Récit de la journée de manifestation du 5 juillet : la dernière avant l’été ?

Ce mardi 5 juillet, j’ai voulu participer aux différents rendez-vous de la journée de mobilisation contre la Loi Travail. À 10 heures, l’inter-professionnelle d’Île-de-France s’est retrouvée à la Bourse du travail pour déterminer le programme du jour. Les participants ont notamment décidé de refuser les contrôles de la police avant d’aller en manifestation. Environ une heure après le début de la réunion, nous apprenons que cinq cars de CRS viennent de se garer sur la place de la République et s’apprêtent à intervenir.

Stupeur et inquiétude, l’Assemblée décide rapidement de se mettre en route vers la manifestation pour ne pas être prise dans un nouveau piège comme le 29 juin dernier (voir notre précédent article). À y repenser, je me demande ce qui peut bien amener quelques manifestants à se retrouver piégés si vite. Ces réunions inter-professionnelles sont probablement surveillées de très près par des agents débauchés auprès des meilleurs experts de l’anti-criminelle… Mais n’y aurait-il pas des affaires plus urgentes à traiter ? À quoi bon concentrer des services ultra-spécialisés sur quelques citoyens intègres qui refusent d’être fouillés comme des hors-la-loi ? Une question qui restera sans réponse.

Mais continuons de peindre le tableau de cette journée peu ordinaire.

Nous sortons donc de la Bourse du travail, puis prenons le métro pour nous rapprocher de la manifestation place d’Italie. Nous étions une centaine d’individus dans une rame de métro et avons été identifiés très vite. Arrivés là-bas, poursuivis par la police, nous décidons d’attendre ! En prenant un peu de distance, je me demande encore ce qui nous a pris…

Sept cars de CRS ont débarqué de nulle part : les policiers nous ont encerclés. Nous aurions dû être imprévisibles et irrationnels pour ne pas nous faire piéger… Contrôles d’identité, coups de pression, fouilles au corps etc.

Rappelons ici que nous avions décidé dans la matinée de ne pas nous faire contrôler, raison pour laquelle nous avons choisi de forcer le barrage. Sans arme autre que notre volonté, nous avons foncé droit sur eux. C’était la chose la plus téméraire à faire. Avec un peu de distance, je me demande ce qui nous a poussé à nous jeter sur un important dispositif de sécurité, peloton de CRS et murs anti-émeute. Mais le plus surprenant, c’est qu’au bout d’une heure, et grâce au soutien des manifestants qui avaient déjà passé le barrage, nous avons réussi à passer sans contrôle. Notre courage a porté ses fruits : une petite victoire.

Le soir, après le défilé, nous avons voulu faire un rassemblement devant l’Assemblée nationale, pour ennuyer les députés qui votaient la loi Travail. Nous nous sommes rapidement retrouvés « nassés » par les CRS sur le pont de la Concorde, serrés les uns contre les autres comme un troupeau dans un enclos. Ayant été expulsé de la grande nasse qui contenait les manifestants, j’ai retrouvé l’équipe de Gazette Debout sur les quais de Seine, sous ce même pont, pour lancer des bouteilles d’eau aux manifestants qui n’avaient pas bu depuis des heures. Plusieurs passants se sont joints à nous. Cette solidarité entre les manifestants est désormais une force. C’est dans ces moments-là que je me rends compte que la mobilisation contre la loi travail nous a coûté beaucoup d’énergie, et pourtant, ces dernières semaines furent les moments les plus engagés de notre vie.

Nous nous engageons tous énormément pour défendre des valeurs qui sont les nôtres, les droits et les lois qui font la société. Nous avons besoin de construire ce que sera notre avenir. Chaque jour, nous avons apporté un peu plus de nous-mêmes. Lorsque parfois, nous avons le sentiment d’avoir « fait tout cela pour rien » il faut se rappeler que nous avons lancé un mouvement, une nouvelle force. Et cette énergie folle n’est pas prête de s’épuiser !

Je sens chaque jour un peu plus la puissance qui s’élève, c’est une certitude.

J’entends dire que les manifestations sont en train de se transformer. Que deviendront-elles demain ? De plus en plus, les citoyens manifestent pour revendiquer leur liberté, montrer leur volonté de défendre leurs droits. C’est un changement historique, et ça laisse présager de belles surprises.

Alan pour Gazette Debout