« Si une manifestation à l’appel des syndicats est interdite, j’irai avec mon écharpe tricolore », Pascal Cherki, député.

INTERVIEW D’UNE FIGURE DE LA FRONDE – Jeudi 16 juin 2016, à l’Entrepôt (75014) Pascal Cherki, député de la 11ème circonscription de Paris, présentait son bilan en compagnie d’Anne Hidalgo, maire de Paris, et de Carine Petit, maire du XIVe arrondissement. Une occasion unique de lui poser des questions sur l’actualité liée à Nuit Debout.

Gazette Debout : Que pensez-vous des menaces d’interdiction qui pèsent sur les manifestations ?

Pascal Cherki : Je suis radicalement contre l’interdiction des manifestations. Si une manifestation à l’appel des syndicats est interdite, j’irai avec mon écharpe tricolore ! Bien sûr, il y a de la casse et c’est insupportable, d’autant plus que cette casse s’est passée dans ma circonscription. Les casseurs ne rendent pas service au mouvement social. Aujourd’hui, on ne parle plus de la loi travail, le débat est détourné. Cela me fend le cœur de vous le dire mais, en 2006, lors des manifestations contre le CPE, le ministre de l’intérieur de l’époque s’appelait Nicolas Sarkozy et il a pris des dispositions pour éviter les débordements. Par rapport à la gestion intérieure des manifestations, quand on veut, on peut !

GD : Que pensez-vous de Nuit Debout ?

PC : Nuit Debout révèle la profondeur de la crise démocratique dans notre pays, l’aspiration à construire un monde nouveau. C’est normal que les gens tâtonnent, qu’ils aient plus de questions que de solutions. J’y suis allé pour voir et écouter.

GD : Vous ne vous êtes pas fait virer ?

PC : Non. Nuit Debout est une expérience importante qui infuse, non pas tant par le nombre de personnes réunies place de la République que par ce que ce mouvement révèle. Il fait écho à la grande manifestation que nous avons eue après les attentats. Nuit Debout montre que nous souhaitons créer une identité collective ouverte et que nous refusons le monde que l’on veut nous imposer, fait d’affrontements entre les gens, de mises en concurrence des peuples, de dépérissement des acquis sociaux… Les gens ont envie de fabriquer du sens commun et de retrouver une part d’utopie. Cela est très bien porté par Nuit Debout. Ce n’est pas pour rien qu’un des moments les plus emblématiques est celui où un orchestre est venu jouer la Symphonie du Nouveau monde.

Pascal Cherki et Anne Hidalgo
Anne Hidalgo, supporter de l’équipe Cherki. Photo Gazette Debout – DR

GD : Pourquoi restez-vous au Parti socialiste ?

PC : Construire quelque chose de nouveau avant 2017 me semble compliqué. Dans une configuration où la droite et l’extrême-droite seront très fortes en 2017, il fallait qu’on se rassemble pour confronter nos idées. C’est pourquoi j’étais partisan d’une primaire. Il y a un risque qu’il n’y en ait pas, car aucun des appareils politiques n’en veut : Jean-Luc Mélenchon souhaite prendre le leadership de la gauche, Les Verts sont dans leur monde, les communistes sont un peu perdus et le Parti socialiste donne le sentiment de ne pas en vouloir car François Hollande a peur de les perdre. J’aurais aimé que les choses évoluent avant 2017 mais, auparavant, il va falloir mettre les gens face à leurs responsabilités. Les dirigeants politiques ne peuvent pas faire ce qu’ils veulent indépendamment des intérêts de ceux qu’ils ont à charge de représenter. Si on ne peut le faire avant, il faudra reconstruire, après, une maison commune de ce qu’on appelle la Gauche.

GD : Vous nommerez encore cela Parti socialiste ?

PC : Le débat ne sera pas de savoir ce qui se passe au PS. Il faudra fabriquer une maison commune avec un programme. Le PS est ma famille d’élection mais les partis sont des moyens, pas des fins en soi.

GD : Que pensez-vous des recommandations de la Commission européenne ?

PC : L’Europe a dérivé. Les libéraux ont perverti la construction européenne pour en faire un espace d’application de leur idéologie. Cela provoque des réactions de mécontentement, et d’ailleurs, quand ils sont consultés sur le sujet, les peuples expriment leur très claire désapprobation. Je suis pour une construction fédérale, progressive de l’Europe et pour qu’on donne un vrai pouvoir et un budget au Parlement européen. S’il n’y a pas de solidarité entre les riches et les pauvres, ça ne marche pas. Ce qui se construit actuellement, c’est un fédéralisme autoritaire. On a le sentiment qu’il y a une oligarchie qui, quoiqu’il se passe, n’en a rien à faire du peuple. Ce fait est incarné par la phrase de Jean-Claude Junker, président de la Commission européenne : « Quelles que soient les élections, ce qui importe c’est d’appliquer une politique ».

GD : Que pensez-vous de l’idée de démocratie participative ?

PC : C’est fondamental. La démocratie doit se déployer à plusieurs niveaux. Les élus doivent se comporter comme des représentants du peuple. Le souverain, c’est le peuple. La racine du mouvement frondeur est : « Je passe un contrat moral avec ceux qui m’ont élu. Si on me demande de faire le contraire, je ne suis pas d’accord ! » Par ailleurs, je crois qu’il faut faire un usage plus important du référendum, avec possibilité d’en faire une initiative populaire, qui se construise à l’échelon local et, pourquoi pas, national. Car les institutions de la Ve république sont faites pour évacuer le peuple de la prise de décision.

 Propos recueillis par Gazelle Debout pour GAZETTE DEBOUT.

NB : Écoutez la symphonie du Nouveau Monde à Nuit Debout en cliquant ici

Crédits photos:

  • Pascal Cherki et Anne Hidalgo: Gazette Debout / DR
  • Pascal Cherki: Gazette Debout / DR

Une réaction sur cet article

  • 19 juin 2016 at 16 h 30 min
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    Re-bobsoir les debout vents debout.. Là aussi et encore, les luttes ne doivent pas se faire à moitié ou à temps partiel.. Merci à ces député-es-s intègres et entiers; on s’en souviendra.. Dommage que cet idéal ait déserté les têtes des autres membres de la classe politique.. « Et cependant, Elle tourne.. Salutations..

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