Une « veillée » pas comme les autres place de la République

REPORTAGE – Notre reporter Alan a assisté à la rencontre entre les Veilleurs et les nuitdeboutistes place de la République. Voici son témoignage.
Mercredi 8 juin, les commissions étaient réunies sur la partie sud-est de la place de la République, pendant que se déroulait une scène inhabituelle tout à fait à l’autre bout – un débat entre des militants de bords politiques différents : les Veilleurs face à Nuit Debout.

« Nous ne souhaitons pas vous écouter ! Vous êtes dans une lutte réactionnaire ! Vous attaquez la liberté des femmes. Nous, nous nous battons pour que les femmes aient leur liberté ; vous, vous luttez contre l’avortement.
– Moi, je pense que la femme s’est fait piéger. On doit s’occuper des gosses, ça prend beaucoup de temps, et c’est tout.
– Je ne veux pas que les femmes soient opprimées, je ne veux plus vivre ça ! C’est à nous de déterminer ce que nous voulons faire de notre vie et de notre corps. »
Quand les Nuitdeboutistes rencontrent des Veilleurs, la tension est vive. Ce face-à-face a même été rapporté dans certains journaux. Les sujets de désaccord sont nombreux : le mariage pour tous, l’avortement, mais aussi le fonctionnement de la démocratie. Il est également reproché aux Veilleurs d’accueillir des pro-fascisme en leur sein. Bien qu’ils soient calmes et diplomates, les traditionalistes reconnaissent avoir dans leurs rangs quelques extrémistes peu enclins au dialogue. Jean, un Veilleur sexagénaire et défenseur du libéralisme, nous rétorque que « le fascisme, ça ne veut pas dire grand-chose ! » Il paraît difficile de réconcilier des adversaires politiques, surtout lorsque ceux-ci marquent des aspirations sociétales fondamentalement inverses. Quel dialogue pouvaient bien espérer les Veilleurs avec leur antonyme politique ?
 
« Il faut que nous montrions que nous existons », nous explique Charles, Veilleur depuis le début. « Nous nous réunissons souvent, et nous voulions cette fois-ci organiser un rassemblement sur la place de la République. Cette place est à tous les Français ! Nous avons besoin de dialoguer, sans quoi les tensions s’aggraveront. »
En réponse à ces grandes lignes de divergence, les Veilleurs ont été refoulés de la place et se sont finalement dirigés vers le quai de Valmy. Ce premier repli, qui a fait scandale chez les Veilleurs, n’a pas satisfait un petit nombre de participants de Nuit Debout (notamment celles et ceux qui s’engagent le plus férocement contre le fascisme).
Un groupe de quelques personnes a menacé les Veilleurs au bord du canal Saint-Martin. La rencontre s’est conclue par des échanges houleux.
Présente sur place, la streameuse Taupe Enragée s’est trouvée mal à l’aise : « J’ai dû arrêter mon Periscope pour ma propre sécurité. J’étais là pour poser des questions aux Veilleurs, pour les piéger sur certaines de leurs idées, parce que je pense que ça aurait eu mille fois plus d’impact que d’aller les taper. J’ai donc préféré couper, parce que c’est parti en live assez violent. Je ne souhaite pas que Nuit Debout ait une mauvaise image. Je suis quelqu’un de non-violent. Comment faire pour montrer des gens qui sont de mon côté, mais qui font parfois des choses que je réprouve ? Ça risque d’avoir un mauvais impact sur le mouvement, on va dire : « Aha ! Nuit Debout est un mouvement violent qui ne supporte pas la contradiction ». »
Depuis peu, une hésitation s’est instaurée entre deux regards sur le militantisme social ; tout le monde n’est pas d’accord sur l’usage de la force comme outil d’engagement. A Nuit Debout, il y a d’un côté la stratégie et la lucidité, de l’autre la virulence et la réactivité. Cette dichotomie entre force et parole n’est pas près de s’essouffler. Nuit Debout y sera à nouveau confrontée et devra peu à peu trouver des limites consensuelles entre les situations où on s’autorise la discussion et celles où on ne souhaite pas prendre de risques.
Alan.
Edit : un autre point de vue sur les Veilleurs à Nuit Debout à lire dans Street Press.

Crédits photos:

  • Photo 0379 « agir »: Alan Tréard / DR

Alan Tréard

Auteur, reporter pour la Gazette debout.


Une réaction sur cet article

  • 16 juin 2016 at 20 h 58 min
    Permalink

    Solidarité préventive!

    Devant les tribunaux à défaut de preuve on détermine l’intention de « casser » par le seul fait de venir à la manifestation avec des protèges tibias, un casque et un masque  » l’équipement complet du casseur »! Quand le prévenu se défend en arguant « je ne me sens pas en sécurité car j’ai vu des manifestants blessés grièvement à la tête ». Réponse de la justice :  » dans ces conditions il ne faut pas venir manifester ». Allons donc! Cela nous rappelle la réponse de Robert Pandraud à la mort de Malik Oussekine : « si j’avais un fils sous dialyse je l’empêcherais de faire le con dans la nuit. ». Je propose donc que toutes et tous les manifestants, sans exception, viennent avec masque, casque, protège tibia à la prochaine Manif!!Ainsi nous serons tous des casseurs potentiels et la preuve par « l’harnachement » tombera d’elle même! Sans compter que nous sommes nombreux à nous équiper car nous voulons manifester mais rester intact et redoutons la violence de la police d’Etat! Se protéger est-ce un signe de lucidité ou un aveu de culpabilité ? Mettre sa ceinture de sécurité est-ce l’aveu d’un désir de faire des cascades sur l’autoroute?

    Tous casqués et masqués ! Solidaires et protégés!

    Le printemps sera couvert!!

    Envoyé de mon iPhone

    >

    Reply

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *