La Bourse du Travail assiégée : où est la liberté de manifester ?

Certains s’étonnent de ne pas avoir vu beaucoup de sympathisants de Nuit Debout dans le cortège de tête de la « grande » manifestation du 28 juin à Paris. Mais ce qu’ils ne savent pas, c’est qu’une partie d’entre eux était retenue à la Bourse du travail depuis le matin de la mobilisation.

28 juin Bourse
Nasse – Alan Nuit Debout – DR

La journée, qui devait commencer par une réunion, s’est très vite transformée en journée-symbole. La police a bloqué la sortie de la Bourse du Travail, certainement pour éviter que ses occupants ne rejoignent le lieu de la manifestation. Une belle embuscade ! Les manifestants qui voulaient sortir se sont retrouvés assiégés. Dans la précipitation, ils ont décidé de rester à l’intérieur du bâtiment pour exprimer leur indignation. Ils étaient alors plus d’une centaine.

28 juin Bourse
Devant la bourse du travail – Alan Nuit Debout DR

Pour les soutenir, un appel à rassemblement devant la Bourse du travail a été lancé en début d’après midi, et des centaines de personnes y ont convergé tout au long de la journée. Cette grande solidarité a permis de mettre la police en difficulté. Il y a eu d’abord cette première nasse, retenant les manifestants à l’entrée du bâtiment. Un ballon a été lancé en l’air pour faire le lien avec eux. De la nourriture leur a été apportée pour tenir le siège. Puis une seconde nasse a pris racine pour empêcher l’attroupement des citoyennes et citoyens qui arrivaient. Enfin, après l’arrivée de nouveaux manifestants, les policiers ont reçu l’ordre d’évacuer en gazant une partie du périmètre, puis ont finalement laissé passer les arrivants.

28 juin Bourse (cartebt)
Carte des Nasses devant la Bourse du Travail. Alan Nuit Debout – DR

En cette fin de journée particulièrement tendue, l’Assemblée populaire a décidé de se réunir au sein de la Bourse du Travail. Il y avait comme un goût de victoire dans l’air. Et le sujet principal était clair : « Nous avons décidé que le cortège de tête avait besoin d’un lieu pour se retrouver. »

Le cortège de tête s’est créé il y a quatre mois. Il réunit étudiants, chômeurs et salariés qui ne sont pas forcément syndiqués. Il est l’un des plus imposants cortèges pendant les manifestations sociales. Il étonne par sa diversité et son indépendance. C’est aussi celui qui est souvent considéré comme étant le plus engagé et le plus déterminé. On y retrouve notamment de nombreux.ses nuitdeboutistes. « Ces quatre derniers mois, nous avons créé une identité qui dépasse les syndicats. » Une nouvelle convergence est en marche. Elle appelle à la démocratie et au dépassement des désaccords habituels.

28 juin Bourse
A l’intérieur de la bourse du travail Alan Nuit Debout – DR

« On est en train de nous mettre une laisse. Si on accepte maintenant, c’est pour toujours », déplorent les participants à l’intérieur de la Bourse. Il apparaît de plus en plus clairement que les ordres donnés à la police nationale ont des visées purement partisanes et unilatérales. La parole libérée exprimait l’indignation et l’amertume. La liberté de quelques-uns de s’exprimer n’est plus autorisée à tous les autres, et c’est ce qui amène ces voix citoyennes à sortir du silence : « La répression fait qu’on est isolés. »

Certains expliquent la baisse de fréquentation des manifestations par la crainte d’être fouillé et emprisonné. Il est vrai que ces dispositifs impressionnants et ces arrestations en série ont un effet démoralisant sur tous les Français. « L’objectif du gouvernement, c’est d’interdire le cortège de tête. »

« Moi, j’étais là depuis ce matin. Je ne m’attendais absolument pas à ce que la Bourse du Travail soit encerclée ! », nous explique une manifestante. Le problème, c’est la solidarité entre nous. Je demande à tous un peu plus de solidarité, de fraternité et de courage. »

Et si les arrestations récentes étaient plus politiques que légitimes ? Comment faudrait-il réagir ?

Alan pour Gazette Debout

Crédits photos:

  • 28 juin Bourse: Alan Tréard / DR
  • 28 juin Bourse: Alan Tréard / DR
  • 28 juin Bourse (cartebt): Alan Tréard / DR
  • 28 juin Bourse: Alan Tréard / DR
  • 28 juin Bourse: Alan Tréard / DR

Alan Tréard

Auteur, reporter pour la Gazette debout.


4 réactions sur cet article

  • 29 juin 2016 at 12 h 24 min
    Permalink

    Ce pays n’est malheureusement pas une démocratie, et ce type d’exactions étatico-policières et bien d’autres qui ont lieu tous les jours ne sont pas prêtes de s’arrêter !
    Arrêtons d’accepter nos chaînes et de nous soumettre gentiment au discours médiatique et politicien en parlant/pensant de « citoyen » et de « notre démocratie », CE PAYS N’EST PAS UNE DEMOCRATIE, il faut donc vraiment en tenir compte dans toutes nos déclarations, toutes nos actions et tous nos objectifs.

    Je sais que c’est dur à accepter, mais mieux vaut essayer d’être lucide sur la réalité : hélas la France n’est PAS démocratique, et ne l’a jamais été.
    D’ailleurs, comment une véritable démocratie pourrait-elle exister dans un système capitaliste qui pousse tout le temps et partout à l’égoïsme et à l’individualisme, et où tout le monde est en guerre contre tout le monde pour les terres, la propriété, les jobs, les meilleures places ! Toutes choses qui rendent impossible une société apaisée capable de décider collectivement et démocratiquement par consensus/consentement de ce qui est bon pour nous.

    Big Brother est à présent battu à plate couture par l’Etat français et son gouvernement non-démocratique !
    Face à ce totalitarisme qui se durcit, la résistance, la désobéissance, l’insurrection non-violente sont notre devoir.
    D’autant
    que plus on attend, plus ce totalitarisme va se durcir et se
    verrouiller…, menant peut-être à je ne sais quelle dictature ou
    néo-fascisme.
    Ce système non démocratique accuse et accusera bien sûr les résistants d’être des
    terroristes anti-démocrates violents et dictatoriaux qui ne supportent
    pas un gouvernement légal, élu et légitime qui réprime et enregistre des lois à coups de 49-3 pour notre bien malgré nous !
    Nous seulement il nous réprime et nous précarise, mais en plus il nous infantilise !

    Si on est nombreux, déterminés, organisés, sans armes (respectueux des personnes), il est possible de résister et de construire d’autres mondes. Le voulons-nous ?, où allons-nous rentrer dans le rang, et reprendre des emplois d’esclaves en septembre, puis se contenter de voter en 2017 comme des moutons pour les moins pires, les « votes utiles », ou les nouveaux opportunistes qui risquent de débarquer pour nous enfumer à coup de pseudo-démocratie participative et de soi-disant écoute des citoyens ?!

    Face à cette situation bloquée, il faudrait développer d’autres actions en complément de la grève (qui semble moins possible de nos jours pour diverses raisons) et des manifestations.
    Des assemblées permanentes s’appuyant sur les Nuit
    Debout, avec diverses formes d’occupations et de désobéissances collectives ? Des réquisitions de terres et de bâtiments pour pouvoir mieux s’organiser et commencer à produire/se loger autrement ?

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