fois tous les 15 jours

– Comment vous contacter ? Sur notre page Facebook, ainsi que via la page Wiki de Nuit Debout. 

– Quelles sont les grandes thématiques sur lesquelles vous avez travaillé ?

Elles sont résumées dans notre texte de présentation ci dessous :

Le pouvoir de nos « représentants » politiques et le monde qu’ils nous imposent s’appuie sur les lobbies et les puissances d’argent. On dit que les lobbies et les puissances d’argent sont les détenteurs du pouvoir économique. Mais les détenteurs du pouvoir économique, c’est nous ! C’est nous les portefeuilles ! Alors, coupons-leur les vivres ! Repensons notre consommation ! Refonder notre système politique global passe aussi par le fait de repenser notre consommation individuelle quotidienne. Alimentation, produits ménagers, hygiène, santé, habillement, technologies, culture, logement services bancaires, énergies, transports. Peut-on échapper à Lidl pour se nourrir ? Peut-on échapper à Ikea pour se meubler ? Peut-on échapper à H&M pour se vêtir ? Peut-on vieillir dignement sans enrichir les fonds de pension ? Peut-on guérir d’une maladie sans Sanofi et sans Servier ? En revoyant notre consommation, en ne finançant plus ces multinationales qui dissimulent leur argent dans des paradis fiscaux, en n’exploitant plus les populations pauvres des pays du sud ou de l’est, en nous rapprochant des paysans, des artisans, des chercheurs, des producteurs d’ici et d’ailleurs qui respectent la vie et la planète, nous contribuerons à un monde plus juste, plus humaniste, qui nous ressemble. Un Monde Debout.

– Quels sont les projets qui ont abouti ?

Le projet de la Commission Consommation était de partager, de faire connaître et comprendre l’implication individuelle de chacun dans la marche économique de nos sociétés. Pour cela, il fallait aller à la rencontre de toutes les personnes de bonne volonté qui souhaitaient faire partager leurs choix et leurs pratiques éthiques comme écologiques, et les diffuser. Faire connaître toutes les alternatives existantes pour consommer moins en consommant mieux, réduire son impact néfaste tant énergétique qu’humain et économique dans notre quotidien.

– En quoi Nuit Debout vous a aidé à mieux faire connaître votre combat ?

Nuit Debout a permis de propager un discours auquel de plus en plus de personnes sont sensibles mais qui se heurte, au quotidien, à une sorte de fatalité contre laquelle il faut lutter. Ce fatalisme se résume souvent à cette phrase : « Mais est-ce que je peux vraiment changer seul les choses ? » Elle revient souvent dans les ateliers et nous sommes là pour rappeler la philosophie du colibri ou l’image de l’océan constitué de milliards de gouttes d’eau. C’est cela le plus difficile : ne pas se décourager, même face aux nombreux sceptiques et réfractaires victimes du discours médiatique ambiant. Ouvrir les yeux sur sa propre responsabilité et donc sur sa propre capacité à changer le monde en commençant par se changer soi-même.

– Que retiendrez vous de ces 100 jours d’occupation sur la place ?

De ces 100 jours, c’est hélas un goût un peu amer qui nous reste. Alors que nombre de Commissions font un travail de titan, la confrontation quasi quotidienne avec l’image que les grands médias construisent de Nuit Debout, le scepticisme voire le mépris ainsi véhiculé auprès des Français est parfois très difficile à vivre. Jeter l’éponge dans ce combat de David contre Goliath est certains jours une douce tentation. Mais nous nous rappelons aussi qu’à la fin, David gagne ! Et ce même si la « démocrature » est clairement installée par le gouvernement actuel au service des grandes multinationales.

– Avez-vous déjà prévu des choses pour la rentrée ?

Reprendre les ateliers, poursuivre la diffusion et le partage de meilleures pratiques de consommation et d’économies locales, éthiques, écologiques, collaboratives, participatives, tant sur la place de la République que sur internet.

– Une anecdote qui vous est chère ?

Lors d’une AG, alors que nous rappelions l’idée directrice de la Commission selon laquelle chacun doit faire sa part, une jeune femme parmi les personnes assises a ironisé : « Humm, j’aime qu’on me fasse la morale ». Nous avions donc mis le doigt sur le vrai problème. Oui, notre participation individuelle à cette économie relève d’une morale, d’une éthique, individuelle et collective. De même que l’adulte est chargé de l’éducation morale de l’enfant, chacun de nous a le devoir de sortir du politiquement correct et de signifier à qui participe au sale monde dans lequel nous vivons qu’il doit analyser ses choix, en comprendre les conséquences et les implications, et les réformer. Parce que nous croyons à un bon sens universel, nous refusons le relativisme culturel et économique ; non, l’Afrique n’est pas condamnée à mourir de faim alors que les multinationales pillent ses richesses et engraissent ses dirigeants. Non, le sous-continent asiatique n’est pas condamné à être le sous-traitant perpétuel et misérable des grandes marques de prêt-à-porter bon marché. Non, l’Indonésie n’est pas condamnée à détruire ses forêts pour fournir le monde d’huile de palme cancérigène. Et nous sommes tous responsables. Chacun de nous est responsable.

Lors de la même AG, alors que nous venions de demander qui dans l’assistance n’avait aucun produit chimique de L’Oréal chez lui, une vingtaine de doigts se sont levés. C’était sans savoir que ce géant de l’industrie cosmétique comprend des dizaines de marques et sous-marques telles que Kérastase, Carita, Elsève, Studio Line, Garnier, Cadum, Cleopatra, Daniel Hechter, Dop, Fluoryl, Franck Provost, Jacques Dessange, Jean Louis David, Mennen, Narta, Ushuaïa, Vittel, Lancôme, Guy Laroche parfum, Biotherm, Cacharel, Ralph Lauren, Paloma Picasso, Helena Rubinstein, Giorgio Armani, Diesel, Yves Saint Laurent, Vichy, Roger & Gallet, The Body Shop, Sanofi…

« Chaque fois que vous dépensez de l’argent, vous votez pour le type de monde que vous voulez. » Anne Lappé.

Stéphane et Leïla

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