« Nous envisagerons le réel, les autres et l’avenir, comme un beau paysage ».

TRIBUNE – J’ai une idée : marcher, se déplacer, arpenter, parcourir, errer, se promener, se balader, traverser, courir, accélérer, ralentir, freiner, se retourner, reculer, sauter, trottiner, escalader – tester toutes les allures, prendre différentes postures – les pattes en l’air, la tête en bas – passer d’état en état, percevoir, ressentir, réfléchir et pourquoi pas se tenir tordu, tout de guinguois.

Passer aussi entre les gouttes, fuir l’arbitraire de la raison, les commandeurs, la hiérarchie, l’ordre et les bonnes façons, les divisions, les coups de pression, et tout ce qui nous empêche d’aller et venir, libres comme un courant d’air, fiers comme un zéphyr, portés par nos pieds, nos mains, nos désirs.

Mais : parfois, démuni, seul à vivre – on a la sensation, intenable, qu’autour, plus rien, absolument plus rien ne bouge.
Ne pas se décourager. Faire le vide. Respirer, ne pas regarder vers le bas, apprivoiser son tournis, guetter le faible frémissement, le léger battement, insoumis. Etreindre ce qui vibre, au lointain, ce qui vient d’ailleurs.

Surtout, ne pas rester immobile où le grand méchant néant vous croquera. Le néant est une fiction, un ogre, un piège à émotions.

Allez, let’s move, on sera immobile quand on sera mort, on sera immobile plus tard, et encore,  rien ne nous obligera jamais à mettre les mots au placard, de l’eau dans notre vin, du rififi autour du blablabla: rien n’est fini, stoppé, rien ne s’arrêtera jamais, rien n’est rien, tout est là, entre le début et la fin.

Alors j’ai une autre idée : poursuivons la marche, avançons, mettons-nous debout, assis, à quatre pattes, accroupis, prenons d’assaut les espaces de vie, les espaces pleins, les espaces vides, galvanisons le plancher des vaches, faisons danser les trottoirs crasseux, faisons valser les politiciens lâches, à plat ventre glissons vers les palais et déménageons la démocratie mal logée.

La planète ne cesse de tourner, soyons à la hauteur, tournons dans le sens contraire à l’air du temps, faisons les girouettes, remontons la pente, tenons la quenotte des enfants, tendons notre main aux suivants, zieutons le sommet de la montagne : en haut, nous aurons une vue dégagée ; sans vertige, nous envisagerons le réel, les autres et l’avenir, comme un beau paysage.

Marion Collé.

Nuit du mouvement, 26 mai 2016/ Théâtre de la Madeleine, Troyes

Crédits photos:

  • Fi du néant: Nuit Debout / DR

Une réaction sur cet article

  • 24 mai 2016 at 12 h 45 min
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    J’ai toujours pensé que j’étais connectée à un monde bien réel. Je suis ravie d’assister au réveil des humains. Je suppose que vous savez que nous avons une manière de comprendre, d’interpréter qui ne ressemble pas à celle des autres, que nous sommes tous différents.
    Non, avant vous, « les donneurs d’ordres » ne pensaient pas que ceux qu’ils méprisaient avaient une capacité à les détrôner. Pour eux sous prétexte qu’ils sont en vie, ils sont vivants. Et leur préférence n’est pas la protection des vivants mais leur possession dont ils tirent « la substantifique moelle »: l’argent. (D’après eux, c’est l’argent qui fait la richesse, d’après moi, ce sont les vivants qui sont le miracle de cette planète)
    Je sais que ce qui nous préoccupe tous c’est justement le sauvetage de la planète et de ses habitants. Je vous invite à faire confiance au Vivant dont nous sommes une émanation aussi longtemps que nous restons bienveillants les uns envers les autres.
    Puisque vous êtes jeunes et que je suis vieille je vous prie de ne pas accorder votre confiance aux personnes morales. Ce sont des existences d’ordre juridique ou sociale, leur nature est d’être « outil », leur essence est d’obéir mais comme nous sommes aussi des primates nous n’arrivons pas à croire que l’éthique a déserté leur cerveau et leur cœur. Mais c’est vrai, ils ne connaissent pas. Ils ne savent pas ce que ça signifie et n’ont pas l’imaginaire nécessaire pour opérer une « révolution ».
    Oui, les donneurs d’ordre croient et ont cru que leur parole décrétait le monde et que la peur était ce qui était le mieux partagé.

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