Un étudiant allemand interpellé quelques heures après son arrivée en France

Voltaire contre Leibniz

Josh, 23 ans, est étudiant en philosophie à Berlin. Il n’est affilié à aucun parti politique, ni de gauche ni de droite, et n’a aucun antécédent judiciaire. Comme beaucoup, il manifeste le 1er mai, sans violence. Il lit les théoriciennes féministes, comme Judith Butler, la philosophie du post-colonialisme, mais aussi Foucault, Sartre, Deleuze, Camus, et par-dessus tout il admire Voltaire. Mardi 28 juin, en marge de la manifestation contre la Loi Travail, il a été interpellé et placé en garde-à-vue pendant quarante-huit heures, dans des conditions « merdiques » (comprendre que sa cellule puait les excréments). Et son histoire est bien digne de Candide.

Josh a voulu venir en France pour observer les mouvements sociaux, et notamment les organisations politiques étudiantes. Il va en effet consacrer à ce sujet l’année prochaine un séminaire de recherche intitulé « 50 years of 68 » (50 ans de 68), qui ambitionne de saisir les mouvements sociaux, à la fois dans leur histoire, dans leur développement présent et d’envisager leur avenir. Il a d’ailleurs monté pour cela un projet de financement avec son université.

Tout naturellement, Josh prend contact avec un ami, actif à Nuit Debout à Berlin, pour venir observer sur le terrain les événements parisiens. A peine descendu du bus, il se dirige vers la porte Maillot, où il arrive au beau milieu de la manifestation : les déflagrations des grenades lacrymogènes et de désencerclement retentissent au loin, parmi les Black Blocs qu’il aperçoit dans la fumée. Restant sur le côté, Josh regarde passer les manifestants, admire les charges des CRS, à une distance rassurante, quand tout à coup il est saisi par derrière, étranglé par une prise aussi sûre qu’efficace. Impossible de respirer, impossible de résister. Josh se laisse faire, se laisse entraîner vers l’arrière, plus à l’écart encore de l’action déjà lointaine, se laisse menotter enfin, persuadé qu’il ne s’agit que d’un malentendu, qui sera bientôt dissipé. Comme Candide, à qui Pangloss a inculqué la philosophie de Leibniz (auteur de la Théodicée qui innocente Dieu des maux de la terre), il croit que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles, c’est-à-dire dans les rangs de la police française.

Candide ou l’Optimisme

On le laisse là, accroupi, les mains liées, ce qui au passage n’est guère commode. Puis on l’emmène, entre deux CRS tous les deux en armures, un devant, un derrière : comme ils n’avancent pas au même rythme, Josh se cogne dans celui qui marche devant – bing, ralentit, est heurté par celui qui marche derrière – bong, accélère, tamponne à nouveau le CRS de devant -bing, puis celui de derrière -bong, comme une boule de flipper, qui roule ; puis on le fait asseoir, tout seul dans une rue. Les agents remplissent un formulaire d’identification, et lui expliquent qu’il a lancé une pierre sur un CRS. Il répond que non, et s’attend à ce qu’on le relâche puisqu’il n’a rien fait. Mais au lieu de cela la police sans armure est arrivée, et au bout d’une heure et demie, l’emmène dans une voiture. Ils roulent vite, avec la sirène, et Josh trouve ça sympa, il voit des bouts de Paris. Ils roulent vers le nord à toute vitesse et tout le monde s’écarte. Au commissariat de Police, il partage sa cellule avec deux autres jeune gens, Hugo et Guillaume : eux aussi ont été ouillés. On leur a pris leurs lacets, leurs portefeuilles, leurs montres. Tous les trois sont emmenés ensuite dans une cellule plus grande où il y a davantage de monde. Puis, c’est l’heure d’un second tour de voiture, avec sirènes, mais vers le sud cette fois. On lui trouve un interprète allemand, qui se débrouille bien, mais ensuite remplacé par un interprète anglais qui ne traduit que la moitié des choses. L’interrogatoire dure cinq minutes : on lui demande combien de temps il comptait rester en France et ce qu’il est venu y faire, s’il a lancé la bouteille (c’est une bouteille maintenant, plus une pierre), et s’il a dissimulé son visage. Il répond toujours que non, poliment, avec le sourire. Il avait bien une écharpe, mais il n’en est pas question car l’homme qui a lancé une pierre, non la bouteille, sur l’officier, portait un masque. De ses lunettes et de ses gants, il n’est pas fait mention non plus. Josh est plein d’espoir et s’attend à ce qu’on le laisse partir. C’est alors qu’on lui annonce qu’il va devoir rester 24 heures. Tout n’est peut-être pas pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles.

Bottes
Bottes / Nuit Debout / DR

On le ramène dans la cellule avec Hugo et Guillaume : 4m2 pour trois. Il y a bien de petits matelas, mais seulement deux couvertures pour trois, et l’une des deux est trempée d’urine. Les policiers le laissent là pendant cinq ou six heures. La cage sent la pisse. Il n’y a pas de toilettes, ni d’eau courante, il faut demander aux policiers la permission d’aller aux toilettes. Il y a d’ailleurs un bouton dans chaque cellule, pour appeler, mais aucun ne fonctionne, ou personne n’y prend garde : pour se faire entendre, il faut frapper contre les murs, hurler… En fait les policiers ne viennent semble-t-il que pour amener de nouvelles personnes ou les faire sortir. On a beau crier personne ne réagit avant une demie-heure ou davantage encore. Enfin, on le suppose, parce qu’il n’y a pas d’horloge. Pas de livres pour passer le temps, c’est interdit. Comme il faut attendre des heures pour obtenir un verre d’eau, tout le monde souffre de déshydratation et de migraines. Quand finalement un officier de police apporte à Josh un verre d’eau, il ne lui dit pas « Merci Monsieur ». L’officier s’en offusque ; tout de même, la politesse… En guise de nourriture, on sert des tortellinis à réchauffer au micro-ondes. Au petit-déjeuner, c’est biscuits et jus d’orange. En lisant les indications nutritionnelles sur la boîte de biscuits, Josh calcule qu’on leur donne environ neuf cent calories, soit la moitié de la ration journalière recommandée pour un adulte. Tout le monde a faim, et l’odeur d’urine et de merde donne mal à la tête. Enfin, les vingt-quatre heures annoncées s’achèvent, et Josh s’attend à être libéré, mais on lui annonce que le procureur a décidé de le garder en détention pendant encore vingt-quatre heures. Cette fois, Josh se dit que vraiment le meilleur des mondes est assez merdique, et se met à protester, même assez bruyamment. Il refuse de signer le formulaire qu’on lui présente.

« La décision de vous garder en détention était politique. »

On lui propose alors de choisir entre voir un médecin, et voir un avocat. Persuadé qu’il n’a rien à se reprocher et n’a donc pas besoin d’un avocat, Josh choisit le médecin ; on lui explique que cela rallongera sa garde à vue. Mais pendant ce temps supplémentaire, les policiers ne font apparemment aucune recherche sur son dossier. En fait, ils ont acquis la conviction qu’il est un extrémiste nazi féministe. En attendant le médecin, Josh médite un peu. Il renonce à demander quoi que ce soit. Au bout d’un moment il réalise qu’il est dans l’hôpital d’une prison, des gens arrivent avec des blessures ouvertes ou autres : un Arabe, un Bengali, un vieil homme blanc. Il n’y a pas de matelas, alors Josh a hâte de retourner dans sa cellule pisseuse. Le médecin est gentil, lui donne de l’aspirine et un somnifère, ce qui en prison est considéré comme de l’or pur. Lorsqu’il retourne dans sa cellule, Hugo et Guillaume ont été relâchés. Ce nouveau coup dur entame son moral. Ensemble, pour tromper la faim, ils avaient parlé de ce qu’ils mangeraient en sortant de garde-à-vue : hamburger, sushis, cassoulet… et lancé avec ironie des commandes aux policiers chaque fois qu’ils amenaient une nouvelle personne : « Café et croissants, s’il vous plaît ! ». Maintenant, il n’avait plus personne avec qui jouer. L’ambiance était différente. Un des types qui furent amenés, arrêté pour possession d’herbe avait de graves problèmes d’estomac, il souffrait atrocement, et passa la nuit à taper sur les barreaux, en pleurant même parfois. On finit par l’emmener aux toilettes. Quand Josh se réveilla, il n’était plus là.

Enfin, Josh prit part à la confrontation avec le policier qui l’avait arrêté. C’était un jeune officier supérieur qui posait les questions, toujours les mêmes, l’air absent. Pourquoi était-il en France, pour combien de temps, avait-il lancé la bouteille… Mêmes réponses. On le ramena à sa cellule. Un des policiers, les yeux baissés, s’excusa en anglais : « je ne suis vraiment pas fier de ce que je suis en train de faire, la décision de vous garder en détention, vous et vos amis, était politique. » En partant, le policier lui fit un discret signe d’adieu. Il devait prendre sur lui pour faire son devoir et obéir aux ordres de sa hiérarchie. C’était à la fois réconfortant et exaspérant : il y avait bien quelqu’un d’autre qui pensait qu’on aurait dû le relâcher, et il avait raison d’être en colère.

Police
Police / Nuit Debout DR

Il croyait d’ailleurs en avoir terminé : il ne lui restait plus qu’à rencontrer le procureur de la république et il pourrait partir, n’est-ce pas ? Il se voyait déjà libre. Après quarante heures de garde à vue, il était certain qu’ils n’avaient rien contre lui. Hélas, ils avaient trouvé quelque chose.

Il s’était déjà revendiqué des sans-lacets, glorieux descendants des sans-culottes de 1789. On les lui rendit dans un petit sachet, ainsi que sa montre, mais il n’avait pas le droit de les remettre, et se promena donc en les tenant à bout de bras. Puis on les lui reprit tout aussi soudainement et sans explication. En écoutant les conversations des policiers, il comprit qu’il allait avoir droit à un procès : quelle surprise ! Il n’avait pas vu jusque-là l’utilité d’avoir un avocat, persuadé qu’il allait être relâché bientôt. Qu’à cela ne tienne, puisqu’il lui en fallait un, on lui en avait commis un d’office. Avant de le rencontrer, il passa vingt minutes avec une assistante sociale – c’était la procédure ordinaire – avec qui il rit de l’absurdité de son arrestation. Ils parlèrent de musique, elle lui demanda qui était son philosophe favori : plus que jamais c’était Voltaire, l’embastillé. Il avait encore la rage d’affirmer que tout allait bien, quand tout allait mal. Puis l’avocat arriva : l’entrevue dura cinq minutes. Le traducteur était à ses côtés.

L’avocat n’était pas très à l’aise : la juge devant qui il allait comparaître était notoirement excentrique, et apparemment on allait le présenter comme un activiste. Il était donc important qu’il se présente comme un étudiant en philosophie et cite le plus grand nombre d’illustres penseurs possible pour prouver sa bonne foi.

Humanisme ou absurdité ?

L’heure de sa comparution était incertaine. Il attendit dans une nouvelle cellule, qui avait des toilettes. L’avenir était rayonnant.

La gendarmerie vint le chercher, les types avaient l’air inquiets pour lui et confus, ils s’efforcèrent de parler football. Trois autres personnes comparaissaient, chaque audience durait trente minutes. Quand Josh arriva devant la juge, il n’avait rien mangé depuis vingt-quatre heures et sa tête le faisait atrocement souffrir. Il essaya, malgré la faim et la fatigue, d’expliquer qu’il était philosophe, venu observer les événements comme Sartre, Foucault, Camus avant lui. Citer des philosophes français était plus parlant que des phénoménologues allemands. Mais le procès prit un tour inattendu quand les deux tiers de l’audience furent consacrés à des questions… vestimentaires. En Allemagne, m’explique Josh, il est courant pour les artistes, les intellectuels, de s’habiller en noir. Quelle n’est donc pas sa surprise lorsqu’on lui demande s’il sait ce qu’est un Black Bloc1. Il ne sait pas. Comme l’expression serait d’origine allemande et qu’aucun Allemand n’est censé ignorer la culture de son pays, que ce soit le Faust de Goethe, les ballades de Tokyo Hotel, ou le vocabulaire des militants radicaux, la réponse de Josh est reçue avec des regards incrédules, et des hochements de têtes désapprobateurs. C’est un peu comme si un étudiant en philosophie de la Sorbonne ignorait qui est André Rieu2. Imaginez !

Le reste des questions est souvent purement rhétorique, et les accusations implicites. La juge interroge Josh comme à l’école primaire : « Savez-vous quelle unité sous le nazisme était vêtue de noir ? » Sans vouloir se résoudre à admettre ce qui est en train de se passer, Josh répond : « Les S.S. ». La juge poursuit son panorama de la mode totalitaire en évoquant les fascistes italiens. Josh fait un sans faute en indiquant qu’ils portaient des chemises noires. « Eh bien, voilà pour vous de quoi méditer, jeune homme », assène la juge d’un air entendu, toisant d’un regard haineux le t-shirt et le jean noir de l’accusé.

Cependant, la plupart de ces éléments n’apparaissent pas dans le compte-rendu d’audience, qui au lieu d’alterner questions et réponses, fait se succéder les réponses de Josh sans les questions posées, de sorte qu’on a l’impression, à la lecture du document, que le prévenu se livre très spontanément à une chronique fashion de l’extrême-droite européenne du siècle dernier pour expliquer son accoutrement.

Mais si l’on considérait, propose Josh, que le noir n’est pas associé aux S.S. mais à la philosophie ? Fort audacieux, vous en conviendrez : Marx, Nietzsche et Freud ne juraient que par le rose et le orange… La juge en convient. Josh regarde alors autour de lui : lier la couleur noire aux S.S. n’a pas de sens : savez-vous qui d’autre porte du noir ? Les juges ! Échange de regards embarrassés dans la salle. Mais la magistrate ne perd pas le nord : « Vous avez tort ! Les philosophes s’habillent en blanc ! », s’écrie-t-elle, d’un ton triomphal. La toge grecque étant passée de mode et peu pratique, elle ne peut que se référer aux chemises éclatantes de Bernard-Henri Lévy.

Cette démonstration ne serait rien sans les informations tirées du téléphone de Josh. Celui-ci, se sachant innocent, a très obligeamment fourni aux policiers les codes d’accès de son smartphone au moment où ils ont prolongé sa garde à vue : manière selon eux de montrer sa bonne volonté. Il ne s’est guère posé de questions. Les messages contenus dans l’appareil ne prouvent pas qu’il est un extrémiste, mais un de ses amis lui fait part dans un message de sa découverte des conférences d’un certain Institut du chaos, concernant des aspects théoriques de la notion de chaos, dans le cinéma, les mathématiques. Cet ami invite Josh à assister à une conférence, qui est suivie d’un barbecue. Ignorant le contexte, la juge déclara d’office qu’il était un membre de cet Institut du Chaos, que Josh décrit comme un groupe d’universitaires intéressés par des questions abstraites, et qui trouvent dans ces communications scientifiques l’occasion de partager des saucisses, des bières, et de la philosophie.

Quel institut pour quel chaos ?

Une rapide recherche du mot-clé « Institute of Chaos » nous amène en premier lieu sur la page web de sympathiques illuminés sous l’influence évidente d’un guru et de substances hallucinogènes diverses, et qui proposent un « portail dimensionnel » : vers quelle destination, on s’en moque, c’est tellement cool !

A full color brochure for the Institute of Chaos Studies and the Moorish Science Ashram in Ong’s Hat, New Jersey.

      YOU WOULD NOT BE READING THIS ARTICLE if you had not already penetrated half-way to the ICS. You have been searching for us without knowing it, following oblique references in crudely xeroxed marginal samizdat publications, crackpot mystical pamphlets, mail-order courses in « Kaos Magick »—a paper trail and a coded series of rumors spread at street level through circles involved in the illicit distribution of certain controlled substances and the propagation of certain acts of insurrection against the Planetary Work Machine and the Consensus Reality—or perhaps through various obscure mimeographed technical papers on the edges of « chaos science »—through pirate computer networks—or even through pure syncronicity and the pursuit of dreams. In any case we know something about you, your interests, deeds and desires, works and days—and we know your address. Otherwise…you would not be reading this.

Source : http://deoxy.org/inc2.htm

Traduction : « Vous ne seriez pas en train de lire cet article si vous n’aviez pas pénétré jusqu’à mi-chemin dans les études de l’Institut du Chaos. Vous nous avez cherché sans le savoir, en suivant d’obliques allusions dans des publications clandestines salement photocopiées, dans des pamphlets mystiques déjantés, des cours de Kaos-Magick par correspondance – des indices et une succession de rumeurs cryptées, répandues dans les rues par le biais de cercles impliqués dans la distribution de substances illicites et la diffusion de certains actes d’insurrection contre la Machine de Travail Planétaire et la Réalité Consensuelle ; ou bien à travers divers articles techniques obscurs mimeographés au sujet des frontières de la « science du chaos » ; à travers des réseaux informatiques pirates, ou simplement par l’effet de la coïncidence et de la poursuite des rêves.  Dans tous les cas nous savons quelque chose sur vous, vos centres d’intérêts, vos succès et vos désirs, vos travaux et vos jours, et nous connaissons votre adresse. Sinon, vous ne seriez pas en train de lire ceci. »

Entre les ressemblances avec la Matrice des Frères Wachowski (« Vous nous avez cherché sans le savoir ») et le vocabulaire ésotérique (« mimeographie », « samizdat », « Kaos-Magick »), l’allusion au poète antique Hésiode (les travaux et les jours), cette secte a de quoi faire pâlir d’envie les raëliens3, et évoque assez sympathiquement le film « The men who stare at goats » de Grant Heslov dans lequel des militaires américains tentent de faire exploser des chèvres par la puissance de la pensée en se soumettant à de puissants psychotropes.

En réalité, l’Institut du Chaos dont je viens de citer la page d’accueil, situé dans le New Jersey aux États-Unis, n’est pas celui auquel Josh a été invité, mais cela, ni les policiers ni la juge ne pourraient le savoir puisqu’ils n’ont procédé à aucune vérification. En fait, c’est un autre Institut für Chaos auquel il est fait référence dans le SMS d’invitation reçu par Josh. Domicilié à Berlin, celui-ci propose sur sa page facebook fort colorée le slogan « I’m stepping around in the desert of joy » (Je marche en rond dans le désert de la joie), un mot d’ordre qu’il paraît délicat d’attribuer à des skinshead néo-nazis.

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Institut du chaos

Il semble toutefois que ni les policiers ni la juge n’aient pris la peine de faire ces brèves recherches, qui leur auraient épargné le ridicule des questions suivantes : Josh était-il par exemple intéressé par le chaos en politique ? Décontenancé, l’étudiant en philosophie demanda, comme l’eût sans doute fait Socrate, à ce que la question soit clarifiée, étant donné son ampleur. La juge ne jugea pas bon de préciser. Afin de prouver sa bonne foi, Josh déclara qu’en tant que philosophe, sa curiosité s’étendait à tous les aspects d’un objet de pensée, et que par conséquent, oui, certainement, il serait intéressé par la notion de chaos dans le domaine politique, quoiqu’elle signifie.

Fort de ces deux arguments tout à fait originaux, à savoir que Josh était habillé en noir et qu’il appartenait à l’Institut du Chaos, la procureur plaida qu’il y avait là matière à purger six mois de prison ferme. Seule difficulté : selon Josh, l’Institut du Chaos n’est pas fiché par la police allemande comme un groupe extrémiste.

Prison ferme pour cause de curiosité

Quant à l’accusation de jet de pierre ou de bouteille sur un officier de la force publique, la rétractation sur la nature du projectile suffit à elle seule à jeter le doute sur la clarté d’esprit d’un CRS qui assure qu’il a reconnu le prévenu parmi tous les autres manifestants parce qu’il était le seul entièrement vêtu de noir. Comme l’écrivit en son temps Émile Zola en évoquant les experts graphologues du procès Dreyfus dans sa lettre « J’accuse », une visite chez l’ophtalmologiste s’impose.

Et pourtant. Après délibération, Josh, présenté comme un extrémiste nazi, a été condamné le 30 juin à 8 mois de prison avec sursis, et trois ans d’interdiction de venir à Paris !

Là où les choses deviennent absurdes, c’est lorsque Josh affirme avoir régulièrement participé à des manifestations antifascistes. Surtout, la juge ne semble pas avoir tenu compte de l’ascendance du prévenu, dont la mère est juive. Lui-même est enregistré officiellement dans les registres de la communauté juive de Darmstadt. Cette accusation d’être un nazi le touche donc au plus profond de son être.

Évidemment, Josh a décidé de faire appel de cette décision fondée sur des représentations fantaisistes et des preuves matérielles inexistantes. Il a pu se rendre place de la République pour assister à l’Assemblée Populaire de Nuit Debout, et a même été interviewé par Mehdi de TV debout.

Pour cette première visite à Paris, Josh aura donc pu faire l’expérience de l’hospitalité exceptionnelle de la police française, et en tirer une leçon philosophique essentielle : quand on sort de prison, et qu’on s’attable devant une pizza, une bouteille de Coca-cola et une glace au chocolat, notre monde semble soudain bon, plus que bon, même : c’est le meilleur des mondes possibles.

Mathieu

Retrouvez l’interview de Josh sur TV debout

1Le Black Bloc désigne autant une tactique de manifestation, une forme d’action collective que des groupes d’affinité aux contours contingents. Avant et après une action, un Black Bloc n’existe pas. Sans organigramme, ni figures centralisées, il est principalement constitué d’individus, sans appartenance formelle ni hiérarchie, tout de noir vêtus pour se fondre dans l’anonymat. Il est formé principalement d’activistes issus des mouvances libertaires. Il est courant de remonter ses origines aux autonomes allemands de Berlin-Ouest au début des années 1980. Le terme de Black Bloc provient de la Stasi qui surnommait ainsi ces petits groupes d’anarchistes ou d’autonomes, cagoulés et vêtus de noir. (source : Wikipédia) L’expression Black Bloc est utilisée pour désigner certains éléments du cortège de tête qui marche en avant des syndicats lors des manifestations.

2André Rieu : violoniste ringard affublé de jabots bouffants et ridicules, chantre du mauvais goût dans la musique romantique.

3 Le Mouvement pour l’accueil des Elohim créateurs de l’humanité a été fondé par le français Claude Vorilhon, dit Raël, en 1974. À l’origine, la doctrine du mouvement se base sur le contact qu’aurait eu Raël avec des extraterrestres techniquement avancés, les « elohim », qui auraient créé la vie sur Terre ainsi que plusieurs religions comme le christianisme, le judaïsme et l’islam. Par la suite, les croyances des adeptes se sont concentrées sur l’importance des avancées scientifiques et techniques et en particulier sur le clonage et le transfert de la conscience comme moyen d’accéder à l’immortalité. (source : wikipédia)

Crédits photos:

  • Bottes: Nuit Debout / DR
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  • République: Nuit Debout - DR

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