Des nouvelles de Sébastien, grièvement blessé lors d’une manifestation sauvage
RÉCIT – Une centaine de personnes parties en manifestation sauvage depuis Ménilmontant pressent le pas ce jeudi 23 juin vers 20h. Plusieurs dizaines de fourgons de CRS se rapprochent et cela fait déjà une heure que la petite foule est partie, semant les forces de l’ordre à plusieurs reprises. Jusqu’à ce croisement où, dissimulés dans une rue adjacente, les CRS les attendaient, armés. Panique générale, les coups de matraque pleuvent, la foule se disperse.
Mais à l’angle des rues Saint-Maur et Oberkampf, Sébastien, fondateur de la commission SDF-Nomades à la Nuit Debout depuis le début du mouvement, qui courait en queue de manifestation à cause de son sac à dos, est visé par un CRS. Si tous les manifestants soutiennent la casse des vitres du siège de la CFDT, lui n’y a pas pris part, comme d’autres. Plusieurs coups de matraque à la tête et il s’effondre. Inconscient. Il recevra encore plusieurs coups aux jambes et dans le dos, ainsi qu’un sévère coup de pied de la part d’un deuxième CRS quelques secondes plus tard, comme l’attestent les vidéos tournées par des manifestants et des journalistes indépendants.
Une nouvelle vidéo montre le manifestant blessé hier prendre des coups de pied et de matraque. #manifsauvage #Paris pic.twitter.com/w9RaRjNZEF”
— Anthony Gonzalez (@AnthoGonzalez56) 24 juin 2016
Quelques heures plus tôt, le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve félicitait chaudement les forces de l’ordre pour leur encadrement de la manifestation Bastille-Bastille, qui se limita à un double tour du bassin de l’Arsenal. Prouesse de maintien de l’ordre s’il en est.
Salle d’attente
“Ils s’en sont manifestement pris au plus faible”, dénonce un participant à la manifestation non déclarée. Sébastien n’est pas un habitué des actions coup de poing. Il a été reçu il y a un mois avec une délégation à l’Hôtel de Ville avec l’association pour le Droit au logement (DAL) afin de demander l’hébergement d’une trentaine de SDF, dont plusieurs familles. Il est bien connu des militants de la Nuit Debout puisqu’il est tous les jours sur la place de la République et intervient régulièrement en AG pour parler de la situation des SDF.
La commission qu’il a fondée est son premier engagement associatif, et il nous avait confié qu’il se sentait “utile” et “content” de tenir le stand, malgré les deux ou trois euros maximum récoltés en moyenne dans sa caisse de soutien aux SDF.
Il est 23h30, une trentaine de personnes arrivent à l’entrée des visiteurs de l’hôpital Lariboisière. Des gens des commissions Sérénité, Infirmerie et bien d’autres. Ses amis. Il se trouve alors encore en salle d’attente, allongé. Il est conscient, mais réagit au ralenti. La chaleur est étouffante, le personnel hospitalier ne peut pas faire grand-chose. Au moment où ses proches s’apprêtent à partir, il articule distinctement : “La police est détestée par tout le monde”, en souriant.
Traumatisme crânien
Cette nuit il aura un toit, celui de l’hôpital. Le groupe de soutien juridique aux interpellés en manifestation Défense Collective >et ses amis lui conseillent de faire des radios pour porter plainte. C’est ce qu’il fera le lendemain. Bilan : une fracture au nez, sept points de suture sur la partie supérieure du crâne, une entorse au genou gauche avec une douleur allant du genou à la cheville et un traumatisme crânien à la zone “H4” qui le rend particulièrement vulnérable.
Précision : les analyses de sang montrent qu’il n’était pas alcoolisé au moment des faits. Il a d’ailleurs parfaitement distingué la matraque téléscopique qui l’a frappé à la tête, alors que seuls les tonfas sont autorisés à cet endroit. Mais surtout, s’il prend encore un coup sur la tête, c’en est fini de lui, expliquent les infirmiers. Enfin, ils lui annoncent qu’il lui faudra six mois à un an pour se remettre.
Nous le croisons deux jours plus tard place de la République ; il somnole, allongé sur le béton près de l’infirmerie, à côté des membres de la commission Coordination, qui gardent un œil sur lui. Il porte une attelle à la jambe gauche. Il se plaint d’un fort mal de tête qui ne s’estompe pas, et de pertes de mémoire.
Raphaël Georgy pour Gazette Debout
Pour mieux connaître Sébastien, voici la vidéo de l’une de ses interventions durant l’Assemblée Générale de Nuit Debout Paris, le 28 juin dernier. Il énumère sous forme de liste toutes les personnes sans abri décédées dans la rue.
Crédits photos:
- Manif 23juin sauvage – Seb: Street Politics / DR
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