Odéon Debout sous un déluge de lacrymogènes

REPORTAGE – Les riverains de la place de l’Odéon, dans le VIe arrondissement parisien, n’avaient pas vu cela depuis des années. Plus précisément depuis mai 68, lors qu’un Comité d’action révolutionnaire occupa le Théâtre de l’Odéon « haut-lieu de la culture bourgeoise » pour dénoncer « le spectacle marchandise. »

Avril 2016, même combat. Les Intermittents du spectacle ont décidé d’occuper ce même lieu pour défendre leur régime d’indemnisation.

Pour les soutenir, Nuit Debout de Paris a décidé de délocaliser son Assemblée générale devant le théâtre. C’est la première fois qu’elle quitte la place de la République depuis le début du mouvement, le #31mars dernier.

« Cette action est un message clair à l’attention du MEDEF et du gouvernement. Nous nous déplacerons dès qu’il le faudra car nous sommes aussi mobiles que leur argent et leurs promesses », a déclaré Nuit Debout Paris dans son communiqué.

18h30. Les manifestants commencent à affluer sur la place malgré la pluie et le froid. Ils applaudissent les Intermittents qui, retranchés dans le théâtre depuis la veille, le dimanche 24 avril, ont déployé des banderoles sur le fronton de l’édifice : « De l’argent il y en a – Construisons de nouveaux droits ».

L'Odéon
L’Odéon

Vers 19h, ils sont rejoints par un immense cortège de « nuitdeboutistes » en provenance du Ministère du Travail, où avait lieu une manifestation, puis de la place de la République. Ou simplement du métro ! Tous espèrent organiser l’assemblée générale à l’intérieur de l’édifice.

Manif l'Odéon
Manif l’Odéon

Ce flot ininterrompu effraie un policier : « on est morts », murmure-t-il. Fort heureusement pour lui, la cavalerie arrive en renfort : plusieurs camions de CRS arrivent par la rue de l’Odéon. La tension monte. Alors que les manifestants restent pacifiques, une bombe lacrymogène est lâchée dans la foule. C’est la première d’une longue série. Les coups pleuvent. Les CRS semblent dépassés par l’ampleur de la manifestation.

Marie
Marie

Au milieu de toute cette agitation, Marie, 17 ans, souffle des bulles de savon sur la foule. « C’est pour donner de l’espoir à ceux qui sont coincés là-haut, dans le théâtre », explique cette lycéenne qui vient le plus souvent possible à Nuit Debout. Un activisme encouragé par sa mère. « Mais quand même cette année, je dois travailler, je passe mon bac. »

Sur la place, les discours se poursuivent ; mais le piège se referme. Le lieu n’est pas très difficile à bloquer : cinq rues étroites y mènent. Les CRS empêchent à présent toute sortie. Un mouvement de panique, une charge, encore des bombes lacrymogènes…

Je me réfugie dans un hôtel, le Relais Médicis, à l’angle de la place. Le directeur, manifestement désemparé, me demande de quitter l’établissement. Les clients dans le hall ne savent pas très bien quoi faire. « Je viens de Bruxelles et je tombe là-dedans », grommelle une femme à côté de moi. Le directeur finit par me faire sortir par une porte donnant sur une rue adjacente. Je me retrouve en dehors de la place. Impossible d’y revenir.

J’ose poser une question au CRS plutôt jeune qui me pousse doucement vers l’autre bout de la rue.

– Monsieur le CRS, comment arrivez-vous à garder les yeux secs malgré tout ce gaz ?
– Vous savez, on est comme tout le monde, on pleure aussi.

Gazette Debout

Crédits photos:

  • Odéon (3): Floryan Reyne
  • Odéon (4): Gazette Debout
  • Marie: Gazette Debout
  • Odéon (1): Floryan Reyne

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