On y croit ! Quand l’espoir fait… lutter

TRIBUNE – Apparemment, gouverner par la peur ne suffit pas. Pourtant “ils” y mettent les moyens. Quitte à tout essayer, vite, quitte à laisser voir une sorte de panique, quitte à tout forcer, à tout piétiner, y compris leurs propres lois. Mais ça ne suffit pas.

Peur du flic et du juge, de la matraque et de la bombe, de la blessure, de l’arrestation, de la garde à vue et même de la prison, pour forcer le militant à se démobiliser, le gréviste à renoncer et le manifestant à rester chez lui ; peur de la précarité, du déclassement et du chômage pour forcer le salarié à se taire, à se soumettre ; peur de l’exclusion définitive, pour forcer le chômeur à accepter n’importe quoi. Même relayé par une presse complice, partisane jusqu’au grotesque, ça ne marche pas. Alors il leur faut encore monter d’un cran.

Il leur faut tuer l’espoir.

Parce que oui, il y a un espoir. Il y a la colère, le ras-le-bol, la souffrance des uns et des autres, la rage, l’écœurement, le sentiment d’injustice, oui, il y a tout ça. Mais aussi l’espoir, c’est indéniable. On ne saurait dire où il est né, ni quand ni comment : sans doute sur les places depuis mars… Mais c’est un vent qui souffle désormais partout de plus en plus fort. Et c’est une dynamique exponentielle : plus il y a de gens qui reprennent espoir, plus celui-ci se renforce. Et plus il se renforce, plus à son tour il entraîne de gens. C’est quasi “mécanique”, comme l’eau du bassin coule vers le robinet ouvert.

L’espoir et le nombre, à coup sûr une combinaison gagnante.

Parce que malgré la peur, la fatigue, le découragement, l’impression d’impuissance, dès qu’on sent une issue possible, un horizon, une porte de sortie, un moyen, une éventualité, une victoire à portée de main, l’énergie et le courage reviennent. On relève la tête. Et on voit qu’on est pas seul à le faire. Ce n’était pas l’envie qui manquait, c’était de sentir à nouveau qu’il était possible de faire quelque chose qui pouvait aboutir. C’était de pouvoir y croire. Il semble bien que c’est ce qui se passe. Et c’est une excellente nouvelle à une époque où tant d’entre nous ne croient plus à rien.

Manif 25 mai (6)
Manif 25 mai / Nicolas Lynx / DR

On a pu traduire ça autrement : inverser le rapport de forces, créer la convergence des luttes, un jargon politique et syndical qui peut être vite compris par certains mais pas d’autres, ou faire que la peur change de camp, ce qui est parlant mais pas toujours très concret dans l’esprit de tout le monde. Dans les deux cas, ça renvoie à une action, quelque chose que se décide puis se met en œuvre.

Il n’en est pas de même avec l’espoir. On ne choisit pas d’espérer. Ce n’est pas une démarche volontaire, si on veut bien mettre de côté l’injonction à la mode et au fond d’inspiration libérale à “positiver”. Non, il s’agit vraiment d’un espoir, qui naît en vous, qui prend corps peu à peu ou qui d’un coup vous habite. Vous avez vu, senti, compris quelque chose ou plusieurs choses qui mises bout à bout font qu’à nouveau vous vous dites : « Moi, j’y crois, je pense qu’on peut y arriver. » Cette pensée vous met en mouvement. Et c’est un mouvement plus sain, plus fort et plus porteur de se battre pour obtenir ce qui vous fait espérer que pour éviter ce qui vous fait peur.

Frédéric Lordon avait dit quelque chose dans cet ordre d’idées au tout début du mouvement Nuit Debout, en parlant de « recoloniser un imaginaire collectif ». De la convergence des luttes, donc, (des gens de milieu social et professionnel différent se rencontrant et s’organisant ensemble), à la solidarité concrète (soutiens des uns aux autres, caisses de grève), une image en effet prend forme qui montre que ça peut marcher. Que ça marche. Ce sera toujours un élément décisif.

Car si certains, parmi les plus téméraires, ou les plus menacés, peuvent se lancer dans la bagarre même sans garantie de réussite, d’autres, sans doute bien plus nombreux, se décideront d’autant plus si des résultats sont déjà visibles. Non par manque de courage mais parce que les risques pour tout un chacun sont réels et se doivent d’être sérieusement pesés. À ce moment précis du choix, l’espoir placé dans l’autre plateau de la balance peut la faire pencher.

L’espoir et le nombre. Aussi, il n’est pas étonnant que la stratégie à l’œuvre soit autant de marteler que le mouvement “s’essouffle” que de minimiser les chiffres jusqu’au ridicule. Mais le mur du mensonge devra s’élever bien haut pour contenir la vague qui s’est levée.

On pourrait paraphraser une citation connue : : « Ils ont senti que c’était possible alors ils l’ont fait. »

Bob Solo

Crédits photos:

  • Manif 25 mai (6): Nicolas Lynx / DR
  • Printemps: Nuit Debout / DR

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