Nuit Debout phase 3 : Il s’agit de construire, d’abord localement.

TRIBUNE – Phase 1. Face à la loi « Travaille ! », imposée par un gouvernement non-démocratique, qui accentue la précarité et la domination du capitalisme sur nos vies, de nombreuses personnes se sont levées. Des Nuits Debout et d’autres mouvements se sont créés un peu partout, et c’est réjouissant !

Phase 2. Les Nuits Debout s’organisent, créent des groupes de travail, des actions de désobéissance civile et de convergence avec d’autres organisations, et les grèves se multiplient. La critique se radicalise : face au 49.3 qui trahit l’absence de démocratie permanente à tous les échelons, face aux violences policières qui révèlent la mise en place d’un État policier permanent et violent.
Nous prenons aussi conscience de notre impuissance politique et économique dans le cadre du système en place (la population n’a pas de pouvoir, seuls quelques minorités et lobbies gouvernent).

Les phases 1 et 2 sont indispensables pour faire capoter la loi « Travaille ! » ; elles restent à renouveler et à amplifier, notamment pour que d’autres personnes se lèvent et désobéissent en nombre, apprennent à se connaître et à agir ensemble en confiance.

Mais il ne faut pas oublier que, même si la loi travail était retirée, le système en place ne changerait pas. Il n’y aurait toujours pas de démocratie réelle, l’économie tyrannique continuerait à aggraver la précarité pour le plus grand nombre, à encourager le chacun pour soi, à développer la croissance et la concurrence qui détruisent l’humain et le vivant, à accélérer la course au profit pour une minorité de nantis, à fabriquer en série des consommateurs soumis, etc.
Si l’on est vraiment contre la loi travail et son monde, cela implique de commencer dès à présent à réfléchir à la mise en place d’une phase 3.

Phase 3. Il s’agit de construire, d’abord localement, des activités collectives en rupture avec le système en place, c’est-à-dire de créer/développer diverses activités autogérées, basées sur une démocratie réelle, sur l’entraide, sur le partage des ressources, etc. Et ce dans tous les domaines, le domaine économique étant la priorité.

On sait qu’on ne peut pas « s’en sortir » individuellement, on sait aussi que cette société n’a rien de bon à nous offrir, il nous faut donc construire des initiatives collectives et durables. Quelle que soit leur ambition, ces initiatives doivent être en rupture avec la non-démocratie politique et économique en vigueur (où politiciens et capitalistes, petits ou gros, sont ligués de fait pour que rien ne change).

Préparation de Global Debout
Photo Nuit Debout / DR

Bien entendu, pour construire une nouvelle société, il faut agir hors de toute forme de parti politique ou de syndicat complices du capitalisme et du salariat, hors de tout échange marchand et hors de toute forme d’argent (tout court ou adossé à l’euro). Sur le plan politique, on a l’exemple de la commune de Saillans. Plus largement, sur le plan économique, on peut s’inspirer de la coopérative intégrale catalane (Qu’est-ce qu’une coopérative intégrale ?La Coopérative intégrale, une transition « hors du capitalisme »Coopérative intégrale, un autre système, calafou.org)

Seuls des projets concrets, transversaux, collectifs, et dont la réalisation peut commencer rapidement, peuvent nous permettre de sortir de la peur, de l’impuissance et de la résignation, pour développer la créativité et la joie.
Arrêtons de subir en silence ou de simplement protester de temps en temps lorsqu’un projet gouvernemental ou local est pire que les autres. C’est au quotidien que ce système nous broie tous, c’est donc au quotidien qu’il faut construire autre chose ensemble.

Car ce n’est pas seulement la loi « Travaille ! » dont nous ne voulons pas, c’est tout le monde qui va avec !

Pour éviter tout risque d’essoufflement et, au contraire, aller toujours plus loin, il est très souhaitable que des actions collectives de type « phase 3 » démarrent partout et localement avant l’été.

Quelques exemples d’idées à creuser localement :

– des habitants s’organisent pour créer une démocratie réelle dans leur commune, leur quartier, et décident ainsi eux-mêmes de la politique municipale (exemples de Saillans dans la Drôme ou de « communes libres ») ;

– créer des jardins collectifs sur des zones en friche (offertes ou louées à bas prix), avec un atelier collectif de transformation alimentaire et des lieux de distribution, des banquets solidaires, etc. ;

– des vélos et autres moyens de transport en libre service/partage gratuits ou mutualisés ;

– créer un réseau solidaire pour échanger services et biens sans comptabilisation d’argent (une sorte de SEL mais sans compte de grains pour les transactions), dont l’objectif est la satisfaction des besoins de tous les membres (pour sortir du système inadapté de l’argent-valeur et de l’impasse du bénévolat) ;

– organiser des formations pour tous à prix libre (sur les outils de communication, la gouvernance démocratique, l’animation de réunions et d’assemblées générales, la désobéissance civile, l’autogestion, etc.) ;

– créer un réseau autour du logement pour faire baisser les prix du privé et aider les plus démunis à avoir un logement décent (chantiers solidaires de rénovation par exemple). On pourrait faire pression collectivement sur les propriétaires et, avec eux, faire pression sur les banques pour que diminuent loyers et crédits de remboursement ;

– créer des associations (ou fonds de dotation) pour gérer des biens (moyens de transport, bâtiments, terrains…) collectivement et pour le bien commun, hors de l’appropriation privée, hors du marché immobilier ;

– créer/développer de multiples lieux collectifs ouverts et multi-activités, indépendants des pouvoirs politiques et de leurs subventions distribuées selon leurs intérêts ;

– créer des médias locaux indépendants, libres et participatifs, avec notamment une diffusion papier et un « réseau d’alerte » pour tous les types d’action de désobéissance et d’initiative visant la construction d’une autre société.

Les idées, celles-ci et d’autres, ne manquent pas, il manque juste des personnes motivées ; il suffit ensuite de se donner les moyens de les réaliser pour de bon.

David M.

Crédits photos:

  • Préparation de Global Debout: Nuit Debout / DR
  • Un autre monde est possible: Nuit Debout

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