Tribune : « Nous comprenons que ce qui importe, c’est l’éveil du peuple »

EXPRESSION DEBOUT – Cette nuit, j’ai fait un rêve.

Nous sommes les habitants d’une planète chaude et déserte – terre brûlée, pas d’arbre ni d’ombre.

Nous sommes là, les yeux dans les yeux, et nous savons tous l’oppression, et nous savons notre petitesse. Là-haut, là-bas, on ne sait trop où, d’autres, plus grands que nous, gouvernent. Mais ils restent inaccessibles, invisibles. Jamais nous ne les avons vus, nous ne savons pas à quoi ils ressemblent,  ni qui ni combien ils sont. Ils nous dépassent, et nous ne pouvons rien faire d’autre que tourner en rond sur cette planète vide.

Nous savons que quelque chose se prépare.

Que veulent-ils faire de nous ?

Et nous sommes là, les yeux dans les yeux, nous nous croisons sans parler.

Je cherche à parler à quelqu’un, puis je croise une camarade.

Soudain, une détonation. Et une lumière, vive, puissante, grandissante. Je regarde ma camarade.

Elle me dit : « T’en fais pas, nous allons tous partir, mourir doucement, mais t’en fais pas, je suis là ».

Dans les yeux des autres, c’est la même réponse : une bombe (atomique ?), destinée à nous exterminer.

Maintenant, dans les yeux des autres, nous comprenons ce qui se passe, ce qu’ils voulaient faire de nous.

Nous mourons doucement, ensemble, et sans rien dire.

Je me réveille.

Galerie de Stephane Burlot
Contre la privatisation de l’espace public

Je suis à nouveau dans ce désert chaud et oppressant, je cherche à parler à quelqu’un. Je croise une camarade. J’essaie de lui dire que j’ai compris, que nous allons tous mourir, et qu’il nous faut agir avant que…

Mais la détonation retentit, et la lumière rejaillit, et à nouveau nous mourons, doucement, ensemble et sans rien dire.

Je me réveille.

Je cours. Je croise ma camarade. Je lui dis que nous devons agir maintenant.

Nous courons. Nous parlons à tous ceux que nous croisons sur notre route.

Nous avons enfin compris ce qu’ils veulent faire de nous.

Nous propageons la nouvelle, petit à petit.

Et soudain, une fumée épaisse nous paralyse. Nous étouffe.

Nous mourons, doucement, ensemble, mais conscients.

Je me réveille. Je cours vers ma camarade. Nous devons agir maintenant. Nous nous organisons. Nous réfléchissons à une stratégie. Nous sommes tous là, échangeant, débattant, les yeux dans les yeux.

Et puis, soudain, une pluie d’allumettes.

Nous nous regardons tous.

Nous savons ce qui va se passer.

Alors nous mourons, tous, doucement, et ensemble.

République (panoramique 2)
Raphaël Georgy/DR

Je me réveille. Autour de moi, les autres s’éveillent aussi. Un tapis de corps allongés par terre, un tapis qui s’éveille doucement, et tous ensemble nous nous levons.

Nous avons survécu à la mort. Survécu à l’avenir qu’on nous avait choisi. Qu’ils avaient choisi pour nous.

Et nous comprenons qu’il ne servait à rien de vouloir déjouer leurs tours. Qu’il était vain d’essayer de comprendre et de contourner leurs stratégies.

Nous comprenons que ce qui importe, c’est l’éveil du peuple. Le réveil du peuple.

Nous comprenons qu’il ne servait à rien de vouloir à tout prix éviter la mort.

Qu’il fallait survivre à l’attaque, et non pas imaginer des stratégies pour échapper au sort qui nous était promis. Parce qu’élaborer des stratégies, c’est entrer dans leur jeu.

En nous réveillant, nous avons fait un pas de côté.

Lucie D.

Crédits photos:

  • Contre la privatisation de l’espace public: Stephane Burlot / DR
  • République (panoramique 2): Raphaël Georgy
  • Nos rêves ne rentrent pas dans vos urnes: Nuit Debout

Une réaction sur cet article

  • 14 mai 2016 at 20 h 41 min
    Permalink

    Et de ce Nagasaki social naquit une résurrection populaire, durant laquelle les petites gens se partagèrent humblement les conquêtes durement acquises au nom de leur insoumission institutrice d’un nouvel démocratique..

    Reply

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