Pour une démocratie totale…

La dynamique de Nuit Debout et l’article de Frédéric Lordon « Pour une république sociale » a incité Malika à partager le texte ci-dessous : 

La république sociale, c’est la démocratie générale, la démocratie partout, et pas seulement comme convocation à voter tous les 5 ans… puis invitation à se rendormir aussitôt. L’égalité démocratique, c’est la détestation de l’arbitraire qui soumet un homme aux desiderata souverains d’un autre, par exemple : tu travailleras ici, et puis non, en fait, là ; tu feras ce qu’on te dira et comme on te le dira ; il est possible aussi que nous n’ayons plus besoin de toi ; si c’est embêtant pour toi, c’est ton affaire, et pas la nôtre, qui est seulement que tu vides les lieux. Tu nous obéiras pour une simple et bonne raison : c’est que tu vivras dans la peur. Il n’est pas un salarié qui n’ait expérimenté les pouvoirs de la peur. La peur, c’est l’ultime ressort de l’empire propriétaire, celle que quiconque éprouve lorsque ses conditions d’existences sont livrées à l’offreur d’emploi souverain.

Comment le gargarisme démocratique s’arrange-t-il avec le fait que, dans la condition salariale, et une fois ôtées les concessions superficielles (ou les montages frauduleux) du « management participatif » et de l’« autonomie des tâches », les individus, rivés à des finalités qui ne sont pas les leurs (la valorisation du capital), sont en réalité dépossédés de toute prise sur leur existence et réduits à attendre, dans la passivité, le sort que l’empire propriétaire leur fera. Car, pour beaucoup, c’est cela désormais la vie salariée : l’attente de « ce qui va tomber ».

Dans une république complète, rien ne peut justifier que la propriété financière des moyens de production […] soit un pouvoir, nécessairement dictatorial, sur la vie.

Face à ce constat, et selon Frédéric Lordon, la constitution d’une république sociale doit abolir la propriété lucrative (faire de l’argent pour de l’argent), non pas pour la remplacer par la collectivisation étatique (dont nous connaissons l’échec parfois dramatique pour les peuples) mais par l’affirmation de la « propriété d’usage » [cf. Bernard Friot, Émanciper le travail, La dispute (Paris, 2014)]. Ainsi les moyens de production n’« appartiennent » qu’à ceux qui s’en servent comme dans les SCOP (Sociétés Coopératives et Participatives), les entreprises autogérées d’Espagne ou d’Argentine… Ces collectivités dont l’activité est de fournir des biens ou services doivent être considérées comme des communautés politiques et auto-gouvernées démocratiquement.  

La première étape serait donc l’élection d’une Assemblée constituante pour, d’une part redéfinir le rôle et le fonctionnement des quatre principales institutions : la Présidence, les deux Assemblées (Assemblée Nationale et Sénat) ainsi que le Conseil Constitutionnel. D’autre part, affirmer le principe de la « propriété d’usage » à travers la mise en place des mécanismes de financement afin que se multiplient les entreprises de type SCOP. Bien entendu, pour que ces entreprises soient viables il faut des débouchés, un marché, des clients. La nécessité (environnementale et sociale) d’une réelle relocalisation des activités de production et de services  (ce qui n’est actuellement qu’un slogan creux), offre un tremplin formidable pour la multiplication de ces entreprises. Depuis 2007, 200 nouvelles SCOP naissent chaque année, par création, reprise ou transmission d’entreprise.

Il y aurait également un formidable potentiel à transformer le statut d’auto-entrepreneur (où souvent les travailleurs, riches d’un savoir-faire inestimable, sont dans une insupportable précarité) en membres associés d’une structure qui leur offre protection et synergie au niveau des ressources et débouchés. Ces nouvelles formes d’entreprise ne vont pas bouleverser du jour au lendemain l’économie actuelle, mais petit à petit, générer de  l’emploi pour contrer sa raréfaction organisée depuis les années 80 par la finance internationale afin de mettre à bas les acquis sociaux ici et ailleurs.

Quant à l’Europe, dont le fonctionnement actuel est antidémocratique, il faudrait à tout prix une refondation alliant un partenariat étroit entre les pays membres sur certaines questions et une souveraineté incontestée sur d’autres.

Malika, Paris, 15 avril 2016 #46mars. 

Crédits photos:

  • Marianne devant la statue: Nuit Debout

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