Projet de loi Travail : Hollande aux abois sort les crocs et attise les tensions

TRIBUNE – « Dites-vous bien : toutes les fois qu’une violence illégitime est commise contre un manifestant, ce sont des dizaines de ses camarades qui souhaitent le venger. » Ce ne sont pas là les propos du très respecté ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve, mais ceux du Préfet de Police Maurice Grimaud qui s’adressait ainsi aux policiers lors d’un discours humain et sincère, un certain mois de mai 1968. Les temps ont bien changé, au vu des films ci-dessous…

  • 24 mars 2016 : un jeune du lycée Bergson entouré de 3 policiers est frappé violemment par l’un d’eux.
Revue 6mai HuffPost
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  • 14 avril 2016 : une cliente d’un bistrot reçoit un coup de pied de CRS et tombe à terre, « choquée » durablement.

Revue 6mai Le Monde Blogs

  • 28 avril 2016, de jour : la mairie d’Amiens occupée par Nuit Debout est évacuée violemment, certains sont choqués, un des participants en ressort le visage en sang.

Revue 6mai AJT

  • 28 avril 2016, de nuit : place de la République, un occupant, les mains attachées dans le dos, se fait frapper 4 fois au buste et à la tête (*) par des CRS.
Revue 6mai Mediapart
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Et ce ne sont là que les exactions prouvées par les images qui en ont été tournées. A Rennes et Lyon, le tir au flash-ball est devenu monnaie courante ; ainsi à Rennes, un manifestant perd l’usage d’un œil le 28 avril, jour où Cazeneuve décompte 78 policiers blessés… mais omet les manifestants dans le même cas.

Les interpellations, massives (autour de 1000 depuis mars), concernent pour une bonne part de jeunes citoyens dont le seul tort est de se trouver au “mauvais“ endroit.

À Paris notamment, les manifestations sont systématiquement bloquées par la police avant la fin du cortège, sans raison apparente – avec emploi des gaz lacrymogènes, bombes assourdissantes et interventions de policiers en civil au cœur des manifestations. Y compris le 1er mai, où l’on a vu sortir de nuages gazeux des enfants et personnes âgées choqués et indignés, le cortège ayant été bloqué durant une à deux heures (voir la vidéo d’une femme s’adressant aux CRS).

Mediapart rend compte de 11 interpellations suite au blocage : huit sans éléments à charge, mais trois ayant comparu mardi soir. Un manifestant a été arrêté à cause de ses chaussures rouges : il sera relaxé. Plus intéressant, le cas de Jamel : compagnon du bâtiment, il se défend : « Je n’étais pas venu pour me battre. Pas du tout. Je n’avais pas de cagoule, pas de gants. Mais on m’avait frappé, là on me tire dessus à bout portant ». Il aura le tort de boire trop de bière (c’est la fête des Travailleurs) et de réagir aux violences qu’il subit par le jet d’un caillou; son avocate parle d’« un engrenage » et de « mouvement de panique réciproque » ayant abouti à ce geste. La juge elle-même admet sa sincérité : « Il est clair que vous n’êtes pas venu pour en découdre. Vous êtes un compagnon, vous avez de l’or dans les mains. » Résultat : dix mois de prison avec sursis. Les chaînes TV d’information continue ont-elles mêmes remis en question les méthodes de la police consistant à couper en deux les cortèges; cela finit par engendrer des actes répréhensibles de la part de gens paisibles venus en toute décontraction.

Comment les violences totalement gratuites, de la part de policiers zélés ou non, sont-elles rendues possibles ?

À cause d’une atmosphère globale instillée par les gouvernements successifs ? En commençant par la suppression de la police de proximité voulue par N. Sarkozy en 2003, par la négation du rôle social de la police, puis par la mort de Rémi Fraisse – tué par une des 400 grenades lancées en une journée (dont 40 grenades offensives), l’enquête avançant difficilement -, en passant par les enfants Zyed et Bouna morts électrocutés après un match de football…

Par la quasi-impunité accordée depuis des années aux policiers impliqués dans les bavures ?

Par les directives du Ministère de l’Intérieur, dont la teneur officielle n’est que la partie émergée de l’iceberg ?

Les violences gratuites sont-elles le fait d’individus isolés ?

Dans deux des situations filmées figurant ci dessus, les CRS sont au nombre de 3 ou plus, sans qu’on n’en voie aucun s’indigner face à la violence gratuite de son collègue.

Mathieu Bareyre et Thibaut Dufait, qui ont filmé le jeune frappé 4 fois le 28 avril, témoignent : « Les CRS ont, pendant ces quelques minutes, tout fait pour que nous ne puissions rien filmer de ce qui était en train de se dérouler. » Des unités de CRS, et a priori leurs chefs, ont donc des choses à cacher.

Voulu ou non par l’État, ce contexte crée une atmosphère de profonde défiance, très propice aux réponses violentes de part et d’autre. Ce contexte est essentiellement généré par l’action gouvernementale sur fond de régression sociale et démocratique – crise de la représentativité, dirait-on dans les salons -, et d’une République en fin de course.

En 1968, le préfet Maurice Grimaud ajoutait : « Frapper un manifestant tombé à terre, c’est se frapper soi-même en apparaissant sous un jour qui atteint toute la fonction policière. »

En ce mois de mars interminable, on dirait plutôt : « Laisser filmer un manifestant tombé à terre et se faisant frapper, c’est se frapper soi-même en apparaissant sous un jour qui atteindrait toute la fonction policière si les grands médias n’étaient des nôtres. »

Crédits photos:

  • Revue 6mai HuffPost: DR
  • Revue 6mai Le Monde Blogs: DR
  • Revue 6mai AJT: DR
  • Revue 6mai Mediapart: DR
  • Préavis de rêve: Gazette Debout

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