#NUITDEBOUTLYON « Ils ont brisé le bal, CRAC »

VIOLENCES POLICIERES. Lyon, 19 mai 2016. Place Bellecour aux environs de 14h. Je me retrouve avec de nombreux autres manifestants à une dizaine de mètres d’une ligne de policiers. Aucune pierre ne fuse, juste des mots. Je sors mon accordéon car moi, j’aime bien l’accordéon. J’avance. C’est fort la musique. Et c’est symbolique. Voilà ce qu’on est nous, manifestants : de la musique douce et puissante, rageuse et calme, entêtante, entêtante. Tiens, prends-la dans la tête, la beauté de quelques notes. C’est violent ? C’est beau. Je vous assure que ce n’est pas de la « provoc », juste un moment de partage, entre l’accordéon et vous. Lui vous offre un chant, calme. Et vous… La première mélodie qui me vient sous les doigts (qui tremblent…) c’est « On lâche rien ». Va savoir pourquoi. L’accordéon s’avance. La ligne de policier recule. Puis il se tourne vers une autre ligne, qui recule à son tour. Parmi eux, il y en a avec qui j’ai discuté à la manif de mardi, quelques-uns m’avaient souri, d’autres avaient même fait des blagues.

Autour, les caméras. Pourtant CECI N’EST PAS UN SPECTACLE. Je ne suis pas actrice, je suis bien moi. Je ne suis pas sur scène, je suis à côté d’eux. Et ceci n’est pas un film. Mes doigts acceptent enfin de jouer un autre air. Des danseuses arrivent. Et elles valsent, elles valsent. Elles sont belles, elles rayonnent. Je ne vois pas tellement ce qui se passe car je suis complètement plongée dans l’instant. J’ai un peu peur car je sens l’équilibre instable. Il me semble que les danseur.ses sont de plus en plus nombreux.

Et CRAC. D’un coup, ils attrapent une danseuse. Que se passe-t-il ? Aussitôt, certains l’aident à se relever. Une fraction de seconde plus, tard, ils chargent. Ils frappent la danse et la musique. Ils frappent les gens heureux de valser. Ils tapent. Ça fait mal. Au corps et au cœur. Car hier, ils m’avaient souri. Messieurs les policiers, ùonsieur le capitaine, monsieur le préfet, monsieur l’Etat policier, vous avez cassé la musique, frappé la danse, piétiné la joie, CRAC. Vous n’aimez donc pas la musique ? Vous n’aimez donc pas danser ? Seriez-vous donc tristes ? Ou est-ce pour vous une agression ?… Et votre fille, quel âge a-t-elle, monsieur le policier ? Aime-t-elle danser ?

Vous avez brisé l’accordéon. Mais vous savez, j’ai encore ma voix. Elle continuera de chanter. Et chaque fois que vous frapperez, elle sera plus claire.  Et puis il y en a d’autres, des accordéons. Enormément d’autres. Vous allez apprendre à l’aimer la musique. Vous verrez.

  • L’accordéon n’est pas cassé. Mais mon doigt, entorsé.

L.

 

Crédits photos:

  • Justice debout: Nuit Debout Lyon

Une réaction sur cet article

  • 22 mai 2016 at 17 h 14 min
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    Ouf ! J’ai eu peur pour l’accordéon ! Magnifique texte Lucile ! Bravo !

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