Nuit Debout de Toulouse construit une tour en bambou de 6 mètres
TOULOUSE DEBOUT – Pauline, toulousaine, nous raconte comment les équipes de Nuit Debout ont installé une tour en bambou de 6 mètres place du Capitole. De quoi jouer à chat perché avec les policiers. De quoi également se réapproprier l’espace urbain. Témoignage.
Mardi 3 mai, après l’agitation au McDonald’s, nous avons profité du départ vers le commissariat pour introduire place du Capitole une tour en bambous de six mètres de haut. Sorti de l’école des Beaux-Arts, l’édifice ne passe pas inaperçu.
Rue Tamponière, nous croisons une voiture de la police nationale. Tandis que quinze personnes portent la structure au pas de course, trois étudiantes se jettent sur la voiture pour l’empêcher de bloquer la route. Nous passons. Rue Saint-Rome, dernière ligne droite. La cadence s’accélère encore. La tour est dressée, on se passe les parpaings prévus pour la stabiliser. Un étendard flotte fièrement : « Lançons l’alerte ».
Quand les copains reviennent du commissariat, c’est un village qui naît peu à peu place du Capitole. Une yourte et un tipi surgissent; on se retrouve au coin du brasero. Les chants emplissent la nuit et la place retrouve la vie dont elle est si souvent dépossédée. Nous savons tous que l’espace public n’existe pas et que le pouvoir y est seul intervenant. La question est : par quels moyens le reprendre ? Ici se constitue une tentative, faible mais belle, d’un refuge imprenable, d’un donjon assiégeant la métropole de l’intérieur.
Nous construisons une ZAR : Zone À Réinventer, pour que cette place actuellement commerçante, simple lieu de passage, redevienne un lieu de sociabilité dans un espace habitable. Les constructions de cette nuit en sont un exemple, une illustration directe de mise en pratique des réflexions qui se tiennent en ce lieu depuis plus d’un mois déjà. L’architecture en est éphémère – l’ occupation pérenne et sereine comme acte politique. Nous nous inspirons des événements de Syrie ou de Serbie dans une optique de réappropriation de la ville, de l’espace urbain, tel que le suggèrent les textes sur les TAZ d’Hakim Bey ou de Comment habiter le monde de Yona Friedman.
Au petit matin, nous serons vingt à avoir dormi dans nos huttes. Une étincelle nouvelle à Toulouse. Le marché se met en place, et bientôt la tour n’est plus qu’un îlot flottant au-dessus de la routine citadine. Les CRS, sortis par la porte de la Mairie, nous prennent par surprise. Seuls deux d’entre nous ont le temps de se percher au sommet. Le jeu tiendra jusqu’à l’arrivée de la nacelle des pompiers.
La stratégie est simple. Chat perché. La plus grande qualité du condé moyen, c’est qu’il ne peut agir au-dessus de 2,50 m du sol. Les interventions en hauteur sont délicates, elles mettent nos vies en jeu autant que les leurs. Et l’on connaît l’impact médiatique de la mort d’un étudiant blanc. A six mètres de haut, surplombant les forces de l’ordre, on se sent libre, même encerclé. Bâtissons des villes sur d’immenses pilotis pour que les institutions et les lois ne nous rattrapent jamais. Cabanes dans les arbres, tours, occupations de toits sont les meilleurs moyens de rencontrer le GIGN au moins une fois dans sa vie. Il est arrivé, à Nantes par exemple, que de telles stratégies fonctionnent et donnent lieu à une véritable occupation. Notre tentative a échoué. Sa seule chance de perdurer est de faire germer quelques idées dans vos têtes.
En mai, construis ce qu’il te plaît.
Pauline.
Crédits photos:
- ND Toulouse (2): Nuit Debout Toulouse
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