Le périscopeur Rémy Buisine écarté de la manifestation par un policier en civil

TÉMOIGNAGE Rémy Buisine couvre le mouvement de contestation contre la loi Travail depuis le début via l’application Periscope. Mais dans la manifestation du 14 juin dernier, un policier en civil a tenté de lui arracher son téléphone alors qu’il le filmait en train de “molester” un photographe. Rémy raconte la scène à Gazette Debout.

« L’ambiance était beaucoup plus tendue que d’habitude. La violence avait tendance à diminuer avec le temps et là, pour le coup, il y a eu de très vives tensions, autant dans l’intensité que dans la longueur. C’est vraiment arrivé au début de la manifestation et ça a quasiment duré deux heures, entre l’hôpital Necker et le boulevard du Montparnasse. Très tendu ; il y a eu des feux d’artifices, des fusées, énormément d’utilisation de grenades de désencerclement en masse par les forces de l’ordre, parfois même dans des situations qui n’étaient pas toujours très évidentes.

J’étais en train de filmer un policier en civil qui était en train de molester un photographe alors qu’il n’y avait pas forcément de raison. Le policier n’a pas apprécié ; il m’a attrapé par le col en disant “Bon ben toi tu me saoules”, il m’a tiré comme ça sur une dizaine de mètres derrière des camions de police, en dehors de la manifestation, à un endroit où il n’y avait que des policiers en civil. Les policiers avaient coupé la manifestation en deux depuis un moment. À partir de là, un CRS m’a mis un coup de gazeuse, j’ai réussi à esquiver le jet parce qu’il y avait deux mètres entre moi et lui. Je n’opposais aucune résistance.

Puis un autre policier en civil vient vers moi, serre très fort mon téléphone dans ma main et me dit d’arrêter de filmer. A un moment j’ai même cru qu’il allait le casser tellement il le serrait. Finalement il a lâché prise après une quinzaine de secondes. Je continuais à filmer, j’étais en direct. Au moment où l’événement est arrivé, 4 900 personnes regardaient le live.

Des photographes régulièrement pris pour cibles

Je voulais en parler pour donner ma version des faits en intégralité, car les choses vont extrêmement vite. Et aussi, au-delà de ma personne, pour illustrer les tensions qu’il y a régulièrement entre les forces de l’ordre et les journalistes, les photographes qui sont régulièrement pris pour cibles alors que la situation est relativement calme. Au moment où je me suis fait mettre à l’écart par ce policier, c’était un temps plus calme que le reste de la manifestation.

J’ai aussi vu le canon à eau utilisé contre des photographes. Il était même beaucoup plus utilisé en direction d’eux que des fauteurs de troubles. C’est un constat édifiant : par exemple, ce canon à eau a visé une jeune femme, sous mes yeux, juste parce qu’elle le photographiait. J’ai l’impression qu’il y a deux types de jets, un qui peut viser toute la foule et un autre, une seule personne. Ce n’est pas ça qui va blesser les gens, mais quand on a du matériel très coûteux, ça peut détruire votre outil de travail en cinq secondes. »

Propos recueillis R.G.

Crédits photos:

  • Rémy Buisine écarté: Nuit Debout / DR

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