Pérenniser l’état d’urgence dans le droit commun : la nouvelle « came » des parlementaires français

AVOCATS DEBOUT – Après la loi Urvoas et la loi sur la sécurité dans les transports en commun, respectivement soutenus par le gouvernement et l’Assemblée nationale, c’est au tour du Sénat de jouer la carte de la surenchère sécuritaire, à l’heure où nos libertés sont d’ores et déjà dans un triste état.

Le 24 mai 2016, un groupe de 86 sénateurs a déposé une proposition de loi dont l’objet tend « à garantir le droit de manifester paisiblement et à prévenir les troubles à l’ordre public ».

Que l’on ne soit pas dupe : si le titre est accrocheur, le contenu, lui, ne l’est pas. Il suffit d’ailleurs de parcourir les premières lignes de l’exposé des motifs [1] pour s’en rendre compte :

« Ces derniers jours, un certain nombre d’individus ont été empêchés de participer aux manifestations grâce à l’état d’urgence. Il faut graver dans le marbre de la loi ordinaire cette possibilité donnée aux préfets de mettre hors d’état de nuire les casseurs et les agresseurs des forces de l’ordre. »

Pour se faire, l’article 1 de la proposition de loi donne au préfet de police la possibilité de prononcer des mesures d’interdiction de manifester sur la voie publique à l’encontre de toute personne :

  • « ayant pris une part active dans un précédent attroupement en cherchant à entraver, par la force ou la violence, l’action des pouvoirs publics;
  • Impliquée dans la commission d’un acte de dégradation ou de violence à l’occasion de l’une de ces manifestations».

La mesure d’interdiction s’accompagne d’une obligation de pointer au commissariat du coin.

Cette mesure de police administrative n’est pas nouvelle. La loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence prévoit déjà une telle possibilité. C’est d’ailleurs sur cette base que plusieurs dizaines de personnes avaient reçu en main propre des arrêtés d’interdiction de manifester à Paris, Nantes ou encore Rennes, dans le cadre de la mobilisation contre la loi Travail.

Néanmoins comme son nom l’indique, l’état d’urgence est un régime spécial, qui par essence, n’est pas fait pour durer. Donner la possibilité au préfet d’user de pouvoirs exceptionnels en temps normal revient à transférer le régime spécial de l’état d’urgence dans le régime de droit commun.

En résumé, l’exception devient la règle. Et personnellement, je n’ai pas envie de vivre dans un état d’urgence pour le reste de mes jours.

Victor J, membre du collectif #Avocatsdebout

[1] En droit français, l’exposé des motifs est la partie d’un projet de loi ou d’une proposition de loi, ou d’un acte réglementaire, qui indique « de manière simple et concise, les raisons pour lesquelles ce texte est adopté/proposé, l’esprit dont il procède, les objectifs qu’il se fixe et les modifications qu’il apporte au droit existant. Source Wikipédia

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  • Manif 14 juin: Nuit Debout / DR

Une réaction sur cet article

  • 25 juin 2016 at 16 h 34 min
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    Bonsoir; quand on veut tuer son chien, on l’accuse d’avoir la rage. Donc la canaille politicienne criminalise les gens; c’est dire s’ils n’ont pas la tête tranquille, ils ont la trouille de nous.. C’est pourquoi, il faut ne faut pas cesser de les harceler; ils ne vont pas mettre toute la population hors la loi.. Ce sont elles et eux le danger, pas nous autres.. Il y a encore du boulot à descendre.. Salutations..

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