Portrait : François et la commission Françafrique

PORTRAIT – François G. est très heureux de nous présenter la commission Françafrique de Nuit Debout, une commission vivante, qui se réunit tous les jours, et qui a su établir des liens privilégiés avec la commission anticoloniale. Tout naturellement, leurs militants partagent les réunions, les travaux et les luttes ; ils ont ainsi manifesté de concert le 8 mai, devant le ministère de la Défense, contre la présence militaire française en Afrique. Différentes associations participent à ces commissions, dont Survie, créée en 1984, qui dénonce l’influence néocoloniale de la France en Afrique.

Survie

En trente ans, les modalités d’action de Survie ont considérablement évolué. À l’origine, l’association cherchait à convaincre les députés et les sénateurs de défendre un projet de loi inscrivant dans le Droit le devoir de sauver des vies, d’éradiquer la pauvreté et d’aider au développement ; ce projet de loi devait également faire l’objet d’un audit. François reconnaît que l’on pouvait y voir « un rapport avec le devoir d’ingérence », lequel semblait à l’époque bénéficier des faveurs médiatiques. « Nous avions une réelle influence parlementaire […] En 1993, lorsqu’une mission d’enquête au Rwanda a établi que la France soutenait un régime qui préparait le génocide des Tutsis, Survie a été reçue à l’Élysée. Sans aucun effet. » François devient donateur de l’association à ce moment-là, alors que celle-ci s’engage dans une période compliquée, qui ne l’empêchera pas de se renouveler en profondeur.
Créée à l’origine pour travailler avec les parlementaires, Survie fait face dans les années 1990 à un sentiment d’impuissance qui la conduit à se tourner davantage vers le public, et donc vers la publication de livres sur la Françafrique (que l’on peut consulter au stand de la commission, place de la République).

Commission Francafrique
Le génocide tutsi et l’implication française

Le génocide tutsi et l’implication française

En 2014, François publie pour Survie Le sabre et la machette, officiers français et génocide tutsi. « Moi-même, dit-il, j’ai eu du mal dans les années 1990 à croire à la participation française au génocide. Il a fallu que je me renseigne et que je recoupe des sources. Et j’ai eu le même problème ensuite pour convaincre les gens. Un ami m’a dit : “Il faut que tu changes ta manière de parler aux gens.” »

Par bonheur, François, chercheur en physique, consacre une partie importante de son temps à des travaux de vulgarisation. Et s’il ne se considère pas comme un spécialiste de la question rwandaise et de l’implication de la France, il est en mesure de réaliser une synthèse des connaissances et des nombreux documents à disposition. « Dans mon esprit, la collection de témoignages manque d’efficacité. Mais il est possible d’avoir accès à des paroles officielles de généraux français qui mettent en cause l’implication de la France. Ce sont des sources disponibles et qui font l’objet de notes dans le livre. »

Prise de notes
Prise de notes

L’Afrique

François ne pense pas avoir un tropisme particulier pour l’Afrique ; il considère qu’il est venu à ce continent en raison d’un intérêt plus général pour la politique internationale. Il participe dès 1987 à des chantiers de jeunesse en Afrique, découvrant le Burkina Faso un mois avant la mort de Thomas Sankara (qu’il apprend alors qu’il se trouve en Côte d’Ivoire). « À l’époque de Sankara et de la révolution burkinabé, les gens soufflaient, étaient fiers de montrer les tissus de coton qu’ils avaient produits eux-mêmes, fiers d’être eux-mêmes, d’avoir conquis leur dignité et leur liberté. Au même moment, à Yamoussoukro, le président Houphouët-Boigny dépensait des millions pour créer la plus grande église du monde. »
François réalise de nombreux voyages en Afrique ; c’est à l’occasion de l’un d’entre eux qu’il a rencontré un artiste zimbabwéen, le sculpteur shona Washington Chifamba, qu’il soutient et aide à faire connaître en Europe.

Si c’est son ouverture d’esprit au monde qui l’a conduit vers ces rencontres africaines, c’est l’Afrique qui a conduit François vers l’engagement et lui a donné un regard nouveau sur le politique. « Le génocide des Tutsis a eu comme conséquence chez moi de lever des barrières psychologiques et politiques. Ce génocide et le rôle qu’y a joué la France amènent à la remise en cause complète de l’État et de toutes les institutions.»

Sculpture Serviteur Infidèle
Serviteur Infidèle DR

Nuit Debout

Même s’il s’en défend, il comprend que l’on puisse voir un lien entre ses travaux de physicien et sa participation à Nuit Debout (il étudie notamment « les mouvements d’animaux auto-organisés, la manière dont les bulles de savon interagissent entre elles »). Les rencontres internationales de Nuit Debout ont été l’occasion pour lui de débattre sur le Rwanda ; il a pu également réfléchir avec la commission économique sur la question du franc CFA et ses effets délétères.
Enfin, François, qui a à cœur de transmettre ses connaissances sur le dossier rwandais, ne peut qu’être satisfait de l’affluence au stand de la commission Françafrique, « particulièrement le week-end, quand le public est différent, curieux, et qu’il apprend des choses auxquelles il ne s’attendait pas ».

Sofiane Mansour.

Crédits photos:

  • Commission Economie politique (prise de notes): Gazette Debout
  • Sculpture Serviteur Infidèle: DR

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