Témoignage : « Ils m’ont mis en détention provisoire »

TEMOIGNAGE – Une manifestation a éclaté. Je me suis rapproché d’un abribus avec ma caméra pour voir ce qui se passait. Et là, je me suis fait choper par derrière. Je suis tombé ainsi que ma caméra. Les CRS m’ont traîné ; moi, je criais que je voulais récupérer ma caméra, parce que c’est important pour moi. Un commandant est arrivé avec un sac, il l’a balancé par terre et a crié : « C’est son sac ! ». Mais ce sac, ce n’était pas le mien. A l’intérieur, il y avait un extincteur. J’ai été placé en garde à vue à la Goutte d’Or, dans le XVIIIè arrondissement de Paris.

Je suis arrivé vers trois heures du matin, on était cinq dans une cellule ; il y avait deux couvertures et deux matelas. En rentrant de l’audition, j’ai demandé au policier : « Je peux avoir une couverture et un peu à manger ? ». Je n’avais rien avalé de la journée. Il m’a répondu : « On n’est pas à l’hôtel, ici. » J’ai rétorqué énervé : « Putain ! On est des êtres humains, on a quand même le droit d’avoir un minimum. »

C’est alors qu’un autre policier est arrivé. Il faisait environ un mètre quatre-vingt-dix et me regardait de haut. Alors je lui ai dit : « Tu me fais pas peur ! » Il m’a fait une balayette, je ne suis pas tombé. Il m’a filé des coups de poings, des coups de coude, je ne suis pas tombé. Je me suis protégé et il est passé derrière moi, il a commencé à m’étrangler. Il m’a mis sur les talons en me tirant par derrière. Et là je me suis évanoui.

Je suis resté quarante-huit heures en garde à vue. Après, j’ai été dormir au dépôt, toujours en prison. Le lendemain matin, je suis passé devant le juge des libertés, qui ne m’a pas mis en liberté étant donné que je suis un routard, un nomade. Je n’avais pas assez de garanties de représentativité ; il n’était pas sûr que j’allais revenir le lendemain pour être jugé en comparution immédiate. Ils m’ont mis en détention provisoire, à Fresnes : là aussi, c’était très dur… J’avais  l’impression d’être « pris par l’ennemi ». Comme si j’étais dans une guerre, pris par le camp adverse. J’avais le sentiment de ne plus être un humain, juste un prisonnier.

Ça peut arriver à n’importe qui. Quand on veut faire changer les choses, on peut être broyé… Depuis que je suis militant, je me fais arrêter, casser la gueule, condamner. J’ai toujours peur de la police. C’est vraiment compliqué de faire le chemin dans sa tête pour tenir parce qu’on est là… on ne sait pas vraiment pourquoi.

Comment ils peuvent mentir à ce point ? Plus ils sont violents, plus ils sont inhumains, plus ils engendrent l’extrémisme. J’en étais au point de me dire que si j’allais en prison, je reverrais ma façon de lutter.

Heureusement, je n’y vais pas. Du coup, je vais rester non violent. Et grâce aux copains de Nuit Debout, grâce à mon avocat, j’en suis arrivé à ne pas changer de point de vue.

Fred.

(Propos recueillis le dimanche 5 juin 2016 par Alan Tréard, au lendemain de la mise en détention provisoire.)

Crédits photos:

  • Chien de policiers (0281): Nuit Debout / DR

Alan Tréard

Auteur, reporter pour la Gazette debout.


2 réactions sur cet article

  • 10 juin 2016 at 10 h 53 min
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    Bravo de rester non violent dans ces conditions d’arrestation arbitraire! Votre comportement et votre force de carractère démontre que « Nuit Debout » compte parmi les êtres humains qui la font des HOMMES Et FEMMES DEBOUTS qui PENSENT même et encore lorsqu’ils pansent leurs blessures….. Nous avons de ‘AMOUR propre là où ils n’ont que de la Haine sale!!!

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  • 12 juin 2016 at 9 h 34 min
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    Bonjour. Criminalisé, culpabilisé sur ordre.. Les procédés donnent à penser.. Ainsi donc, chaque jour, chaque nuit, les flics, les juges en rajoutent une strate à l’épaisse humaine noirceur; ainsi donc les sbires de l’État de plus en plus de non-droit s’exhibent sans masque, et cimentent leur brune réputation passée à la légende, jusque par-delà les frontières et ont fait école.. Nous n’ignorions pas, aujourd’hui nous l’ignorons encore moins, que cette pseudo justice est au service d’une caste qui s’est arrogée biens, pouvoirs, privilèges, et que nombre de juges et gens de loi sont issu-es-s de cette même caste; et pour cause.. Et cette gente maléfique n’oeuvre pas en notre sens, il s’en faut de beaucoup.. Justice brune, classe brune, chemises brunes, police brune, pouvoirs bruns, oligarchie brune, fortunes brunes.. Les années changent, le ventre de la bête à faciès d’homme, est toujours fécond; à quatre pattes, la bête haletante attend de se laisser inséminer par la peste brune.. Plus que jamais, la vigilance est d’actualité; la bête brune rôde, la bête brune est à l’affût nuit et jour, jour et nuit.. Entre chien et loup, à l’heure brune, elle attend, ne s’en prend qu’au faible qu’elle criminalise et accable.. « Et cependant, Elle tourne.. » Salutations..

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