L’esperanto pour éviter les accidents d’avion

CONVERGENCE DE LUTTES CITOYENNES SUR UN BANC PUBLIC — 1ère Partie. Place de la République. Je veux témoigner ici d’une goutte de poésie rencontrée de manière fortuite. Toute trace de violence nocturne a été nettoyée, je m’assieds sur un banc public, il y a juste le soleil printanier, d’une douceur froide.

« Dans une France socialiste / Je mettrais ces fumiers debout » — Léo Ferré.

Journaliste en herbe, enthousiaste de Nuit Debout, je m’apprête au bonheur. Je crois que tout a commencé par une voix métallique que mon voisin fait résonner à travers un vieux mégaphone et qui agace mon oreille droite . Il prend un malin plaisir à crier encore plus fort que Léo Ferré : « Je suis le Mégaphone Debout : je milite pour la diffusion de la voix de poètes sur la place : Léo Ferré, Jacques Brel, Georges Brassens. »

Fumiers Debout, espérantiste
Fumiers Debout, espérantiste

« À fumer le scrutin de liste 
/ Jusqu’au mégot de mon dégoût. 
Et puis assis sur une chaise… » Je passe ici la voix d’ancien poètes, leur message visionnaire et poétique sur la place. J’aimerais que l’on chante leurs textes lors des assemblées générales.

La voix nasillarde de Léo Ferré continue à résonner à travers le mégaphone : « Un ordinateur dans le gosier 
/ Ils chanteraient la Marseillaise 
/ Avec des cartes perforées / Le jour de gloire est arrivé. » Alors ma voisine de gauche s’active à son tour et crie dans mon oreille gauche. Je vois qu’elle ouvre son sac, en tire un document, « Demokratia komunikado mondskale ». Elle me demande de signer. Je me méfie : « Madame, qu’est-ce que c’est ? » Elle élève la voix, car le poète ne s’est toujours pas tu. « Il s’agit d’une pétition de demande de changement de politique linguistique dans l’aviation, à tous les services de l’aviation civile, dans le monde par l’espéranto. »

« A porter ma vie sur mon dos 
/ J’ai déjà mis cinquante berges 
/ Sans être un saint ni un salaud 
Je ne vaux pas le moindre cierge. »

Elle m’explique : « J’ai travaillé 39 ans dans l’aviation. J’ai du mal à tenir debout, ma retraite n’augmente pas. On pourrait changer tant de vies, car l’anglais, imposé dans l’aviation en 1951 par l’Amérique, est une des principales causes d’accidents et incidents. »

« J’ai la mémoire hémiplégique 
/ Et les souvenirs éborgnés / 
Quand je me souviens de la trique / 
Il ne m’en revient que la moitié. »

Préavis de rêve
Préavis de rêve

C’est son combat. Elle est intarissable. Le combat d’une vie. « Je suis espérantiste. L’espéranto a été admis en 1925 comme langage clair par l’Union Télégraphique Universelle (Union Internationale des Télécommunications à partir de 1932). Selon les statistiques, maintenant plus de 11% des accidents aériens ont lieu à cause d’incompréhensions entre pilotes et contrôleurs aériens. L’Espéranto pourrait aider. Déjà, en 1910, Ernest Archdeacon et Henri Farman, des grands pionniers de l’aviation et de l’Espéranto, ont déclaré : ‘est-ce que le progrès constant des moyens de transport en une langue internationale facile est devenu absolument nécessaire ?’ ».

« Et vous voudriez que je cherche / 
La moitié d’un cul à botter ? / 
En ces temps on ne voit pas lerche… 
/ Ils n’ont même plus de cul, les français ! »

« Je fais partie de l’association Mondiale Anationale, SAT (Sennacieca Asocio Tutmonda). Elle constitue un lieu de rencontres pour des espérantistes de gauche (surtout socialistes, communistes, anarchistes et antinationalistes), syndicalistes et écologistes. Elle s’occupe de diffuser et enseigner l’espéranto aux francophones qui luttent pour un monde sans exploitation, de classe ou de quelque nature que ce soit. Mais il s’agit d’un problème éminemment politique, qui fait tous les jours des victimes humaines. La domination mondiale d’une poignée de langues repose essentiellement sur le pouvoir des États. L’utilisation internationale d’un nombre réduit de langues déforme l’échange culturel et déséquilibre le flux d’informations en faveur des élites politiques, économiques et idéologiques des pays linguistiquement privilégiés. L’utilisation d’une langue neutre et plus facile à apprendre pourrait rétablir en partie l’équilibre et l’équité. »

« Marie maman voilà ton fils 
/ Qu’on crucifie sur des affiches / 
Un doigt de scotch et un gin fizz / 
Et tout le reste je m’en fiche 

Ils ont voté… et puis, après ? »

« Et puis l’apprentissage de l’Espéranto exige environ le tiers du temps nécessaire à l’apprentissage de l’anglais ou de l’allemand. L’alphabet est phonétique (un son = une lettre) et la grammaire est très régulière. La phonologie répond au principe de l’internationalité. » Elle résume et tend maintenant sa liste de signatures au jeune homme assis à ma gauche.

Logo esperanto
Logo esperanto

« Il y a eu des études mondiales, sur le problèmes de l’anglais dans l’aviation. Ingénieur civil à Chicago, Kent Jones étudie depuis déjà longtemps les problèmes de l’anglais comme langue de l’aviation. Sur la base de sources et de recherches très diverses, il a démontré qu’il est non seulement mal adapté à cette fonction mais qu’il représente un danger réel. L’origine de nombreux incidents et accidents aériens se trouve dans cette langue qui, comme le système de mesures anglo-saxon, ne brille ni par la clarté, ni par la simplicité, ni par la logique. Kent Jones a déjà entrepris des démarches auprès des organisations nationales et internationales d’aviation afin que la question de sécurité aérienne soit abordée sous ses aspects linguistiques. A son initiative, une terminologie de l’aviation compilée vient de paraître au Brésil sous le titre Aviada terminaro (Terminologie de l’aviation). Il s’agit d’un ouvrage de 288 pages dont le contenu se répartit en 1000 termes, 23 planches illustrées, un dictionnaire aéronautique anglais-espéranto avec 4000 expressions dans 13 chapitres thématiques et une phraséologie de base de l’aviation. »

Bon, ça l’air sérieux. Nous signons tous. J’explique que je suis journaliste à la Gazette, et Elisebeth Lambert, animatrice du groupe de travail « Espéranto-en-aviado » me communique son mail : elisabeth1949@outlook.fr. Elle accepte volontiers d’être prise en photo.

« Ils ont voté… et puis, après ? / Pas moyen de se faire anglais 
ou suisse ou con ou bien insecte / 
Partout ils sont confédérés… 
Faut les voir à la télé-urne  /
 Avec le général Frappard 
/ Et leur bulletin dans les burnes / 
Et le mépris dans un placard 

Ils ont voté… et puis, après ? »

Ecouter la chanson de Léo Ferré

Anne Walder.

Crédits photos:

  • Fumiers Debout, espérantiste: Gazette Debout
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  • Fumiers Debout: Gazette Debout

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