L’Afrique du Sud envoie un message de soutien à Nuit Debout.

NUIT DEBOUT PARTOUT – Nous sommes un groupe de travailleurs, de jeunes, de soldats d’Afrique du Sud, et nous vous adressons nos meilleures salutations révolutionnaires. Votre soulèvement est une source d’inspiration pour nous et pour l’ensemble de la classe ouvrière mondiale. Votre programme pose les questions centrales auxquelles nous sommes tous confrontés. Concrètement : la fin du chômage, les problématiques culturelles, et le fait que le système de production des richesses est aux mains d’une minorité de capitalistes.

En Afrique du Sud aussi, les capitalistes nous avaient promis plus de travail grâce à des lois instaurant toujours plus de flexibilité. C’était un mensonge. En 2008, plus d’un million de travailleurs ont perdu leur emploi. Beaucoup d’autres ont été licenciés et réembauchés à des salaires inférieurs et sans cotisation retraite ni assurance maladie. Tous les secteurs étant touchés, il n’y a donc pas eu de front uni, et les leaders syndicalistes n’ont rien fait; ils ont laissé la classe ouvrière se faire laminer. Aujourd’hui, l’Afrique du Sud a le taux d’emploi le plus bas d’Afrique malgré son niveau de développement prétendument élevé. Seules 40% des personnes en âge de travailler ont un emploi. Comment peuvent-on affirmer qu’augmenter la durée du temps de travail crée plus d’emploi ? C’est absurde.

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Nous soutenons votre programme, et nous allons en discuter avec d’autres groupes locaux pour l’adapter et le promouvoir en Afrique du Sud, dans le reste du continent africain et au-delà. L’Afrique est principalement divisée entre l’impérialisme français et l’impérialisme américain. Nombre de guerres africaines sont issues des rivalités entre impérialismes français et américain, ce dernier étant en passe de l’emporter. Malgré cela, comme en République Centrafricaine en 2013 par exemple, ces deux impérialismes œuvrent ensemble contre les peuples. Plus de 50% de la bourse de Johannesburg est aux mains de corporations anglo-américaines, qui ne sont que des extensions de la banque JP Morgan Chase. L’impérialisme britannique est encore influent, mais a été presque entièrement remplacé par l’impérialisme américain. La plupart des mines d’or sud-africaines sont contrôlées par la Bank of New York. Ces impérialistes contrôlaient déjà l’Afrique du Sud du temps de l’apartheid (capitalisme esclavagiste) et la contrôlent encore. Le gouvernement de l’ANC n’est que le nouveau gestionnaire.

Pour nous, l’exigence centrale, celle qui inclut toutes les autres, est donc l’expropriation sans compensation de tous les biens impérialistes, qui doivent être placés sous le contrôle des travailleurs, en commençant par les mines, les banques et les grandes exploitation agricoles.

Nous n’avons pas oublié que la révolution portugaise de 1975 (même si elle fut défaite ultérieurement) a mené au renversement, certes partiel, de la domination coloniale directe, et fait reculer le capitalisme en Angola et au Mozambique. De même, une victoire de la classe ouvrière en France libérera toutes les colonies et néo-colonies de l’impérialisme français, tout en inspirant les peuples du reste du monde colonial. Nous dépendons de votre victoire; de ce fait, nos destins sont liés.

Tag : "A la fin"
Tag : « A la fin »

Comment faire avancer la lutte ?

Aucune lutte n’est statique; toutes ont besoin d’avancer, sinon le mouvement social risque de s’isoler du reste du peuple. Il n’y pas de forme absolue d’organisation : elle doit s’étendre et s’adapter à des circonstances variables. Il importe également de tirer des enseignements des autres luttes. Il semble qu’une grève générale se profile à l’horizon. La question est donc de savoir comment renforcer la voix de la classe ouvrière dans les assemblées, et comment transformer les assemblées en centre de lutte. Il faut donc, si ce n’est déjà été fait,  organiser des comités ouvriers sur chaque lieu de travail – des assemblées générales de tous les travailleurs, quelle que soit leur affiliation syndicale, qui élisent partout un comité ouvrier. Ces comités ouvriers enverront des délégués dans les assemblées existantes et, là où elles n’existent pas, dans celles à venir.

Il convient d’envisager de donner uniquement un droit de vote consultatif aux membres des assemblées qui ne seraient pas des délégués de comités ouvriers. Les chômeurs des comités de quartier devront également obtenir un droit de vote dans les assemblées. Ces assemblées devront être coordonnées nationalement par une structure qui centralisera les actions et les étapes suivantes de la lutte. Cette structure devra être composée de délégués responsables devant les assemblées et révocables immédiatement par elles. Cette structure doit être indépendante du leadership syndical, même s’il est possible de donner aux syndicalistes présents un droit de vote consultatif. Ces assemblées devront décider du moment où le programme sera porté devant les patrons et le gouvernement.

(Vous gagnriez à chercher activement des personnes capables de présenter une critique minutieuse de la Commune de Paris (1871) et du soulèvement étudiant et ouvrier de mai 1968 en France.)

Portrait 08
Assemblée Nationale, 71 Mars – Cyrille Choupas – DR

Quelques leçons grecques

1. Les assemblées étaient amorphes et dominées par la classe moyenne.

2. Le parti communiste a divisé l’action de la classe ouvrière, organisant souvent des actions séparées et allant jusqu’à protéger le parlement du peuple en colère (ne pas oublier que le quartier général de la Fédération Syndicale Mondiale, guidée par le PC, se trouve en Grèce).

3. Les syndicats ont appelé à une seule journée de grève, en espérant que le peuple se lasserait et finirait par accepter le programme du FMI et de la BCE.

4. Quand les grèves les plus dures ont eu lieu, le manque de coordination avec les travailleurs du transport a empêché des centaines de milliers de manifestants de rejoindre Athènes.

5. Grève « à la maison » ou grève d’occupation du lieu de travail ? Les leaders syndicaux ont emmené les grévistes en dehors des lieux de travail. En faisant cela, ils perdent un moyen de pression et se mettent à la merci des patrons : à part la construction de barricades, ou si celles-ci sont démantelées, la seule possibilité est l’occupation du lieu de travail. Cela pose la question de savoir qui est le véritable propriétaire des moyens de production – le travailleur ou le capitaliste. Évidemment, l’occupation des lieux de travail nécessite un renforcement adéquat et entraîne la menace de la répression étatique. Nous connaissons aussi la brutalité de l’État envers les manifestants et la distance que prennent les leaders syndicaux avec la “violence”. Il faut donc des comités d’autodéfense, responsables devant les assemblées.

6. Les principaux groupes de gauche grecs ont formé la coalition Syriza et intégré le parlement; puis ils sont devenus le gouvernement et ont poursuivi les attaques contre le peuple. Il faut donc que les assemblées conservent leur caractère extra-parlementaire – elles constituent de fait un nouveau pouvoir, en opposition au pouvoir parlementaire et mille fois plus démocratique. Les sénateurs pro-business et corrompus ont décidé de voter une loi rejetée par plus de 75% du peuple. Ce parlement n’est donc rien d’autre que la dictature d’une poignée de capitalistes.

Portrait 06
Comme des lapins, Manifestation Denfert-Rochereau 78 Mars – Cyrille Choupas – DR

Quelques enseignements du mouvement Occupy Wall Street

1. Wall Street, place boursière capitaliste et un symbole de l’exploitation, est devenue un lieu de mobilisation. Est-il possible de faire la même chose à la Bourse de Paris ?

2. Les prix très élevés de l’immobilier ont donné naissance à des villages de toile un peu partout aux USA.

3. Les anciens combattants, en particulier ceux de l’invasion de l’Irak (2003), ont pris ouvertement fait et cause pour le mouvement et organisé leurs propres manifestations, allant jusqu’à jeter leurs médailles en signe de protestation. Il est important d’être présent aussi dans les rangs de l’armée, d’écouter ses exigences et d’essayer de la rallier à la cause du soulèvement.

Quelques enseignements de la place Tahrir

1. Le mouvement est parvenu à renverser le vieux dictateur Moubarak, mais le peuple était trop inexpérimenté pour prendre le pouvoir par lui-même.

2. Une partie de la gauche a soutenu la prise du pouvoir par l’armée. Celle-ci est sous contrôledirect de l’impérialisme américain, et le régime actuel est, par bien des aspects, pire que celui de Moubarak.

3. Le peuple conteste la nouvelle dictature, mais vit en état d’urgence permanent.

Galerie Borenstein

Quelques enseignements de la guerre en Syrie

1. Nous avons tous de nombreuses leçons à tirer de la lutte du peuple syrien.

2. Là où le peuple menace de s’emparer du pouvoir, les impérialismes déchaînent leurs forces. Les impérialismes mettent alors leurs différends de côté afin de s’unir contre les peuples.

3. Ils tentent d’infiltrer à tout prix des provocateurs au sein du mouvement pour le pirater et le détourner. Daech et d’autres puissances terroristes peuvent alors se déployer tandis que les fascismes à la Le Pen se renforcent.

4. Les puissances nationalistes de tout acabit se mobilisent pour attaquer l’unité des mouvements.

5. L’état d’urgence n’a rien à voir avec Daech; en réalité, il fournit à l’État les moyens de briser les résistances.

Quelques enseignement de la situation en Afrique du Sud

1. Nous avons envoyé le 16 juin un document soulignant quelques-unes des leçons à retenir de notre lutte.

2. Depuis 1994, le paysage politique est dominé par les partis nationalistes; alliés à l’impérialisme, ils ne diffèrent que par leur rhétorique.

3. Le massacre de la mine de Marikana est emblématique de cette période, durant laquelle la plupart des partis dominants ont été impliqués dans des massacres.

4. Durant les années 80, les syndicats et les leaders de la lutte de libération nationale ont été portés par le mouvement révolutionnaire; par la suite, les leaders nationalistes ont prafité de la lassitude du peuple pour conclure un pacte avec l’impérialisme.

5. Une étude de 2015 montre que plus de 60% des membres du Cosatu, la principale fédération syndicale, voulaient rompre avec l’ANC (African National Congress) et le SACP (South African Communist Party) et fonder leur propre formation politique. Le syndicat de la métallurgie NUMSA a été le premier à adopter une telle résolution, mais à présent, ses leaders empêchent le développement d’un nouveau parti de la classe ouvrière : ils veulent en faire un nouveau parti parlementaire et neutraliser à nouveau le peuple.

6. En 2012, des comités ouvriers spontanés se sont développés dans les mines, formés par des délégués des travailleurs (sans affiliation syndicale) et par des délégués de communautés voisines. Les patrons ont alors poussé un nouveau syndicat qui, en l’espace de quelques mois, a écrasé les comités indépendants et mis en place de nouvelles structures syndicales. Ainsi, ce qui était une révolte contre le système capitaliste ultra-exploiteur a été transformé en lutte entre syndicats.

7. La révolte politique s’est poursuivie l’année dernière dans toutes les universités avec le mouvement #feesmustfall (contre les frais d’inscription trop élevés dans les universités). Dès le début, ce mouvement a tiré sa force de l’alliance entre étudiants et travailleurs. Quand les parents ont commencé à y entrer, le régime a rapidement satisfait leurs exigences afin de calmer la révolte. Dans le même temps, il y infiltrait des agents provocateurs qui ont incendié des bâtiments et poussé des étudiants inexpérimentés à se trnasformer individuellement en casseurs. L’État a saisi ce prétexte pour déchaîner sa brutalité sur le mouvement, dont plusieurs membres ont été poursuivis pour délits graves tandis que d’autres étaient suspendus ou renvoyés de leur université.

8. Il existe de nombreuses révoltes pour le droit au logement, mais elles restent distinctes du mouvement syndical.

9. Il existe beaucoup de luttes différentes; par exemple, celle des individus qui réclament justiceaprès avoir perdu des parents sous le régime de l’apartheid.

10. Plusieurs luttes sont en cours, dans les mines et dans d’autres secteurs. La révolte est de basse intensité mais peut exploser à n’importe quel moment.

11. Pendant des années, le Zimbabwe a été le théâtre d’une révolte importante, jusqu’à atteindre une situation révolutionnaire. Les généraux ont fui quand les hommes du rang ont pris fait et cause pour le peuple. Hélas, la gauche a transformé cette révolte en parti parlementaire, et en arrivant au pouvoir, elle a tourné le dos au peuple. Aujourd’hui, le vieux dictateur Mugabe est de retour, tout sourire.

En conclusion :

Si nous avons retracé ces événements, c’est parce que nous souhaitons que vous réussissiez. Nous espérons que vous en tirerez des leçons et que vous commettrez le moins d’erreurs possible. À partir du magnifique programme que vous avez adopté doit se développer un nouveau parti révolutionnaire de classe, à la fois national et international. Notre rêve est de marcher avec vous. Ce parti doit être anti-parlementaire, à savoir opposé à l’idée que le système parlementaire serait un moyen de réaliser le socialisme. Il n’est pas exclu qu’il puisse de temps en temps bénéficier d’une plate-forme parlementaire pour dénoncer le parlement lui-même. Mais c’est un autre débat.

L’important, pour la révolte française actuelle, est la nécessité de se renforcer via la grève générale et la prise du pouvoir par la classe ouvrière. Nous espérons que cette contribution servira à faire avancer votre/notre lutte.

Bien à vous dans la lutte pour le Socialisme.

Voir le message sur Facebook.

Pour le Workers International Vanguard League/Party (Mouvement trotskiste sud-africain)

workersinternational@gmail.com

Message traduit par Julien pour GAZETTE DEBOUT.

Crédits photos:

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  • Portrait 06: Cyrille Choupas /DR
  • People have the power: Daphné Borenstein
  • Commission: Francis Azevedo

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