La sobriété du cri

Nuit debout devant les usines Renault
Nuit debout

EXPRESSION DEBOUT. Ça y est, la police nationale a décidé de franchir le Rubicon de pisse qui coule autour de la place de la République et de fouiller les « nuitards » pour bannir l’alcool de la Nuit Debout.

Cet événement signera-t-­il l’arrêt de mort du mouvement, ou aurons-­nous assez de volonté pour nous passer de bière pour exprimer notre cri ?

Dès les premiers jours, je m’étais fait la réflexion : il suffirait de tarir les sources de houblon des alentours de la place pour juguler la démocratie populaire.

Plus tard, j’ai trouvé ironique que tant de citoyens lassés du capitalisme et de ses abus se donnent le mot pour enrichir les héritiers des maisons Heineken et Kronenbourg. J’ai accepté enfin que le débat et la fête soient les faces complémentaires de la médaille de la révolte, que la démocratie, si elle doit être prise au sérieux, ne doive pas bannir la joie, que la foule des fêtards prennr le relais de celle des Communards lorsque la nuit et le froid interrompent les débats.

Marianne devant la statue
Marianne devant la statue

Mais aujourd’hui, l’autorité a trouvé un moyen de juguler la contestation sans endosser le costume du fasciste. Prétextant un énième affrontement entre CRS et casseurs, et la pluie de canettes vides que les seconds ont lancées sur les premiers pour riposter aux jets de canettes de gaz pleureur, le Préfet a délivré son arrêté et interdit la consommation d’alcool sur la place de la République en toute légalité et sans protestation raisonnable possible.

Deux solutions s’offrent alors aux nuitards : changer de place pour contourner la loi, ou faire preuve de volonté et rester debout, sans alcool, dans le froid, la pluie, le dédain des grands médias, les insultes des politiques ou autres académiciens, chantres d’un passé idéalisé où leur condition d’homme blanc leur assurait sécurité et prospérité.

Il n’y a pas d’autres places disponibles à Paris car il n’y a pas de symbole plus grand que celui de la République. Mais il y a eu la volonté de rester debout, la volonté de crier à la face du pouvoir, la volonté de changer un monde. Volonté : ce pouvoir qui ne peut être jugulé, cette flamme que les révolutionnaires qui ne croient plus aux urnes et refusent la violence brandissent dans la nuit, c’est elle que nous devons cultiver.

Résistance
Résistance

Cette Volonté de rester debout, de faire corps, de ne pas plier face à la violence du pouvoir, de ne pas céder aux sirènes de l’émeute. Cette Volonté qui fait que nous pouvons nous reconnaître, qui nous rend insensible aux attaques, qui fait de notre cri un appel universel.

La Nuit Debout a d’ores et déjà modifié le visage de la contestation en France, il ne tient qu’à notre Volonté de la transformer en un mouvement qui modifiera le visage du monde et qui, à l’instar de la révolution de 1789, sera un modèle pour les opprimés, les indignés et les révoltés du futur et d’ailleurs.

Notre cri est né de nos corps souillés ; ayons la Volonté de le faire perdurer dans nos corps sobres et stoïques, car ainsi notre victoire, sans armes, ni violence, sera le pilier d’un monde nouveau.

Sebastien Novac

Crédits photos:

  • 8juin: Francis Azevedo
  • Marianne devant la statue: Nuit Debout
  • Résistance: Francis Azevedo
  • Atelier Dessin Debout: Julien Marrant

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