Revue de presse 19 mai #80Mars
REVUE DE PRESSE. Ce #79Mars, les militants de Nuit Debout ont dû déserter la place de la République pour laisser les policiers manifester contre la « haine anti-flic ». Qu’importe, il en faut plus pour décourager les Nuitsdeboutistes, qui étaient prêts à se réinstaller dès 16h. Que s’est-il passé ces derniers jours ? La Gazette Debout revient sur l’actualité.
Qui sont les Nuitsdeboutistes ?
Depuis le 31 mars, on entend tout et n’importe quoi sur le mouvement Nuit Debout. Chaque journal a sa vision des choses et les violences des casseurs ne font que noircir l’image de cette manifestation. Les Nuitsdeboutistes vous le diront, pour comprendre ce qui se passe place de la République, il faut venir se rendre compte par soi-même. Même s’il n’est pas facile d’en saisir tous les enjeux en un seul après-midi.
Des chercheurs de l’EHESS (École des Hautes Études en Sciences Sociales), du CNRS (Centre National de Recherche Scientifique) et de l’ENS (École Normale Supérieure) ont décidé d’étudier de près ce mouvement pour mettre fin aux idées reçues. Le principe est simple : distribuer un questionnaire aux personnes présentes et établir une moyenne représentative. Il y a quelques jours, les chercheurs dévoilaient à Reporterre les premiers résultats de leur étude (également publiée dans Gazette Debout).
Non, les participants de Nuit Debout ne sont pas que des étudiants, ni même des lycéens qui ne seraient là que pour s’amuser. Selon ces chercheurs, l’âge de fréquentation de la place varie selon l’heure. Entre 18h et 18h30, la moitié de la population serait âgée de plus de 33 ans, dont une personne sur cinq qui aurait plus de 50 ans. Malheureusement, la parité n’est pas respectée et une majorité d’homme serait présente pour assister à l’Assemblée générale. Dans l’étude publiée, les chercheurs expliquent que la place de la République est « un espace public urbain et à des horaires tardifs, qui ne favorisent pas la présence des femmes, du fait de possibles engagements familiaux et de l’exposition au harcèlement de rue ». Ces derniers n’oublient pas de préciser que Nuit Debout a conscience de ce manque de parité qui « est l’objet de réflexions et d’actions au sein du mouvement, en commissions Féministes comme en Assemblée générale ».
Il est facile de penser que les Nuitsdeboutistes sont des parisiens ou des « bobos »; pourtant un tiers d’entre eux viennent de banlieue, et ceux qui habitent dans la capitale viendraient tous de l’Est de la ville. Dans ce mouvement, les diplômés du supérieur et les chômeurs seraient largement représentés. Selon les chercheurs, 61% des militants seraient diplômés du supérieur, un chiffre important sachant que seulement 25% de l’ensemble de la population est en possession d’un tel diplôme. Comme il est souvent dit, il ne suffit pas de multiplier les années d’étude pour trouver plus facilement un travail, et le taux de chômage place de la République serait de 20%, le « double de la moyenne nationale » estiment les chercheurs.
Il est vrai que le mouvement Nuit Debout est né de la contestation du projet de loi de réforme du Code du travail, mais les militants ont vu dans ce rassemblement un moyen de remettre en question la société tout entière. Il n’est donc pas étonnant de découvrir que les deux tiers des militants n’ont pas manifesté contre la loi travail. Selon les chercheurs, « deux enquêtés sur trois ont apporté du matériel ou des denrées, donné de l’argent, pris la parole en Assemblée générale ou participé à une commission », mais ils sont 80% à ne pas vouloir que le mouvement se transforme en parti politique.
Ces premiers résultats sont issus des données récoltées par la moitié des questionnaires. Les chercheurs invitent les personnes qui sont déjà allées place de la République ou qui y jouent un rôle essentiel à partager leurs témoignages via leur site.
Un slogan qui ne passe pas
Place de la République, les militants sont nombreux à brandir pancartes, dessins ou autres formes d’expression artistique pourvues de slogans ou de représentations chocs. Le but : contester une vision de la société tout en faisant réagir le public. Pour quelques curieux, certaines métaphores ou métonymies ne passent pas. Sonia, patronne, a été extrêmement choquée par le slogan de deux militantes. L’objet du crime : la déformation d’une comptine pour enfants : « Sous le pont d’Avignon, on y pend tous les patrons ». Les mots n’ayant pas été choisis avec classe et distinction, Sonia a décidé de dire ce qu’elle pensait sur sa page Facebook.
Par un message teinté d’ironie, elle explique : « Chère manifestante des nuits debout, assis, couchés, chère jeune fille souriant à l’idée de cadavres se balançant au bout d’une corde. J’ai beaucoup aimé ton slogan […] S’il y avait inscrit ‘noir’, ‘juif’, ou ‘arabe’, à la place de ‘patrons’, les gens seraient devenus fous ! Mais là, on laisse passer, parce que les patrons sont des grands méchants ». Sonia semble en avoir marre que tout le monde critique son statut de chef d’entreprise; elle poursuit sa « lettre ouverte » en affirmant : « Crois-le ou non, dans notre pays, ce sont les TPE et les PME qui génèrent le plus d’emplois. Crois-le ou non, il y a des patrons qui donnent leurs actions à leurs salariés ».
En à peine 48 heures, le post Facebook a été partagé plus de 37 000 fois, et Sonia a reçu plus de 1 500 demandes d’amis ainsi que près de 400 messages privés de soutien ou critiques. Selon Le Figaro, « Sonia n’est pas une personnalité connue et ne possède pas un profil ‘ouvert’ ». Il est vrai que peu de personnes la connaissent, mais au vu de sa photo de profil, elle est assez connue pour avoir été invitée au Grand Show, une émission de la chaîne Non Stop People diffusée sur le câble et relayée par les réseaux sociaux et le site internet. Certes, cette télé est loin d’avoir les mêmes audiences que TF1 ou M6, mais elle a le mérite d’exister depuis trois ans et d’avoir une petite sœur en Espagne. Sonia nous rassure tout de suite, « Ce message, je l’ai écrit d’une traite alors que je donnais le petit déjeuner à mes deux fils. C’était spontané, pas pour faire le buzz ».
La langue des signes expliquée à la radio
Les curieux de la place de la République ont dû remarquer que les militants effectuaient certains signes étranges lors de l’Assemblée générale. Ce langage qui se veut universel est un moyen de s’exprimer ouvertement lors d’une réunion afin d’émettre son avis sans court-circuiter les débats. Thomas Clerc, chroniqueur à France Inter, les explique avec humour. Ils sont décrits avec précision, mais l’un d’entre eux le laisse perplexe. « Je n’ai pas compris le signe « Je ne comprends pas », non pas une incompréhension de langue mais une incompréhension sémantique, c’est une sorte de va-et-vient aux côtés de la tête, un signe peu aisé à reproduire. Ça prouve qu’on est peut-être dans un groupe intellectuellement homogène qui comprend très rapidement les choses ».
Avant de clore sa chronique, Thomas Clerc n’oublie pas de mettre en garde certains rigolos. « Ne vous avisez pas, même pour vous amuser, de proférer des propos sexistes, racistes, homophobes, spécistes, dirigés contre une minorité quelconque […] car on vous brandirait très vite le signe d’infamie, triangle avec les doigts. Voilà ce que nos femmes politiques auraient dû faire en face de Denis Baupin au lieu de réagir des années après ».
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