Bienvenue à l’Accueil et Sérénité (AS) !

Bienvenue à l’Accueil & sérénité (AS) ! — Principes et pratiques d’une commission structurelle

Se garder de la manie des conspirations, des airs initiés, des airs mystérieux, de la dramatisation des choses simples, des attitudes « conspiratives ». La plus grande vertu du révolutionnaire, c’est la simplicité, le dédain de toute pose même… « révolutionnaire » – et surtout conspirative.

— V. Serge, Ce que tout révolutionnaire doit savoir de la répression, 1925

 

Salut à toi,

Un soir, en passant devant l’infirmerie de Nuit Debout, place de la Commune (anciennement place de la République), tu as vu une joyeuse bande s’affairer avec des talkies ou des bandages, avec des brassards, des airs concentrés et déterminés et pourtant le ton léger, les idées claires (au moins jusqu’à minuit), et la politique chevillée au corps. Ou bien tu les as surpris en pleine négociation avec des vendeurs de merguez ! Ou bien à intercepter ce type bourré qui voulait attraper le micro de l’assemblée populaire (AP). Ou bien tu as entendu certain-e-s s’exprimer médiatiquement, en leur nom propre – puisque notre parole n’est jamais monopolisée par un-e seul-e. Bref, tu es tombé sur la commission Accueil & sérénité (AS) ! Si tu souhaites t’y impliquer, nous t’incitons à lire au moins ces quelques grandes lignes, qui façonnent notre collectif depuis son début.

Histoire, d’abord. Comme tu le sais peut-être déjà, ce mouvement nombreux est né de l’idée d’une « nuit debout » (ou « nuit rouge ») dans la foulée du défilé inter-syndical organisé le 31 mars 2016 contre le projet de loi « Travaille ! ». La parole politique, trop souvent écrasée par les slogans grésillants et rébarbatifs des cortèges, ou le bruit de fond médiatique, devait être libérée ! Ses initiateurs/trices (qui, comme leur qualificatif l’indique, avaient simple vocation à lancer quelque chose, sans agenda préconçu), militant-e-s aguerri-e-s (syndicats, partis, associations) venu-e-s sans leurs étiquettes, réunirent les volontaires, fin février et courant mars, au cours de plusieurs réunions à la Bourse du travail de Paris. Bientôt, un collectif de quelques centaines de personnes s’attelait à l’action, avec comme mot d’ordre la convergence des luttes.

Cette nuit d’occupation appelait une certaine organisation préalable : nécessités logistiques (nourriture, constructions, sonorisation, par exemple) ; nécessités politiques (forme des prises de parole, notamment). Par culture politique, presque sans y penser, les différents groupes chargés de ces questions se nommèrent « commission ». Celle qui devait assurer la sécurité et la tranquillité des débats, contre les flics d’abord, mais pas seulement, prit le nom « Accueil & sérénité ». Dotée naturellement d’une équipe médicale capable de prodiguer les soins élémentaires, et spontanément d’une équipe légale en résistance à la répression policière et judiciaire, l’AS se donnait pour outil premier la médiation, sans nier la nécessité de l’interposition physique, voire de l’exclusion afin de défendre un espace de luttes.

 

Mandat politique, d’emblée, donc, que celui de cette commission bariolée mais déterminée, dont quelques-un-e-s avaient une expérience de service d’ordre, mais dont la plupart découvrait l’exigence et l’implication requise, et se guidait uniquement aux relations inter-personnelles. Or, depuis le 31 mars et l’occupation victorieuse qui a lancé le mouvement, et dès les réunions préparatoires qui, toutes, appelaient à une convergence des luttes effective, l’AS défend une ligne résolument combative. Avec d’autres commissions, qui se sont organisées et fonctionnent indépendamment les unes des autres, mais en lien étroit, et forte d’acclamations répétées en assemblée populaire (AP), l’AS campe sur une vision du monde anti-capitaliste, anti-raciste, anti-xénophobe, anti-fasciste, anti-sexiste, anti-homophobe, anti-transphobe, anti-validiste (sans hiérarchiser ces valeurs). Trop d’anti ? Qu’à cela ne tienne ! Nous savons ce que nous ne sommes pas, et de quoi nous ne voulons pas. Voilà une première pierre essentielle à la besogneuse construction de la convergence des luttes. Ces principes soudent notre collectif, et déterminent nos réponses de terrain (cf. L’AS pour les nul-le-s). Sur la place, mais pas uniquement. Car l’occupation de celle-ci n’est pas une fin en soi et l’AS se targue également d’avoir l’action militante chevillée au corps, dans la diversité de ses formes. Ses membres, par capillarité ou par habitude de longue date, se retrouvent avec plaisir et détermination dans des occupations surprise et victorieuses, des blocages de lieu de travail, des happenings médiatiques, etc. L’AS, en définitive, entité informelle, agrégeant des parcours divers, porte concrètement le combat pour une révolution sociale, sur la place de la Commune et au dehors.

Si tu te retrouves dans ce mandat, préalable indispensable, la suite te concerne.

Recrutement mixte, sans âgisme ni sexisme. Nous travaillons à une parité femmes/hommes réelle, car elle n’est pas encore atteinte dans notre commission. L’AS cherche à être à l’image de la société : infiniment riche de sa variété ! Parce que cette approche a montré sa pertinence pour l’efficacité de notre action, et la pérennité de la confiance qui y règne depuis le 31 mars, nous accueillons les volontaires sur le double principe de la cooptation et de l’essai grandeur nature. Connaissances et ami-e-s de participant-e-s déjà actifs depuis plusieurs soirs sont les meilleurs renforts ! Mais au même titre que dans le cas d’un-e volontaire inconnu-e, il est important de se présenter à l’infirmerie (notre base) auprès de la coordination. Le ou la volontaire sera intégré-e à une équipe sans a priori, selon sa disponibilité. Cette équipe comportera au moins une personne rompue à de nombreuses reprises aux principes et aux pratiques de l’AS – un genre de formateur.

Si la personne se plaît à participer à notre commission, structurelle à Nuit debout, importante et exigeante, au rôle central mais méconnu ou incompris, et que son ou sa formateur/trice ou d’autres participant-e-s n’émettent aucune réserve, la voilà membre à part entière de la commission Accueil & Sérénité ! Participation qui, cela va sans dire, n’est ni exclusive à une participation à d’autres commissions, ni astreignante à certains jours de la semaine en particulier, ni un bail de 99 ans…

Travailler ensemble, cela s’apprend aussi à l’AS. Rester sobre toute une soirée festive, par exemple, la belle affaire ! Pourtant ça passe, quand tes camarades en font de même. Hormis les conseils, les techniques et les informations détaillés dans L’AS pour les nul-le-s, nous insistons sur l’absolue nécessité d’écouter l’autre. Loin de nous la vision béate de débats aseptisés, sans engueulades, sans idées folles et finalement sans résultats. Mais la prise de parole de certain-e-s peut être entravée par des automatismes de langage discriminatoires ou des phénomènes de charisme, à l’AS comme dans tout collectif. Si nous choisissons de ne pas la pratiquer dans notre commission, la non-mixité, par exemple, combat ces oppressions insidieuses. Individuellement, sans qu’un règlement ne doive être gravé dans le marbre, il nous appartient donc de réfléchir à nos habitudes d’être et d’interagir.

En outre, comme pendant tout bouillonnement, les moyens de communication modernes saturent le temps et l’esprit. Ils doivent être utilisés à bon escient, avec des intitulés clairs, et des contenus argumentés. Au fil des jours, une spécialisation s’est dessinée : la liste courriel est dévolue exclusivement à l’information ; les numéros de téléphone dédiés, réservés au terrain, pendant l’occupation (équipe médicale, coordination sérénité) ; les fils Telegram, livrés à la loi de la jungle et aux bavardages en tout genre. Aucune information importante pour l’AS ne doit circuler exclusivement par ce dernier canal, notamment parce que plusieurs participant-e-s à la commission choisissent de se passer de « téléphones intelligents ».

Le réseau interpersonnel tissé par les soirées en équipe sur la place ou en action, et concrétisé par l’échange des numéros de téléphone s’avère le plus solide et efficace. Cela dit, nous rappelons allègrement le droit de rester anonyme, ou d’être, sur le papier, n’importe qui, et incitons à ne pas décliner inutilement son patronyme, à utiliser des adresses courriels fantaisistes, à varier les plaisirs, en somme. Sur le terrain, en chair et en os, nous ne nous dissimulons pas les un-e-s aux autres, et c’est tout ce qui compte.

Si tu n’as pas tout lu, nous t’incitons à te faire violence. Fruit de notre expérience et de nos réflexions collectives, ce texte court ne fige rien, mais raconte d’où nous parlons. Nuit debout perdure, la convergence de luttes se renforce chaque jour. Mais contre le projet de loi « Travaille ! » et son monde, le temps presse, et l’on ne peut se satisfaire de réinventer l’eau tiède chaque matin.

Commission Accueil & Sérénité.

Lire les articles publiés par Gazette Debout à propos de la Commission Sérénité.

 

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