Les Chaussettes rouges, habile pièce satirique et politique

EXPRESSION DEBOUT – Une éblouissante « clarté publique » peut cacher de bien inavouables obscurités privées. Ainsi, tel homme dont la femme, handicapée, ne se nourrit que d’aliments à base de miel, a pu, dans le passé, accepter des pots de vin pour regonfler son budget. Telle femme à la libido insatisfaite parce qu’elle voit trop peu son mari a un jour commis l’adultère en succombant aux charmes d’un autre homme.

Celui-ci a donc lui-même trompé sa femme. Et puis, il y a aussi ce benêt étrange qui passe ses journées dans une laverie à regarder tourner les tambours des lave-linge. Pendant ce temps, un flic du régime lourdement armé dit avoir toujours cru au mythe du grand slip, cet état totalitaire dont, nous spectateurs, ne saurons pas grand-chose sinon qu’il impose à ses administrés de ne se déplacer qu’en slip, blanc de surcroît ! Autrement dit, un État fasciste qui ne tolère que des citoyens à poil, ou presque, et qui exprime très clairement sa délirante volonté de contrôle des moindres faits et gestes.

Et lorsqu’une chaussette rouge (la couleur du sang, de la révolution) se glisse malencontreusement dans le lave-linge du flic, le slip qui devait ressortir blanc immaculé se revèle… rose. Rose ! La couleur des petites filles, autrement dit, pour un milicien musclé, la couleur des fiottes. Insulte suprême, ignoble attaque personnelle. C’est alors que surgit l’inévitable thèse de l’attentat terroriste. Pensez donc : comment un garant armé de l’autorité de l’État, de la « clarté publique », pourrait-il patrouiller vêtu d’un slip rose ? Dès lors s’en suit une véritable chasse au traître, lequel, selon ce flic outragé, se trouve forcément dans l’enceinte de la laverie automatique.

La scénographie est sobre et efficace : de grands lave-linge, tout blancs eux aussi, des chaises transparentes, et c’est tout. La symbolique de la « clarté publique » est accentuée par le lieu même de l’intrigue : une laverie, pour rendre les vêtements (à défaut de blanchir ceux qui les portent) plus propres, des machines blanches, des chaises transparentes et des prénoms évocateurs (Claire, Cristalin…). Toutes les dix minutes environ, le noir se fait sur scène et seul est éclairé un grand panneau longiligne orné d’un slip blanc. Une voix monocorde informe alors la populace de la dernière recherche de délinquant, du dernier type de slip qu’on peut se procurer, ou encore de la date toute proche de la grande fête du slip, où il est bien évidemment obligatoire de se rendre. Les personnages écoutent avec obéissance, sages, immobiles, jusqu’à la fin de l’annonce. Une manière de les rappeler en permanence à l’ordre, de ponctuer et rythmer leur temps personnel et de leur signifier, au cas où ils oseraient l’oublier le temps d’une respiration, le temps d’un rêve, qu’ils sont constamment surveillés.

Si cette pièce rappelle à maints égards le chef d’œuvre d’Orwell 1984, elle trouve aussi, hélas,  nombre d’échos dans notre société actuelle. Voir les annonces récurrentes dans le métro qui nous enjoignrnt à dénoncer « tout comportement nous paraissant suspect », l’omniprésence de la publicité qui nous incite à consommer sans cesse, et l’idéologie sous-jacente du toujours tout beau, tout jeune, tout propre, tout moderne et tout branché. Autant d’éléments qu’on peut mettre en parallèle avec la pièce de Sébastien Novac. Servie par des acteurs au poil, celle-ci ne manque ni de rythme, ni de rebondissements. Elle se joue les jeudi, vendredi et samedi à 21h et le dimanche à 17h au théâtre de la manufacture des Abbesses (métro du même nom), et c’ets la dernière semaine. Ne la ratez pas !

David-Gael

PS : participants à Nuit debout, vous pouvez rencontrer l’auteur et metteur en scène (qui joue également dans la pièce) tous les jours sur la place de la République. Il est aisément reconnaissable en ce qu’il arbore un panneau avec le titre de sa pièce au bout d’une pique !

Crédits photos:

  • Chaussettes rouges: Gazette Debout

Une réaction sur cet article

  • 27 avril 2016 at 23 h 55 min
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    Ne sachant pas ou aller cherchant l’été en hiver
    J’ai accepté le temps autant que ma soumission
    Je me révolte en silence et mange ce qu’on me donne
    Pourtant mon coeur est mal et ne me le pardonne
    d’autres plus courageux osent porter la voix
    et j’entends l écho vibrer en ma personne
    Je l’étouffe et ne bouge pas
    En espérant que ce système se gardera
    De m’enlever les miettes
    De paix qu’il me jette.

    Je suis Polo le policier
    LES CHAUSSETTES ROUGES

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